Découvrez le Schéma de l’avenir de la sécurité en Afrique de l’Ouest après l’expulsion de la France

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Découvrez le Schéma de l’avenir de la sécurité en Afrique de l’Ouest après l'expulsion de la France
Découvrez le Schéma de l’avenir de la sécurité en Afrique de l’Ouest après l'expulsion de la France

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – CentrAfricaine. Le nombre de bases militaires françaises ne sera plus que deux bases au lieu des 10 bases qu’elle gérait au cours des dernières années, dans les pays d’Afrique de l’Ouest et au Sahel, après le retrait français du Mali, du Burkina Faso l’année dernière (2022) et du Niger vers la fin de cette année 2023.

Cela reflète le déclin de l’influence de la France dans la région, qui a été un bastion traditionnel de son influence pendant de nombreuses décennies.

Mais au début, il serait très utile de clarifier exactement à quoi les pays du Sahel sont confrontés, puis quelles sont les tendances politiques actuelles pour relever le défi à venir ?

A quoi les pays du Sahel sont confrontés

Depuis plus d’une décennie, les pays de la région africaine du Sahel sont témoins de crises politiques et sécuritaires qui se chevauchent, en raison de la propagation de groupes terroristes armés transfrontaliers et de gangs du crime organisé (trafic de drogue, d’armes et d’êtres humains) dans cette région du désert au terrain accidenté qui fournit à ces groupes des fortifications et une protection contre la vue de leurs poursuivants face aux forces gouvernementales. Toutefois, la situation stratégique de l’Afrique de l’Ouest et ses frontières poreuses, combinées à des institutions généralement faibles et à une instabilité politique, ont également conduit, entre autres choses, à la prolifération de multiples activités illicites, qui ont ensuite favorisé l’insécurité et l’instabilité.

Et au vu de cela, en fait, nous avons des pays que l’on peut qualifier de modèles pour le type de problèmes qui peuvent être locaux ou transitoires au niveau régional. Par exemple, le Mali est confronté à un défi à l’unité du territoire national face à la « crise Azawad-Touareg », exigeant à tout le moins l’indépendance ou l’autonomie, sachant qu’ils contrôlent en réalité certaines parties du nord du pays.

D’un autre côté, les défis les plus importants du Nigeria résident dans l’infiltration de l’organisation terroriste « Boko Haram » dans le tissu étatique, ce qui explique peut-être les succès que ce groupe a remportés dans ses opérations, notamment ceux liés à l’enlèvement d’élèves.

Le Tchad, quant à lui, fait face à l’opposition armée basée sur le règne prolongé de la famille Deby, depuis l’assassinat de son président Idriss Deby Itno, à son fils Mahamat Idriss Deby qui n’a aucune légitimité constitutionnelle.

Tandis que le Burkina Faso est confronté à une escalade des opérations terroristes au point que le taux de victimes est le plus élevé d’Afrique. C’est pourquoi Ibrahim Traoré, l’auteur du putsch réussi dans son pays, qui a survécu à une tentative de coup d’État manquée tout récemment, affirme que « la sécurité a la priorité sur la démocratie », ou en d’autres termes, qu’il n’y aura probablement pas de retour à la légitimité constitutionnelle dans un avenir proche.

I – Contexte actuel

Ceci dit, ces développements surviennent à la lumière d’un contexte politique et sécuritaire régional turbulent dans la région de l’Afrique de l’Ouest, y compris au Sahel. Des contextes d’interactions régionales à l’heure actuelle découle ce qui suit :

• Confrontation des nouveaux régimes militaires à des troubles internes

La situation des nouvelles autorités militaires dans certains pays de la ceinture du coup d’État reste instable, à la lumière des troubles des conditions politiques, économiques et sécuritaires résultant de la pression internationale exercée par certains acteurs des puissances internationales, notamment Paris. Cette proposition renforce la tentative de coup d’État manquée au Burkina Faso, qui exprime les répercussions négatives d’une série de changements radicaux sur la scène régionale au cours de la période récente. Les autorités d’Ouagadougou ont annoncé avoir déjoué fin septembre 2023 une tentative de coup d’État menée par des officiers et d’autres personnalités pour tenter de renverser le président par intérim, Ibrahim Traoré, soit près d’un an après le coup d’État qu’il a mené en septembre 2022 dans le pays.

