Africa-Press – Burundi. L’Office burundais des recettes, OBR, vient de rendre officielle le 11 avril 2025 une décision qui impose la machine à facturation électronique aux commerçants. Beaucoup parmi ces derniers expriment leur frustration. Ils dénoncent une mesure inadaptée à leurs modestes moyens financiers et à leur activité. Si certains réclament des clarifications sur son utilisation, d’autres la perçoivent comme une charge supplémentaire insoutenable.
« L’OBR aurait dû d’abord évaluer la situation des commerçants avant de leur imposer cet outil », estime une vendeuse de pagnes dans l’une des galeries du centre-ville de Bujumbura.
Elle souligne qu’elle partage son espace de travail avec trois autres personnes, chacune ayant un petit capital. Elles se regroupent alors pour partager les charges, notamment le loyer.
Elle estime que l’obligation d’acheter une machine individuelle pour enregistrer chaque vente est irréaliste. « Notre commerce ne fonctionne pas bien ici au Burundi. Nous venons simplement pour essayer de gagner de quoi manger et pour payer le loyer. Nous n’avons même pas d’épargne. »
Elle ajoute que cette machine qui coûte 1 500 000 FBu est inaccessible pour les petits commerçants. « Dans ce local, l’une de mes colocataires, une vendeuse de boissons, avec un capital de moins d’un million de FBu, a déjà du mal à joindre les deux bouts du mois. En plus de ce coût initial, il faudra acheter les consommables pour faire fonctionner l’appareil. Ce qui augmente encore les dépenses.»
Un vendeur d’articles masculins partage un avis similaire. Il ne comprend pas pourquoi on lui impose cette machine alors qu’il a un faible capital. Il considère que les facturiers papier, associés aux taxes trimestrielles et aux redevances annuelles à la mairie, sont suffisants. Il craint que cette mesure n’entraîne des sanctions pour ceux qui ne pourront pas s’y conformer car, beaucoup n’ont pas les moyens financiers nécessaires.
D’autres commerçants, bien que résignés, souhaitent obtenir des explications claires sur l’utilisation de cette machine et sur les avantages qu’elle pourrait leur apporter.
Une femme souligne que cette mesure concerne davantage les grandes entreprises ayant un chiffre d’affaires élevé, et non les petits commerçants comme elle.
Enfin, plusieurs commerçants estiment que l’introduction de cette machine représente une charge insupportable pour ceux qui ont de petits capitaux. Ils dénoncent une mesure qu’ils jugent injuste et inadaptée à leur réalité, craignant qu’elle ne pousse de nombreux petits commerçants à abandonner leurs activités.
La transparence des opérations
Face à ces lamentations, le porte-parole de l’OBR, Stany Ngendakumana donne des éclaircissements. Selon lui, le principal avantage de l’utilisation des machines à facturation électronique réside dans la transparence des opérations ainsi que dans la rapidité qu’elles permettent.
Il indique que grâce à ces machines, les factures sont immédiatement enregistrées dans le système de l’OBR dès leur émission. « À titre de comparaison, pour un commerçant qui utilise les facturiers en papier, il doit consacrer du temps à les remplir manuellement, puis procéder à ses calculs et à ses décomptes, souvent à la fin de la semaine ou du mois. Avec la facturation électronique, tout est automatisé. Ce qui simplifie les calculs et garantit une totale transparence. »
Il souligne que la numérisation de toutes les opérations des commerçants va mettre fin aux divergences souvent constatées entre l’administration fiscale et les commerçants concernant les déclarations. Il donne un exemple. « Auparavant, un commerçant pouvait déclarer un chiffre d’affaires mensuel de 50 000 francs burundais sans justification tangible. À l’époque, même si l’OBR soupçonnait un mensonge, il n’y avait pas de données pour le contester. Avec la machine à facturation électronique, cela devient possible car chaque transaction est consignée et traçable. »
Quant à la question du coût des machines, M. Ngendakumana trouve que c’est souvent perçu comme un obstacle. Mais, en réalité, le problème réside davantage dans la volonté des commerçants à adopter cet outil. « L’OBR dispose de différentes directions (grands contribuables, moyens contribuables, petits contribuables) pour accompagner chaque catégorie selon ses besoins. Les commerçants doivent s’engager dans un dialogue direct avec ces directions afin d’exposer leurs difficultés et de trouver des solutions adaptées. »
Il indique qu’il faut également se méfier des fausses déclarations. Certains manifestent alors une certaine réticence à se conformer à la mesure. « Parfois, ce sont des commerçants qui disent vendre quelques produits modestes, mais qui, en réalité, réalisent des transactions importantes lors des événements tels que des mariages ou des fêtes où ils agissent comme prestataires de services. »
Plus encore, il insiste sur la situation des commerçants considérés comme de petits contribuables ayant un capital modeste et donc qui devraient être exemptés de cette obligation. « Ces vendeurs de boissons avec de petits stocks, en examinant leurs activités, on constate souvent qu’ils bénéficient de revenus plus élevés que ce qu’ils prétendent. Un samedi, certains prestataires de services peuvent générer jusqu’à 2 ou 4 millions de francs burundais alors que des salariés modestes s’acquittent de leurs impôts pour des revenus bien inférieurs. Pourquoi ces prestataires ne contribueraient-ils pas, eux aussi, au développement du pays en payant leurs taxes ? »
Concernant les commerçants qui ont de très petits capitaux et se trouvant dans l’impossibilité d’acquérir cette machine, il mentionne qu’il y a une solution pour cela. « Pour les cas extrêmes ou spécifiques, les déclarations doivent être discutées avec les directions opérationnelles des petits et micro-contribuables, qui ont les outils pour vérifier la réalité des chiffres d’affaires et statuer sur chaque situation. »
Quant à la question de la double taxation soulevée par certains commerçants, le porte-parole estime qu’elle est basée sur une perception erronée. Il rassure. « Les redevances payées à la mairie ou à l’administration communale sont considérées comme des charges déductibles lors de la déclaration des revenus auprès de l’OBR. De la même manière que les salaires des employés, les loyers, ou les factures d’eau et d’électricité, ces dépenses sont intégrées dans le calcul des charges déductibles. Il n’y a donc pas de double imposition. Les commerçants qui se conforment aux réglementations et collaborent avec l’OBR ne rencontrent aucun problème dans la mise en œuvre des directives fiscales. »
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