Les troubles frontaliers entre le Tchad et le Centrafrique vont-ils se transformer en conflit ?

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Les troubles frontaliers entre le Tchad et le Centrafrique vont-ils se transformer en conflit ?
Les troubles frontaliers entre le Tchad et le Centrafrique vont-ils se transformer en conflit ?

Africa-Press – CentrAfricaine. L’Afrique continue à s’exposer à de multiples conflits sur le continent, dont certains s’amenuisent alors que d’autres se poursuivent et s’amplifient davantage donnant naissance à des séquelles et conséquences plutôt négatives, pour ne pas dire désastreuses.

C’est d’ailleurs dans ce contexte que nous abordant aujourd’hui la tension et les menaces d’affrontements entre « Tchadiens et Centrafricains » au niveau de leurs frontières communes.

Retour sur l’incident criminel du mercredi 17 mai 2023

Nous croyons savoir qu’au moins 11 villageois ont été tués, le mercredi 17 mai, dans le sud du Tchad, et ce par des voleurs de bétail, dans une zone devenue le théâtre de fréquentes razzias meurtrières où de sanglants conflits mettant face à face « éleveurs et cultivateurs », selon une déclaration faite par l’armée qui affirme avoir tué sept des assaillants.

A noter que ce qui vient de se passer il y a deux jours, est survenu le jour même de l’annonce par les autorités de N’Djamena que l’armée avait mené en Centrafrique une opération inédite conjointement avec des militaires de ce pays voisin pour y poursuivre, tuer et capturer des voleurs de bétail tchadiens ayant massacré 17 villageois dix jours auparavant.

Dans le communiqué publié par l’armée, on peut lire ceci :

Mercredi, « des bandits armés voleurs de bétails sont venus attaquer le village de Mankade dans la sous-préfecture de Laramanaye, où ils ont tué 11 villageois, dont des femmes et des enfants, avant d’emporter avec eux des bœufs », à propos duquel le ministre de la Défense, le général Daoud Yaya Ibrahim, a affirmé que « les forces de l’ordre les ont poursuivis, ont tué sept bandits et huit ont été faits prisonniers ».

Cette attaque est survenue dans l’extrême-sud du Tchad, à une soixantaine de kilomètres de la frontière avec la Centrafrique.

Retour sur l’incident meurtrier précédent commis le lundi 8 mai 2023

Le lundi 8 mai, soit une dizaine de jours avant, une razzia similaire a eu lieu dans la province de « Gori » du Logone oriental, près de la frontière avec la République centrafricaine, et a fait 17 morts parmi les villageois et plusieurs blessés dont un bébé, sachant que l’armée avait assuré que les « bandits armés » étaient des Tchadiens venus de la Centrafrique.

Pour précision, la plupart des habitants de ce village appartiennent à l’ethnie Kaba, qui se concentre surtout au Tchad et en Centrafrique voisine.

Selon le ministère public de la région tchadienne de Gori, une enquête a été ouverte sur les faits de ce supposé « génocide » commis lorsque des « hommes armés et non identifiés » ont attaqué le village de Doun dans la province orientale du Logone, frontalière de la République centrafricaine, à environ 500 km au sud de la capitale, appelant des témoins oculaires ayant assisté au massacre pour les aider à identifier les auteurs.

Le parquet a indiqué que les assaillants, armés d’armes à feu et d’armes blanches, sont venus « à moto et à cheval », expliquant qu’ils ont tué 17 villageois, incendié des huttes, saisi des taureaux et laissé derrière eux un certain nombre de blessés.

La communauté a condamné quant à elle les « actes lâches, brutaux et ignobles » qui ont été commis « sous les yeux des autorités administratives et militaires impuissantes et complices » et a appelé à la démission de plusieurs responsables locaux.

De son côté, la Conférence épiscopale du Tchad a confirmé qu’elle était « choquée par la fréquence des conflits entre groupes intercommunautaires » dans le sud du pays.

Il importe également de souligner qu’en plus de ces sanglants pillages, les affrontements intercommunautaires très meurtriers, opposant éleveurs musulmans nomades et cultivateurs sédentaires majoritairement chrétiens ou animistes, sont très fréquents dans cette zone fertile aux confins du Tchad, du Cameroun et de la Centrafrique.

Entre le Tchad et la Centrafrique : des antécédents conflictuels

Il faut indiquer qu’entre les deux pays voisins, les choses n’allaient pas toujours « tout sucre tout miel », au contraire, la tension n’a jamais quitté ce voisinage.

D’ailleurs, on relève qu’en juin 2021, le Tchad avait renforcé ses forces à la frontière avec la République centrafricaine, après que six soldats tchadiens aient été tués dans une attaque de leur poste frontière par l’armée centrafricaine.

