Africa-Press – Burundi. Le spécialiste en sciences politiques et relations internationales estime que les tensions entre le Rwanda et la RDC vont ralentir le rythme d’intégration régionale déjà mis à mal par d’autres conflits entre d’autres Etats membres.
Avec l’escalade qu’il y a actuellement avec le M23, les négociations de paix ont-elles une chance d’aboutir ?
Ces négociations peuvent aboutir à des résultats intermédiaires. Cependant, il ne faut pas s’attendre à ce que ces négociations donnent lieu à une stabilisation durable de cette partie de la RDC. Mais elles peuvent permettre d’apaiser les tensions sur le court terme.
Sinon, le nœud du problème ne peut pas être résolu dans un format comme celui proposé par l’EAC. Ça va nécessiter un processus de paix durable entre les parties en conflit où il faudra d’abord que les protagonistes se disent la vérité sur le véritable problème. Ça leur demandera plus d’efforts.
Quel sera l’impact sur la Communauté ?
Ces tensions constituent une entrave aux projets de développement qui sont entrepris au niveau de la région. Donc, la montée des tensions entre la RDC et le Rwanda ne peut qu’être nuisible au projet communautaire surtout avec la RDC qui venait d’intégrer l’EAC.
Aujourd’hui, le stade auquel sont les tensions est très inquiétant et on est même à mesure de se demander si les deux pays peuvent s’asseoir ensemble dans le cadre communautaire pour réfléchir sur d’autres projets qui peuvent faire avancer la communauté.
Au final, ça va ralentir le rythme d’intégration régionale déjà mis à mal par d’autres conflits, d’autres dissensions entre d’autres Etats membres. C’est une tension de plus qui vient empêcher la Communauté d’avancer vers ses grands projets de développement.
Le Rwanda a essuyé le refus de la RDC de faire partie de la force d’intervention régionale mais fera partie du Centre de commandement régional dans l’est de la RDC. Comment expliquer cette incohérence ?
C’est une contradiction qui est due au fait que nous avons affaire à des Etats qui sont pleinement ancrés dans la théorie réaliste des relations internationales où les intérêts sont mis en avant, où le recours à la force pour résoudre les conflits constitue un des moyens envisageables. Le souci fondamental est que ces Etats n’arrivent pas à se dire la vérité.
Il y a une langue de bois de la part des autres Etats membres parce que c’est à peine voilé qu’il y a une main rwandaise au niveau de ce conflit mais personne ne veut aborder cette question sous cet angle-là. Si on pouvait dire qu’il y a une main rwandaise dans ce qui se passe en RDC, tout naturellement on pourrait conclure que le Rwanda n’a pas sa place ni au niveau des forces déployées sur terrain, ni dans le Centre de commandement régional.
Mais maintenant que les choses sont dites à demi-mot, on se retrouve devant ces contradictions. Et il y a lieu alors de questionner l’efficacité de cette force qui sera déployée là-bas et si même ça sera une force qui va réellement restaurer la paix à l’est de la RDC ou tout simplement une force étrangère de plus qui alimentera plus les conflits qu’elle n’en résout.
Les autres Etats de l’EAC ont-ils intérêt à désigner le Rwanda comme soutien du M23 ?
S’ils étaient guidés par la volonté de résoudre définitivement le conflit en RDC, leur intérêt serait la stabilisation de la RDC. Mais parce que nous sommes tout à fait conscients que ce sont des Etats qui ont d’autres intérêts, ils n’arrivent pas à aborder la question sous cet angle-là en désignant le vrai meneur du conflit en RDC.
Si ces Etats poursuivent leurs intérêts respectifs, ils n’ont aucun intérêt à désigner le coupable et continueront à entretenir toutes ces contradictions en se disant qu’ils sont en train de faire quelque chose.
Quel rôle peut jouer le président Ndayishimiye dans cette crise en tant que président de l’EAC ?
C’est celui de réunir ses homologues autour d’une table pour discuter de cette question et essayer de trouver des voies de stabilisation. Aujourd’hui, son rôle est de faire ce qui est en son pouvoir pour mettre le Burundi à l’avant-garde au niveau des solutions proposées par la Communauté, à remarquer que le Burundi s’est déployé bien avant. Mais malheureusement son impact sur ce conflit restera limité à la fin de son mandat.
Pourquoi ?
Parce que les racines de ce conflit sont très profondes. Ça ne peut être résolu en une année. Et la question centrale qu’il faut se poser est celle-ci : Qui a intérêt à ce que l’est de la RDC soit stable ? Que ce soit au niveau des Etats de la sous-région ou des puissances étrangères, j’en arrive même à me demander si les autorités congolaises ont intérêt à ce que cette région soit stable.
Ne perdons pas de vue que la Communauté est-africaine est en train d’agir comme toutes les autres organisations internationales : On pose des actions pour après dire qu’on a agi même si on sait que lesdites actions n’aboutiront pas au résultat annoncé.
Qu’attendre du sommet extraordinaire de l’EAC qui se tient prochainement ?
C’est un sommet de plus où on va aborder ce conflit dans les mêmes termes, où chaque Etat va essayer de tirer son épingle du jeu en faisant prévaloir ses intérêts, où il y aura des déclarations et même des décisions fortes mais toujours ancrées dans la quête des intérêts des Etats de la région plus que l’intérêt crucial de cette région qu’est le recouvrement de la paix.
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