• Adoption par les régimes au pouvoir de mesures pour renforcer le pouvoir

Il s’agit de décisions visant à consolider l’autorité des nouveaux militaires dans certains pays de la ceinture putschiste, en prolongeant les périodes de transition au cours de la période à venir. C’est dans ce sens que le 25 septembre 2023, le Conseil militaire de transition au pouvoir au Mali, présidé par le Colonel Assimi Goïta, a décidé de reporter la tenue des élections présidentielles prévues en février 2024, pour des raisons techniques et organisationnelles.

De même, le Conseil militaire du Niger, présidé par le général Abdourahamane Tchiani, a annoncé le 3 octobre 2023 avoir fixé le calendrier de la phase de transition lors de la convocation d’un forum national global. C’était après que Niamey ait accepté la médiation algérienne pour résoudre la crise du Niger, même si la nouvelle armée avait précédemment déclaré son désir de prolonger la période de transition pour les trois prochaines années.

A son tour, le Capitaine Ibrahim Traoré, président par intérim du Burkina Faso, a annoncé en septembre 2023 son intention de modifier partiellement la constitution de son pays, afin d’élargir la confrontation avec les organisations terroristes, d’autant plus que l’armée ne contrôle pas tout le territoire de l’État.

Par ailleurs, au Gabon, Raymond Ndong Sima, Premier ministre gabonais, a déclaré que son gouvernement annoncerait un calendrier pour les élections et un dialogue national pour discuter de la réforme du système électoral.

• Lancement de nouvelles alliances régionales

Il faut reconnaître qu’il existe un état d’alignement régional face à l’influence occidentale, notamment française, suite à une série de coups d’État récents dans la région du Sahel. Cette situation s’est cristallisée lors de l’annonce de la mise en place d’une nouvelle alliance régionale, le 16 septembre 2023, constituée des pays du Mali, du Niger et du Burkina Faso (pays de la ceinture du coup d’État) dans le but d’une coopération et d’une coordination sécuritaires et militaires contre toute agression extérieure ou régionale qui viserait l’un des membres de ladite coalition. Il s’agit d’une étape qui explique les divergences entre les pays du Sahel et la France au cours de la période récente, excluant toute chance de rapprochement entre les deux parties, au moins à court terme, ou de percée française dans les pays de la région à l’avenir.

Dans ce contexte, il faut dire que l’alliance du « Liptako-Gourma » entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso s’est engagée à mettre en place un système de défense commun dans le but de lutter contre toutes les formes de terrorisme et de criminalité organisée dans la région, conformément aux articles « 2 & 4 » de la Charte de l’Alliance, tandis que l’article cinq parle de la licéité de la confrontation préventive de tous les types de rébellion armée ou d’agression violente contre l’État.

La chose la plus dangereuse dans cette charte est peut-être que tout ciblage d’un État membre de la coalition est considéré comme une attaque contre tout le monde, ce qui nécessite de recourir à tous les moyens, y compris les armes, pour défendre le pays attaqué, tout en ouvrant la porte à d’autres pays du Sahel pour faire partie de l’alliance, selon leurs points communs géographiques et culturels.

• Calme prudent dans la crise du Niger

A noter qu’un état de calme règne autour de la crise à Niamey concernant la situation militaire actuelle, surtout après l’intensification des avertissements du bloc de la CEDEAO sur la possibilité d’une intervention militaire dans le pays suite au récent coup d’État, et ceci afin de restaurer l’ordre constitutionnel et l’ancien président Mohamed Bazoum. Cependant, certains pays du Sahel ont mis en garde contre les conséquences d’une intervention militaire et ont déclaré défendre le Niger au cas où il serait soumis à une action militaire. C’est ce qu’a exprimé clairement Abdulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères, qui a alerté le 23 septembre 2023 sur l’intervention militaire au Niger, en marge des travaux de l’Assemblée générale des Nations Unies, à New York.

A cela s’ajoute le déclenchement du coup d’Etat au Gabon en août 2023, qui a renforcé les craintes de la CEDEAO d’un effet domino en Afrique de l’Ouest, outre l’annonce par la France du retrait de ses forces du Niger d’ici décembre prochain, et l’approbation des autorités au pouvoir au Niger à la médiation algérienne pour régler la crise, ce qui permettrait de trouver une issue sûre à la crise actuelle entre le Conseil militaire nigérien et la CEDEAO, en évitant de s’engager dans un conflit militaire régional qui déstabiliserait davantage la sécurité dans la région.

