Petits réacteurs modulaires : une opportunité pour le nucléaire civil en Afrique

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Petits réacteurs modulaires : une opportunité pour le nucléaire civil en Afrique
Petits réacteurs modulaires : une opportunité pour le nucléaire civil en Afrique

Louis-Nino Kansoun

Africa-Press – CentrAfricaine. Les petits réacteurs modulaires (SMR) suscitent un intérêt croissant à l’échelle mondiale, notamment en raison de leur coût réduit, de leur flexibilité et de leur capacité à produire une énergie stable et bas carbone. Dans son rapport The Path to a New Era for Nuclear Energy, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) souligne que ces technologies pourraient représenter près de la moitié des nouvelles capacités nucléaires installées aux États-Unis d’ici 2050 et que des projets totalisant jusqu’à 25 GW de capacité SMR sont déjà en développement dans le monde. Alors que plusieurs grandes puissances investissent massivement dans ces réacteurs, l’Afrique pourrait elle aussi tirer profit de cette révolution. Avec une demande croissante en électricité, des infrastructures énergétiques souvent limitées et des défis d’accès à l’énergie dans plusieurs régions, les SMR apparaissent comme une option stratégique pour l’avenir énergétique du continent. Dissection.

L’Afrique fait face à un certain nombre de défis sur le plan énergétique, qui rendent les SMR particulièrement pertinents. Plus de 600 millions d’Africains n’ont toujours pas accès à l’électricité, selon plusieurs sources concordantes, et la demande énergétique du continent est appelée à croître de manière exponentielle au cours des prochaines décennies, notamment en raison de la croissance démographique et de l’industrialisation. En outre, les réseaux électriques actuels, dans plusieurs pays, posent des problèmes de fiabilité, ce qui entraîne des coupures d’électricité fréquentes et des difficultés d’accès dans les zones rurales.

Une technologie plus accessible et mieux adaptée aux réalités africaines

Les SMR se distinguent des réacteurs nucléaires conventionnels par leur taille plus réduite, leur modularité et leur flexibilité. D’après plusieurs sites spécialisés, leur puissance varie généralement entre 10 et 350 MW, contre plus de 1000 MW pour les centrales nucléaires traditionnelles. Cette caractéristique leur permet d’être intégrés plus facilement dans des réseaux électriques moins développés, comme ceux de plusieurs pays africains.

Un des atouts majeurs des SMR est leur rapidité de construction. Alors que les centrales nucléaires classiques nécessitent souvent plus de dix ans avant leur mise en service, les SMR, grâce à leur conception modulaire, peuvent être déployés en moins de cinq ans une fois les processus réglementaires validés. Cette réduction des délais représente un avantage considérable pour des pays qui doivent rapidement accroître leur capacité de production électrique afin de répondre à une demande croissante.

Les SMR, grâce à leur conception modulaire, peuvent être déployés en moins de cinq ans une fois les processus réglementaires validés.

De plus, en raison de leur conception avancée, ces réacteurs intègrent des technologies modernes de sûreté, ce qui pourrait faciliter leur adoption dans des pays où l’opinion publique reste réticente au nucléaire. Cette amélioration des dispositifs de sûreté pourrait aider à surmonter la réticence de certaines populations vis-à-vis du nucléaire civil, en particulier dans des pays où les préoccupations en matière de gestion des déchets radioactifs et de risques environnementaux restent fortes.

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) estime aussi que les SMR peuvent être déployés sous forme de modules uniques ou de systèmes multi-modulaires, permettant de les coupler avec d’autres sources d’énergie, y compris les énergies renouvelables. Cette flexibilité ouvre la voie à des solutions hybrides, où le nucléaire viendrait stabiliser l’approvisionnement énergétique tout en permettant un développement accru du solaire et de l’éolien.

Des projets en cours en Afrique et des perspectives d’avenir

L’intérêt pour les SMR commence à se matérialiser en Afrique, où plusieurs pays ont engagé des études et des discussions avec des partenaires internationaux. Selon l’AIE, certains pays africains, dont le Kenya et le Ghana, étudient activement la possibilité de construire des petits réacteurs modulaires.

Selon l’AIE, certains pays africains, dont le Kenya et le Ghana, étudient activement la possibilité de construire de petits réacteurs modulaires.

En août 2024, Nuclear Power Ghana a signé un accord commercial avec Regnum Technology Group, un développeur américain, pour développer des SMR de moins de 100 MW en utilisant la technologie de NuScale Power, une entreprise américaine spécialisée dans le secteur. Le Kenya, de son côté, prévoit de lancer la construction de son premier SMR d’une capacité de 300 MW en 2027, avec une mise en service prévue pour 2034.

Malgré leurs nombreux atouts, les SMR ne pourront être déployés à grande échelle en Afrique qu’à condition de surmonter plusieurs obstacles. La plupart des pays africains ne disposent pas encore d’un cadre réglementaire adapté au nucléaire civil, ce qui pourrait retarder les projets en raison des exigences strictes en matière de sûreté et de gestion des déchets. La mise en place de réglementations adaptées et d’organismes de supervision efficaces sera essentielle pour faciliter l’intégration des SMR dans les stratégies énergétiques nationales.

L’expertise locale constitue un autre défi majeur. Contrairement à d’autres régions du monde, l’Afrique ne possède pas encore un écosystème nucléaire développé. La formation de techniciens, d’ingénieurs et de spécialistes en sûreté nucléaire sera indispensable pour garantir une exploitation efficace et sécurisée des SMR. Des initiatives de coopération avec des partenaires internationaux, notamment via des programmes de formation et de transfert de technologies, devront être mises en place pour combler ce manque d’expertise. Sur ce volet, il est important de souligner l’accord conclu le 16 janvier 2025 entre le Ghana et les Etats-Unis pour la construction d’un centre destiné à renforcer les compétences locales et la recherche en énergie nucléaire.

En outre, la question du financement n’est pas à négliger. Bien que les SMR soient moins coûteux que les grandes centrales nucléaires, leur mise en place nécessite également des investissements qu’il faudra mobiliser. Le recours aux partenariats public-privé pourrait jouer un rôle clé pour lever les fonds nécessaires. Par ailleurs, l’acceptation par l’opinion publique restera un enjeu déterminant alors que le nucléaire reste un sujet sensible dans certains pays africains. Une campagne d’information et de sensibilisation devra accompagner le développement des SMR afin d’expliquer leurs avantages et les mesures mises en place pour garantir leur sécurité.

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