Africa-Press – Cameroun. 24 heures après la mort d’Étienne Ayang Kolfoung à la suite d’un coup de poignard fatal, qui lui a été asséné par un élément du bataillon d’intervention rapide (BIR) avant-hier, lundi 27 février 2023 à Moussourtouk dans l’arrondissement de Moutourwa, collègues, amis et frères du défunt sont inconsolables. Au lycée bilingue de Kaélé, lieu de service du défunt, le choc est encore vif.
Les enseignants, même ceux qui sont entrés en salle, n’ont pas eu la force nécessaire pour dispenser les cours ce matin. Les élèves, par petits groupes, échangent sur le sujet en essayant de comprendre. Mais à la vérité, Étienne Ayang, témoigne Aimé Adjia, président de l’amicale des enseignants du lycée bilingue de Kaélé, « était un collègue arraché à la vie inutilement par des gens censés nous protéger.
Nous n’avons pas le moral. Nous cherchons à comprendre ce qui s’est passé. C’est vrai que ça ne va pas ramener Ayang, mais nous avons l’impression que les enseignants sont en insécurité permanente. C’est comme si l’enseignant était devenu un bout de papier que tout le monde peut piétiner à sa guise. Nous voulons vraiment que la hiérarchie se penche sur ce cas pour faire toute la
lumière», souligne-t-il.
Déjà en matinée, le préfet du département du Mayo-Kani, accompagné de tout son état-major s’est rendu au lycée pour réconforter le corps enseignant. Il a eu une séance de travail de près d’une heure, avec les représentants des élèves et des enseignants. Kpoumie Njoya Abdoul Aziz a indiqué pendant la rencontre que les enseignants doivent rester calmes et ne doivent pas considérer les forces de l’ordre comme leurs ennemis. Après la rencontre du lycée, le préfet s’est également rendu au domicile des parents à qui il a présenté des condoléances avant de tenir une autre réunion dans ses services avec les forces de Défense et de Sécurité.
Pour le proviseur Pierre Onsala « c’est un coup dur pour la communauté éducative du lycée bilingue de Kaélé. Surtout que Ayang vient à peine d’être parent. Il laisse une veuve et un enfant de deux mois qui n’aura pas la chance de connaître son père. C’est cruel.
Nous espérons que toute la lumière sera faite sur cet acte odieux». Permissionnaire, le défunt Étienne Ayang Kolfoung se rendait à Maroua en compagnie d’un chauffeur de moto taxi (celui avec lequel il a l’habitude de déplacements) pour toucher son salaire, lorsque l’irréparable se produisit. Selon les témoignages de Wapou, le conducteur de moto, « en route, Ayang m’a demandé si j’avais un peu d’argent sur moi. Je lui ai dit que je n’avais que 2000 Fcfa. Il m’a demandé qu’on s’arrête à Ndra Ndra Bar pour prendre une bière avant de continuer sur Maroua».
VIOLENTE ALTERCATION
Dans le bar, ils trouvent 4 éléments du BIR. « Ayang les a salués, croyant avoir reconnu l’un d’eux comme son ancien camarade. Ce que le concerné a malheureusement mal pris.
Pendant qu’Ayang s’excusait, lui continuait de gronder. C’est là que je lui ai dit : qu’a-t-il dit ou fait de mauvais pour s’en prendre comme ça à lui ? Du moment qu’il s’est excusé auprès de vous. C’est là donc qu’il s’est levé et est venu vers moi en me mettant sous la gorge le couteau baïonnette, me demandant de parler si je suis un garçon. Je n’ai rien dit. Quand il est parti, Ayang m’a dit : finis ta bière, on part. C’est effectivement en sortant qu’il revient à la charge en disant à Ayang, tu pars où ?
N’est-ce pas que tu connais tout le monde, tu ne vas aller nulle part. La seule chose qu’Ayang a dite : c’était une confusion et je me suis excusé ; c’est quelle histoire ça encore ? C’est comme ça qu’un autre militaire s’est aussi levé pour venir bloquer le passage à Ayang. Lorsque Ayang cherchait à passer, il l’a giflé à deux reprises avant de le poignarder à la poitrine, au niveau du cœur. Lorsque Ayang s’écroule, les 4 militaires ont voulu s’enfuir. C’est là que j’ai pu maîtriser un d’entre eux en lui disant que vous ne pouvez pas tuer mon ami et prendre la fuite.
L’un est revenu, m’a boxé et frappé avec les rangers, j’ai dit qu’on va seulement me tuer avec celui-là. Je criais au secours et la population est venue, le militaire a pris fuite, mais j’ai réussi à maîtriser l’un d’eux jusqu’à ce que les gendarmes viennent le menotter».
Dans un communiqué du ministère de la Défense rendu public le 28 février 2023 au
sujet de cette affaire, « l’enseignant aurait reconnu l’un des militaires, le soldat de 2ème classe Woulkam Baïbaï en service au 5ème BIR, avec qui il aurait eu quelques antécédents par le passé. Sous l’emprise de l’alcool, une violente altercation s’en est suivie entre l’enseignant et le soldat. Malheureusement elle s’est soldé par la mort de l’enseignant ayant reçu un coup de poignard du soldat».
Et de poursuivre : « comme mesures conservatoires immédiates, le soldat de 2ème classe Woulkam Baïbaï a été interpellé, désarmé, démobilisé, sorti de la zone manu-militari et mis aux arrêts à la compagnie de gendarmerie de Kaelé. S’agissant des trois camarades témoins de la scène, ils sont en cours d’exploitation approfondie à la brigade territoriale de gendarmerie de Moutourwa».
Les enquêtes sont en cours pour appréhender les deux autres fugitifs. Hier après-midi, le proviseur du lycée de Kaélé, Pierre Onsala s’est rendu, avec ses collaborateurs dans la famille du défunt Ayang pour réconforter sa famille et s’enquérir de la suite. Lequel laisse une veuve, un enfant de deux mois, son père, infirmier à la retraite et sa mère, officier de police encore en activité à Kaélé. Parmi ses collègues, Ayang est décrit comme un bon enseignant de français, très blagueur.
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