• Croissance de l’activité terroriste en Afrique de l’Ouest

Ce qui est certain, c’est que des pays de la ceinture du coup d’Etat connaissent un contexte sécuritaire mouvementé à la lumière des attaques croissantes des organisations terroristes, notamment Al-Qaïda et Daech dans certaines zones sensibles comme le Triangle de Tillabéri, qui partage des frontières avec les pays du Mali, du Niger et du Burkina Faso, comme l’ont annoncé quelques mouvements des rebelles armés, comme la Coordination des mouvements de l’Azawad, qui affrontent le Conseil militaire de transition malien dans le nord du Mali, d’autant plus qu’ils ont réussi à s’emparer de quatre bases militaires à la suite d’une série d’attentats terroristes au cours de la période récente, qui ont incité certaines armées de la région à procéder à une mobilisation militaire de leurs forces afin de faire face aux menaces sécuritaires dans les zones. Pour rappel, le 2 octobre dernier, des unités militaires de l’armée malienne se sont dirigées vers la région de Kidal, au nord du pays, fief des rebelles touaregs du nord du pays.

Le ministère de la Défense du Niger a également annoncé le 3 octobre que 29 militaires avaient été tués dans l’ouest du pays lors d’une attaque terroriste. Le ministère a indiqué dans un communiqué diffusé à la télévision nationale qu’« un détachement des forces de sécurité a fait l’objet d’une attaque complexe » au nord-ouest de Tabatol par plus de 100 terroristes. Il a confirmé que des engins explosifs et des voitures piégées avaient été utilisés lors de l’attaque, confirmant à l’occasion que « des dizaines de terroristes » ont été tués pendant que l’armée repoussait l’attaque.

• Le déclin de l’influence occidentale dans la région

La scène régionale actuelle au Sahel et en Afrique de l’Ouest implique le déclin de l’influence occidentale, y compris française. Cela exprime une nouvelle phase de transformation dans la région, en échange de louanges pour le rôle croissant de la Russie dans ce pays, à la lumière de son interaction sur les questions régionales, notamment la lutte contre le terrorisme à travers les unités paramilitaires privées de é Wagner, qui représentent le bras politique russe sur le continent africain.

• Départ des missions de maintien de la paix de l’ONU

On constate également qu’il y a une nouvelle vague parallèle au retrait français de la région, représentée par les décisions de certaines missions de maintien de la paix de l’ONU de quitter la région. Quelque 3.367 membres de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), ont quitté le pays le 27 septembre 2023.

• L’aggravation des crises des forces françaises au Sahel

Des rapports français ont révélé la dégradation des conditions psychologiques et vitales des soldats français dans les bases militaires au Niger. Cela fait suite à l’escalade des tensions politiques entre Paris et le Conseil militaire de transition nigérien depuis juillet 2023, notamment à la suite du renversement du président Mohamed Bazoum. La frustration s’est glissée chez les soldats en raison du manque de nourriture, car ils vivent de restes de nourriture surgelée et les autorités locales nigériennes ont récemment interrompu l’approvisionnement en électricité et en eau de l’ambassade de France. Paris est de plus en plus préoccupé par la dégradation de la situation de ses soldats au Niger, et dans le sillage un représentant du Parlement français a récemment critiqué cette situation dans une lettre adressée au ministre français des Armées.

II – L’Afrique de l’Ouest et le Sahel : Zones troubles – Répercussions possibles

La décision française de retirer les forces françaises d’Afrique de l’Ouest et du Sahel a de nombreuses répercussions potentielles sur les pays africains au cours de la période à venir, dont les plus importantes sont les suivantes :

• Renforcer l’autorité de la nouvelle armée

Il est probable que la nouvelle élite militaire au pouvoir profitera de la lutte contre le terrorisme dans son pays pour acquérir plus de légitimité, ce qui pourrait garantir qu’elle continuera à gouverner pendant des années après l’achèvement des étapes de transition, après que cette élite ait su mobiliser les masses pour briser l’épine de l’influence occidentale dans les pays du Sahel. Cependant, les nouveaux militaires restent sous une pression constante en raison de l’escalade de l’activité des organisations terroristes et des mouvements armés rebelles, ainsi que des faibles capacités des armées africaines, ce qui pourrait annoncer un nouvel échec dans la lutte contre le terrorisme.

