Africa-Press – Burundi. La nouvelle technique de gâchage du béton, inventée par le directeur général de Precast-First Ir. Libère Nitunga, permet d’améliorer la qualité du béton tout en réduisant la quantité de ciment utilisé. Selon lui, cette méthode peut faire économiser au Burundi environs 500 mille dollars par mois. D’après lui, la meilleure préparation du béton peut conduire à une économie de ciment de 15%.
Vous avez publié récemment un communiqué dans lequel vous annoncez que de multiples négligences dans la préparation du béton conduisent à un gaspillage et à une grande perte pour l’économie nationale. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure cela est vérifiable ?
Vous avez raison, cela fait quelques temps que nous essayons de réveiller les gens sur un important gaspillage de ciment qui pourrait nous permettre, chaque mois, d’économiser 0.5M de USD d’une part et éviter le rejet dans l’atmosphère de 20.000 t de CO2, qui est le principal gaz à effet de serre.
D’abord le principal pourcentage de 15% de gaspillage de ciment est facilement vérifiable. Avec la méthode habituelle, on utilise 350kg de ciment pour avoir 1 mètre cube (m3) de béton standard de 25 MPa. Mais avec la méthode de Precast-First, il suffit de 300 kg de ciment pour avoir le même béton standard de 25MPa. D’où la différence de 15%.
En d’autres mots, avec la méthode habituelle, 1kg de ciment produit seulement 7kg de béton, tandis qu’avec la méthode de Precast-First, 1 kg de ciment produit 8kg de béton de même résistance.
Concrètement, qu’est-ce qui fait la différence entre les 2 méthodes : la méthode habituelle et la nouvelle méthode de Precast-First ?
Ce sont 3 principes élémentaires de la fabrication du béton qui ne sont pas mis en œuvre d’une façon appropriée. Il s’agit de la qualité et de l’échelonnement des granulats (sable et gravier), ainsi que de la réduction de l’eau de gâchage du béton. Il n’y a aucun principe qui ne soit connu de tous les professionnels de la construction et qui découlent même de logiques simples : propreté, organisation, cohérence.
Pouvez-vous être plus précis ?
Parlons d’abord de qualité des granulats. Dans des économies mieux organisées, il y a des normes sur la qualité du sable que les fournisseurs doivent respecter. Chez nous, il n’y en a pas. Les fournisseurs amènent des granulats plus ou moins chargés des diverses impuretés, minérales et organiques, et en quantités variables.
Dans un échantillon pour lequel nous avons quantifié ces impuretés, elles représentaient 6% du sable. Comme dans le béton, le ciment est généralement la moitié du sable en poids, les impuretés représentent donc 12% du ciment dans cet échantillon.
Que fait-on habituellement face à cette situation ?
Rien, on utilise ce mélange de sable et d’impuretés tel quel. Cela diminue la qualité du béton. Pour avoir la même qualité finale du béton, on devra compenser en utilisant une plus grande quantité de ciment. En clair, ne pas trop s’en faire au niveau de la préparation, mais quelqu’un devra en payer le prix.
Et que fait Precast-First ?
Les granulats sont rincés jusqu’à ce que l’eau qui en sort soit claire. C’est-à-dire que nous faisons aussi le travail qui aurait dû être fait par les fournisseurs de matériaux.
La deuxième étape est l’échelonnement des granulats ou granulométrie étalée. Dans la fabrication du béton, il est connu et reconnu que l’on obtient un meilleur résultat en utilisant différents diamètres des granulats, et dans des proportions bien déterminées. On parle d’une « composition optimale des bétons ».
Que fait-on habituellement face à cette situation ?
Rien. On utilise le mélange hétérogène de graviers de différents diamètres dans des proportions aléatoires, avec parfois du sable dedans. Même ici, on ne s’en fait pas trop au niveau de la préparation. Mais cela va se répercuter sur la quantité de ciment utilisée si on veut arriver à la qualité du béton standard.
Que fait Precast-First pour optimiser la composition du béton ?
Le gravier brut est passé dans des treillis de différentes ouvertures : 4 ; 3 ; 2 ; 1 ; 0.5 ; 0.1. Chaque élément de la construction a sa propre formulation : tel % de gravier de tel diamètre, etc. suivant que c’est une semelle de fondation, une colonne, une poutre, un panneau de mur ou de dalle, etc.
Parlons de la réduction de l’eau de gâchage du béton
Il est connu et reconnu ici aussi, que la quantité d’eau nécessaire pour que le ciment et le sable se transforment en pâte reliant les cailloux est de l’ordre de 300 cc ou 0.3 L par kg de ciment. Toute quantité d’eau supérieure est destinée uniquement à rendre le béton malléable. Elle s’évaporera avec le temps et laissera donc des vides dans le béton. Ces vides sont une source de faiblesse du béton et d’infiltration de l’eau dans le béton à long terme. Un des enjeux majeurs de la fabrication du béton est donc la réduction de l’eau de gâchage mais sans aller en dessous du seuil ci-dessus. Pour y arriver, dans les économies plus avancées, on utilise des produits chimiques appelés adjuvants réducteurs d’eau.
Que fait-on habituellement face à cette situation ?
Rien. On met autant d’eau que nécessaire jusqu’à ce que le béton soit malléable, sans chercher à la réduire.
Même ici, pour la 3ième fois on ne s’en fait pas trop. Mais il faut s’attendre à des conséquences en termes de qualité du béton ou de quantité de ciment nécessaire pour compenser.
Que fait Precast-First face à cette situation ?
