Africa-Press – Burundi. Après l’analyse profonde de la situation de gouvernance pour l’année 2022, Parcem a relevé deux grands défis à savoir le manque de vision et de plan opérationnel pour orienter le développement économique ainsi que la mauvaise gouvernance, la corruption, les malversations économiques, le manque de transparence dans la gestion de la chose publique.
« Le pays a continué de subir de pleins fouets les conséquences douloureuses de la rareté des devises. Cette rareté alimente l’existence de deux taux de change », indique Faustin Ndikumana, directeur national de la Parcem, lors d’un point de presse de 11 janvier. Selon lui, cela handicape les affaires et nourrit la spéculation et bloque le développement du secteur privé tout en entretenant l’inflation.
« Une inflation record est actuellement à 26,8%. Cette inflation plonge des familles entières dans une situation de vulnérabilité notoire et renforce la paupérisation. Elle frappe les produits vivriers et d’autres d’usage courant. Cela fait le lit de la malnutrition qui avait déjà pignon sur rue. »
Faustin Ndikumana parle également de pénurie du carburant malgré les promesses du président d’y trouver une solution idoine. « La rareté du carburant devenue rebelle prouve encore une faible capacité du pays à importer, une mauvaise organisation du circuit d’approvisionnement des produits pétroliers et une faible capacité de stockage. Cette rareté a des conséquences incalculables sur l’économie et annihile ses structures entières. »
Un endettement frôlant les 3000 milliards BIF
D’après Faustin Ndikumana, les finances publiques restent marquées par un endettement intérieur colossal frôlant les 3000 milliards BIF. « Ce montant arrive à la limite supérieure de 60% du PIB. Cet endettement crée une pression sur le marché des capitaux intérieur car l’Etat les assèche au détriment du secteur privé. » Et d’ajouter que l’assainissement et le redressement des entreprises publiques est toujours problématiques.
« Une lutte contre la corruption annoncée dans le discours mais elle est peu cohérente dans les faits. Le gouvernement se contente de parler des remboursements de l’argent détourné sans montrer les auteurs et le sort qui leur a été réservé. » M. Ndikumana trouve que les secteurs porteurs de croissance restent en berne. « L’agriculture a été priorisée mais le résultat a été un fiasco. Le secteur minier est dans l’oubli. Le tourisme reste inexploité. La production du café recule et ne fait plus rentrer les devises comme auparavant. Etc. »
Des leaders des partis politiques intéressés par des postes
En politique, la Parcem relève des faits saillants : l’éviction de l’ancien Premier ministre, Général Alain Guillaume Bunyoni, sur fond de tension. Un travail de la CVR (Commission Vérité et Réconciliation) qui évolue en dents de scies. Une quasi-absence du débat contradictoire au sein des partis politiques sur l’échiquier politique burundaise. « Les leaders des partis politiques sont plus intéressés par des postes à acquérir que les projets de société assortis de programmes politiques à défendre. Cela continue à hypothétique l’avenir du leadership politique burundais. »
Au niveau de la justice, M. Ndikumana trouve que même s’il y a eu la réforme instituant des juridictions à la base sous forme d’Abahuza pour faciliter le règlement des litiges au niveau local, il y a toujours un bémol. « Le péché originel reste d’actualité : la politisation dans le choix des membres de ces structures. Cela pourra altérer leur efficacité. Encore plus, ces nouvelles structures sont venues casser l’ institution d’ « Abashingantahe » qui constitue l’épine dorsale de la culture burundaise dans le règlement des conflits. »
D’après le directeur national de la Parcem, la justice n’est pas encore réformée pour qu’elle joue le rôle d’arbitre et de lutte contre l’impunité. Il cite l’absence de la Haute Cour de justice, pas de reconnaissance du pouvoir judiciaire comme 3ème pouvoir, les recommandations des états généraux de la justice de 2013 qui restent reléguées au second plan.
Silence radio sur les crimes de sang
Côté sécurité et droits de l’homme, la Parcem relève quelques violations : des corps sans vie mais dont les auteurs du crime ne sont pas identifiés, l’abus de l’administration liés à l’exigence des paiements et contributions non prévus par la loi et à la participation par force de la population dans les activités festives, une brutalité policière où même les citoyens perdent la vie, les abus des jeunes Imbonerakure qui se font toujours entendre même si leur nombre a diminué par rapport aux années antérieures.
« Quant à l’intolérance politique, elle reste le péché originel de l’administration locale. Les activités organisées par l’opposition surtout le CNL sont parfois interdits ou perturbés par l’administration. » D’après M. Ndikumana, les arrestations arbitraires se multiplient et la population pénitentiaire est de 12.143 avec une majorité des prévenus de 6574 et les condamnés 5469. La population pénitentiaire augmente car, selon Faustin Ndikumana, elle était autour de 10.OOO en 2020.
« Ce qui est visible, la police fait un effort de dévoiler les identités des criminels qui font le vol d’escroquerie et à main armée. Mais très rare de nous parler les auteurs des crimes de sang. Encore plus, suite à l’impunité des crimes de sang, des citoyens développent un réflexe de porter atteinte à la vie des autres même pour des cas de conflits mineurs. Une dette de 1000 BIF suffit pour enregistrer une perte humaine. »
Doter le pays d’une vision
La Parcem trouve que le pays manque d’une vision et de plan opérationnel pour orienter le développement économique. « Les recommandations du Forum économique de novembre 2021 ne sont pas sortis et les documents de référence élaborés sont multiples et désorientent les planifications. »
De plus, la Parcem trouve qu’il y a un problème de gouvernance. « La mauvaise gouvernance, la corruption, les malversations économiques, le manque de transparence dans la gestion de la chose publique deviennent de plus en plus le péché originel dans notre pays avec des conséquences graves. »
Sur ce, la Parcem recommande de doter le pays d’une vision servant de trajectoire tout en précisant la fenêtre d’entrée à partir des potentialités dont dispose le pays afin de galvaniser et bien orienter les investissements. Selon cette organisation de la société civile, il faut asseoir un nouvel ordre de gouvernance centré sur le renforcement de la lutte contre la corruption et les malversations économiques.
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