• Extension de la composition de la nouvelle alliance tripartite

Les pays de la région pourraient se sentir davantage préoccupés par l’aggravation des crises sécuritaires suite au départ des forces françaises et des missions de maintien de la paix de l’ONU. Ce qui pourrait les inciter à rejoindre l’alliance tripartite régionale aux côtés du Mali, du Burkina Faso et du Niger, afin de combler les lacunes sécuritaires que pourrait créer le retrait militaire occidental, et de renforcer la confrontation avec les organisations terroristes actives dans la région, notamment Al-Qaïda et Daech.

• Escalade de l’insécurité régionale

Au cours de la période récente, les attaques terroristes se sont poursuivies contre certains pays de la région, comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Ces attaques sont lancées par certaines organisations armées comme la « Jabhat Nusrat al-Islam et les Musulmans » et Daech dans le Grand Sahara, en plus de certains mouvements rebelles armés comme la Coordination des mouvements de l’Azawad au nord du Mali, qui a déclaré la guerre aux autorités maliennes. Cela impose des charges de sécurité aux nouveaux conseils militaires de transition afin de contenir les menaces sécuritaires et terroristes au cours de la période à venir.

• Déclin des efforts de lutte contre le terrorisme dans la région

Le retrait des forces françaises pourrait conduire les puissances internationales à cesser de fournir une aide militaire aux armées africaines, même temporairement, malgré les nouveaux conseils militaires au pouvoir, même si cela menace la sécurité du continent européen, qui considère la région du Sahel comme un mur contre les menaces terroristes. Cela représente une opportunité pour les organisations terroristes d’étendre leurs activités en Afrique de l’Ouest et au Sahel, menaçant ainsi la sécurité régionale africaine et son voisinage régional, en particulier l’Europe.

• Soutien de la montée de la Russie dans la région

C’est là que le Groupe de sécurité Wagner joue un rôle de premier plan en tant qu’outil important de promotion et de protection des intérêts stratégiques russes au Sahel et en Afrique de l’Ouest. Moscou a profité du changement d’attitude des Africains à l’égard de la France et de sa transition du statut d’allié des pays d’Afrique de l’Ouest à celui d’ennemi de certains pays de la région, notamment après le déclenchement des récents coups d’État militaires, pour se présenter comme un allié compétent, capable de répondre aux exigences des pays africains sur leurs épineux dossiers, notamment la lutte contre les organisations terroristes. Paris n’a pas réussi à contenir ses risques au cours de la dernière décennie, ce qui renforce l’influence russe sur la scène africaine, tout en affaiblissant l’influence française et sa position sur la scène internationale.

De manière générale, autant le retrait des forces françaises du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest représente un coup dur porté à l’influence française en Afrique, autant il pourrait également représenter un coup porté en parallèle à la sécurité et à la stabilité de la région, compte tenu de la faiblesse des capacités et de l’efficacité des armées africaines, contrairement à la puissance croissante des organisations terroristes qui cherchent à étendre la portée de leur influence géographique, en exploitant les failles de sécurité qui résulteront du retrait des forces étrangères, au manque d’implication forte des forces du groupe russe privé de Wagner dans la région.

Cependant, même si le déclin français peut être marqué en Afrique de l’Ouest, il ne se retirera pas complètement de l’Afrique et pourrait chercher à renforcer son influence dans d’autres régions comme l’Afrique de l’Est, tout en essayant de retrouver son influence perdue en Afrique de l’Ouest après avoir perdu ses principaux alliés au profit de ses concurrents stratégiques.

Surtout Moscou, qui ne laissera pas l’arène vide en Afrique de l’Ouest à Washington ou à Pékin non plus, pour y protéger ses intérêts vitaux et son influence. Alors que cette intense compétition se poursuit sur la scène africaine entre les désirs d’influence, de richesse et de ressources des grandes puissances, le terrorisme et les crises sécuritaires croissantes resteront la principale menace pour les pays africains au cours de la période à venir, qui doivent s’unir pour faire face aux défis sécuritaires, grâce à des stratégies africaines efficaces sans s’appuyer entièrement sur les grandes puissances dont les intérêts dépassent les préoccupations africaines.

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