Precast-First a développé sa propre technique de réduction de l’eau de gâchage du béton, sans devoir ajouter des adjuvants ni aucun autre produit chimique. Au lieu de mélanger tous les constituants du béton en vrac : gravier, sable, ciment et eau, nous procédons en 2 étapes.
La fabrication du béton consiste in fine à fabriquer un gros caillou ayant une forme bien déterminée, avec de petits cailloux que sont les graviers. Ceux-ci sont reliés entre eux par une pâte, qui est faite de sable, de ciment et d’eau. Fabriquer la pâte à part conduit à une réduction de l’eau de gâchage, et donc à une augmentation de la résistance du béton ou une diminution du ciment utilisé.
Comment savez-vous que ça marche ?
Le plus simple est de comparer la résistance de deux échantillons de béton fabriqués suivant les 2 méthodes. Chacun peut le faire pour s’en rendre compte. C’est facile à faire.
Alors, si ça marche et que c’est vérifiable, pourquoi est-ce que tout le monde n’utilise pas la méthode Precast-First de fabrication du béton ?
Il serait intéressant justement de poser cette question à ceux qui font ce gaspillage. Par exemple, pourquoi ils utilisent des granulats avec beaucoup d’impuretés ? Pourquoi ils n’utilisent pas les granulats échelonnés alors qu’ils l’ont appris dans leur cursus scolaire et universitaire ? Pourquoi ils utilisent autour de 0.8 L d’eau par kg de ciment alors qu’ils savent que plus on met d’eau au-delà du minimum de 0.3 L par kg de ciment, la résistance du béton va diminuer ?
Un enfant à qui son père demandait pourquoi il avait de si mauvaises notes à l’école, il répondit qu’il hésitait entre l’hérédité et l’environnement. Moi, je n’hésite pas entre les deux, mais je pense qu’il y a un peu des deux : un aspect structurel caractérisé par une très faible capacité d’innovation, et un aspect environnement caractérisé par un manque d’exigence de qualité de la part des propriétaires de maisons.
Commençons par l’aspect environnement qui n’est pas exigeant en termes de qualité.
Le béton armé, qui est le principal matériau de construction, a plusieurs niveaux de résistance ou de qualité, que l’on mesure en MPa comme déjà dit plus haut. Lors de la réception des bâtiments, ou même pendant leur construction, je n’ai jamais vu ou entendu que la Commission de réception aurait procédé à la mesure de la qualité du béton qui a été utilisé. Si ça a existé, ce serait des cas isolés. Donc sans aucune mesure de la qualité du béton, on réceptionne en réalité juste quelque chose qui ressemble au béton. Mais, c’est comme mettre une chaussure neuve au pied gauche, et une chaussure usée au pied droit. Ou encore acheter un bijou avec la seule information qu’il est en or. Sans se préoccuper de savoir si c’est de l’or de 24, 18, 12 ou même 9 carats.
Precast-First a déjà été sollicitée pour aller mesurer la résistance du béton sur 3 immeubles de plusieurs niveaux en construction. Le résultat est très alarmant. La résistance variait entre 12 et 18 MPa sur le premier immeuble, entre 25 et 32 MPa sur le deuxième, et entre 11 et 22 MPa sur le troisième !
Jusqu’à présent, on construisait essentiellement des villas, pour lesquelles des négligences de ce point de vue n’entraînaient pas de conséquences catastrophiques pour plusieurs raisons. Mais, la situation va être toute autre avec la construction en hauteur. Si on continue à construire sans vérifier la résistance effective du béton sur les immeubles depuis la fondation, on aura beaucoup de soucis à se faire. Ici je ne parle même pas de l’hypothèse d’un séisme de magnitude 6 ou 7 sur l’échelle de Richter, qui n’est pas à exclure lorsque nous parlons de la construction au Burundi.
Avant de continuer, pouvez-vous nous dire combien coûte une opération de vérification de la résistance du béton sur un immeuble en construction ? Quel est l’appareil que l’on utilise ? Les résultats sont-ils fiables ?
Il y a plusieurs méthodes de mesure de la résistance du béton sur un immeuble en construction ou déjà achevé. Mais, la méthode la plus simple et la moins chère se fait à l’aide d’un scléromètre. C’est un appareil portatif pesant quelques 2-3kg, qui coûte autour de 1.000.000 FBU.
A Precast-First nous le faisons gratuitement, mais il y a des services pour lesquels c’est payant. L’appareil donne un ordre de grandeur de la résistance du béton. C’est pour cela que l’on effectue un grand nombre de mesures pour avoir une moyenne proche de la réalité : 10 tests sur une même zone.
Un message pour les propriétaires ?
Je dirais que la principale cause sont les propriétaires de bâtiments qui ne sont pas exigeants en termes de qualité du béton. Si les entrepreneurs savent que personne ne va vérifier la qualité du béton, on peut s’attendre à ce qu’ils ne s’investissent pas dans le rinçage et l’échelonnement des granulats, ainsi que dans la réduction de l’eau de gâchage.
Mais, ils seront motivés à le faire s’ils savent que dans le processus de réception de l’ouvrage, le propriétaire fera tester la résistance du béton qui a été utilisé dans la construction de sa maison.
Actuellement, même les maîtres de l’ouvrage institutionnels ne le font pas. Il n’y a donc aucune motivation à ce que les entrepreneurs améliorent la qualité du béton, surtout que leur devis s’en trouveraient « inutilement » plus chers.
Pour le point en rapport avec notre faible capacite d’innovation, je vous propose de le développer dans une prochaine deuxième partie.
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