Un mois plus tard, le ministère russe des Affaires étrangères annonçait, début juillet 2021, que la Russie a envoyé 600 soldats supplémentaires à ses forces en République centrafricaine pour former l’armée, la police et la garde nationale, portant le nombre de soldats russes dans le pays à 1135 éléments, quant aux mercenaires de la société de sécurité privée russe « Wagner », ils sont actifs dans la formation de l’armée et la garde des VIP, et contrôlent entre-autres les mines d’or, de diamants et d’uranium dans les zones de conflit proches de l’État du Tchad, qui est considérée encore comme « une forteresse de la France ».

De son côté, le Tchad soutient l’opposition centrafricaine présente à l’intérieur de ses frontières à la demande de la France, pour changer la donne en faveur des forces fidèles à Paris, évoquant le rejet par Paris de certains partis d’opposition, comme l’alliance militaire, dirigée par Ali Muhammad Darassa, qui appartient à la communauté Falata, que Paris ne soutient pas en raison des problèmes historiques entre cette communauté et Paris.

Par ailleurs, il semble bien que les événements de Centrafrique affectent toute la région, y compris le Soudan, le Soudan du Sud, la Libye et le Congo, car la France a réalisé que la sortie de la Centrafrique du cercle de son influence a un coût élevé, car elle souffre de répercussions au Congo, avec lequel la Russie a signé en 2019 un accord bilatéral pour déléguer des conseillers militaires russes à former activement ses forces armées, ainsi que le Cameroun, qui figure parmi les plus importants importateurs d’armes russes sur le continent, dont l’Algérie, l’Angola , le Soudan, le Nigeria, le Mozambique et le Sénégal, ainsi la France essaie donc « coûte que coûte » de changer cette situation.

Selon Mohamed Ali Kiliani, responsable de l’Observatoire des conflits au Sahel africain, les campements de l’opposition tchadienne en Centrafrique sont une réalité indéniable, en poursuivant que : « Le Tchad accueille l’opposition de la Centrafrique, et que la Centrafrique accueille à son tour l’opposition tchadienne ».

Une guerre éclair se déroulerait donc dans la région entre les rebelles et l’armée gouvernementale, car un communiqué de l’opposition armée en Centrafrique, publié le 14 février 2023, indique que les forces de l’Alliance nationale pour le changement, dirigées par le général Ali Muhammad Darassa, a attaqué les forces gouvernementales et leur a infligé des pertes de vies humaines et de matériel, et saisi du matériel militaire lors de l’attaque qui a eu lieu à 18 kilomètres d’une ville située sur l’axe Birao, à la suite de quoi la ville d’Ouanda, qui est riche en ressources naturelles, est tombée.

Ledit communiqué ajoute que les Forces spéciales de l’armée centrafricaine (FACA) auraient été contraintes de se retirer et que l’opposition se serait emparée d’un grand nombre d’armes, de munitions et de véhicules à quatre roues motrices.

Réaction des deux présidents Mahamat Deby et Faustin-Archange Touadera

Entre-temps, on relève qu’il y a prés de trois semaines, deux délégations des deux pays se sont rencontrées à la frontière pour planifier une action militaire conjointe, selon une confirmation émanant de Fidel Guandjika, le conseiller spécial du président centrafricain Faustin-Archange Touadera.

Il a ajouté que Touadera, et son homologue tchadien, Mahamat Idriss Deby Itno, « ont pris cette décision ensemble pour éliminer les bandits des deux côtés de la frontière » tchado-centrafricaine.

Guerre médiatique dans les deux camps

Le gouvernement de la République centrafricaine a déclaré récemment avoir rejeté une demande d’un groupe armé tchadien, appelé le Rassemblement populaire pour la justice et l’égalité au Tchad, qui cherchait à établir une base arrière dans le nord-est de la Centrafrique.

Ce groupe aurait envoyé une lettre au gouverneur de la province de Vakaga, l’une des 16 préfectures centrafricaines, sollicitant son approbation sur la question.

Dans ce contexte, Sylvie Baïpo-Temon, ministre des Affaires étrangères de la République centrafricaine, a confirmé la détermination de son pays à travailler avec tous les pays voisins pour mettre fin une fois pour toutes à la criminalité transfrontalière.

Elle a confirmé que le gouvernement de son pays « ne peut accepter que le territoire de la Centrafrique serve de base arrière à tout groupement, alliance de groupes armés, ou toute initiative visant à déstabiliser un pays voisin », y compris même le Tchad.

Cette décision est une déclaration de calme, à un moment où les relations entre la République centrafricaine et son voisin le Tchad, se sont récemment tendues, alimentées par des affrontements qui ont fait une vingtaine de morts les 17 et 18 avril 2023 dans le sud-ouest du Tchad, et les autorités tchadiennes ont imputé ces attaques aux « rebelles tchadiens implantés en République centrafricaine », les accusant d’alimenter les tensions locales.

De son côté, Daoud Yaya Brahim, le ministre tchadien de la Défense, a récemment déclaré : « Si quelqu’un tue un citoyen ici, nous le retrouverons même s’il s’enfuit à Bangui », et de leur côté, certains en République centrafricaine s’inquiètent d’une soi-disant « menace voilée »…

Serions-nous donc face à un nouveau « conflit tchado-centrafricain » ???

Appui médiatique
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