En Centrafrique, Arnaud Djoubaye Abazène, ministre et bras armé du président

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En Centrafrique, Arnaud Djoubaye Abazène, ministre et bras armé du président
En Centrafrique, Arnaud Djoubaye Abazène, ministre et bras armé du président

Africa-Press – CentrAfricaine. Allié du Faustin-Archange Touadéra, le ministre de la Justice s’est affirmé comme l’un des piliers du pouvoir à Bangui. Au point d’être l’une des cibles privilégiées de l’opposition.

Début mars, alors qu’il embarquait pour le Cameroun à bord d’un vol de Kenya Airways, l’opposant Crépin Mboli-Goumba a été arrêté à l’aéroport de Bangui, en Centrafrique. Accusé de diffamation et outrage à magistrats, il a depuis été condamné à un an de prison avec sursis. L’une des personnalités jugées responsables de ce que l’opposition dénonce comme une condamnation injuste et politique est le ministre de la Justice, Arnaud Djoubaye Abazène, accusé d’instrumentalisation de la justice et d’« acharnement contre les opposants ».

Mi-février, Crépin Mboli-Goumba avait dénoncé « l’interférence du ministre Arnaud Djoubaye Abazène dans les affaires judiciaires » et « une justice à la solde du pouvoir » lors d’une rencontre avec les médias. Un opposant ayant requis l’anonymat l’accuse, quant à lui, « de persécuter l’opposition afin de chercher la grâce du président Faustin-Archange Touadéra«. « Le parquet est sous l’ordre hiérarchique du ministre de la Justice. Par conséquent, l’opportunité des poursuites au pénal doit au minimum recevoir son feu vert », explique l’ancien Premier ministre Martin Ziguélé.

Ministre, de Michel Djotodia à Faustin-Archange Touadéra

En janvier dernier déjà, l’opposant et ancien président de l’Assemblée nationale Karim Meckassoua avait été condamné à la prison à perpétuité par la justice centrafricaine pour, entre autres, atteinte à la sûreté de l’État. En exil en France, il avait dénoncé lui aussi un acharnement judiciaire et une instrumentalisation de la justice par Faustin-Archange Touadéra et son gouvernement. Arnaud Djoubaye Abazène était alors déjà décrit comme le bras armé du président.

Comment le discret ministre est-il devenu l’un des hommes clés de l’entourage du chef de l’État ? Ancien premier vice-président du tribunal de grande instance de Bangui, ce juriste a d’abord bénéficié de l’accession au pouvoir de l’un de ses cousins, Michel Djotodia. C’est ce dernier qui le nomme ministre des Transports en 2013, poste qu’il conservera ensuite sous la transition de Catherine Samba-Panza. Il quitte toutefois le gouvernement en 2016, alors que Faustin-Archange Touadéra est élu président pour la première fois.

Michel Djotodia continue toutefois de favoriser son ascension. L’ancien patron de la Séléka le présente au nouveau chef de l’État, lui-même conscient qu’il lui faut des alliés dans les communautés musulmanes du nord du pays. Originaire de la Vakaga, région frontalière du Tchad et du Soudan, Arnaud Djoubaye Abazène a le profil. « J’ai demandé au président, alors candidat, de se rapprocher de lui. Quiconque travaillait avec lui remportait les suffrages dans le nord du pays », se remémore un membre de la famille du chef de l’État.

« Il a rassemblé les notables du Nord autour du projet de Touadéra », poursuit cette source. Reconnaissant, Faustin-Archange Touadéra le nomme en mars 2019 ministre des Transports et de l’Aviation civile. Depuis, il reste aux yeux du chef de l’État un relais de poids auprès des groupes rebelles du Nord, même si certains détracteurs l’accusent de financer des mouvements armés dans sa région d’origine, ce que ses proches réfutent. « Il a joué un rôle de premier plan pour pacifier le Nord, ce qui a permis d’y ramener le calme entre les différentes communautés », défend un membre de son cabinet ministériel.

Un cadre influent du Mouvement cœurs unis

Entre fin 2020 et début 2021, alors que la rébellion de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) menace de renverser le pouvoir de Bangui, le ministre des Transports s’investit à fond pour le camp Touadéra, de Ndélé à Birao en passant par Gordil et Bria, avec pour objectif d’éviter que le Nord ne bascule tout entier dans l’opposition armée. Des efforts qui ne passent pas inaperçus: Arnaud Djoubaye Abazène est nommé ministre d’État à la Justice en avril 2021.

Médiateur privilégié entre Bangui et les régions du Nord, il se targue d’avoir obtenu que plusieurs mouvements armés déposent les armes et d’être le principal artisan de l’extinction des tensions avec certaines communautés musulmanes. Il ne manque jamais non plus de mettre en avant son attachement à Faustin-Archange Touadéra. Dans son vaste bureau qui jouxte le tribunal de Bangui, la photo officielle du président s’affiche en très grand format, tandis que trône, sur un meuble d’angle, un autre cliché où lui-même pose avec le chef de l’État.

« C’était lors de la clôture du séminaire gouvernemental en 2022 », se remémore le ministre de la Justice. Ce dernier est même devenu l’une des figures les plus influentes du cercle présidentiel. « Il est un des cadres influents du Mouvement cœurs unis [MCU, au pouvoir] aujourd’hui parce qu’il a su gagner la confiance du président. Il est très écouté et sait convaincre par ses stratégies et ses conseils politiques », juge un ministre conseiller au palais présidentiel.

L’atout numéro un de Touadéra dans le Nord

Récemment, il s’est retrouvé en première ligne de la modification constitutionnelle voulue par Touadéra, s’affichant comme l’un de ses fervents défenseurs. Il décroche même le poste de directeur national de campagne adjoint, derrière Évariste Ngamana, à l’occasion du référendum. « Si le vote s’est déroulé dans la région du Nord dans un calme relatif alors que tout le monde avait prédit des perturbations sécuritaires, c’est en grande partie grâce à Arnaud Djoubaye Abazène. Il a su convaincre les chefs tribaux de l’importance du projet », reconnaît un cadre du parti au pouvoir.

Il dispose en outre de solides contacts dans le monde arabe, a fait le lien entre les autorités libyennes et Bangui, et a favorisé la venue en Centrafrique d’investisseurs saoudiens. Ces derniers ont financé la construction de routes dans la capitale et principalement celle qui mène à l’aéroport de la capitale. Soutenu par Sani Yalo, lui aussi est musulman et est un très influent ministre conseiller de Touadéra, mais aussi par Jean-Claude Rameaux Bireau, ministre de la Défense et neveu du chef de l’État, et par le directeur de cabinet du président, Obed Namsio, il fait figure d’incontournable, au grand dam, donc, de l’opposition.

Cette dernière l’accuse toujours d’avoir corrompu le système judiciaire afin de le mettre au service du chef de l’État. Fidèle à son allié Touadéra, Arnaud Djoubaye Abazène affirme, lui, s’investir dans son ministère afin de « traquer les oppresseurs du peuple et les traduire en justice ».

Source: JeuneAfrique

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