Africa-Press – CentrAfricaine. Dix-huit mois après son arrestation illégale par les mercenaires russes à Zémio, l’humanitaire belgo-portugais vient d’être condamné à dix ans de prison ferme. Ce verdict scandaleux marque l’aboutissement d’une manipulation judiciaire de bout en bout pilotée par Wagner, avec la complicité active d’une justice centrafricaine totalement asservie.
La semaine dernière, le tribunal de grande instance de Bangui a prononcé la condamnation de Joseph Figueira Martin à dix ans de prison ferme pour espionnage et atteinte à la sûreté de l’État. Un verdict qui ne surprend personne tant cette affaire porte, depuis le premier jour, la signature de Wagner et de son emprise sur l’appareil judiciaire centrafricain.
Rappelons les faits: le 25 mai 2024, cet expert en pastoralisme travaillant pour l’ONG américaine FHI 360 était arrêté à Zémio par les mercenaires russes. Pas de mandat judiciaire, pas de procédure légale, juste une opération d’enlèvement menée par des étrangers sur notre territoire. Joseph Figueira Martin fut ensuite livré à l’Office central pour la répression du banditisme (OCRB) à Bangui, puis transféré à la prison du camp de Roux où il croupit depuis plus d’un an.
L’acharnement des autorités à écarter Me Nicolas Tiangaye, l’avocat choisi par Joseph Figueira Martin, rend cette affaire encore plus révoltante. L’ancien bâtonnier et ex-premier ministre centrafricain, figure respectée du barreau et membre du Bloc républicain pour la défense de la Constitution (BRDC), dérangeait manifestement par son intégrité et son indépendance.
Avant même la tenue du procès, le détenu a été sommé à plusieurs reprises de changer d’avocat. Des pressions répétées qui visaient à remplacer Me Tiangaye par un conseil plus “accommodant”, plus facile à manipuler dans cette parodie judiciaire. Mais Joseph Figueira Martin a tenu bon, refusant catégoriquement d’abandonner son avocat malgré les intimidations.
C’est finalement avec Me Nicolas Tiangaye à ses côtés que l’humanitaire belgo-portugais a comparu devant ses juges. Une fidélité à son conseil qui lui coûte aujourd’hui dix années de sa vie, enfermé dans les geôles centrafricaines pour des crimes qu’il n’a jamais commis.
Nos investigations sur ce dossier montrent une réalité incroyable: il ne repose sur aucune base légale solide. Les “preuves” présentées contre Joseph Figueira Martin ont été fabriquées de toutes pièces par les mercenaires russes, qui ont ensuite inondé les réseaux sociaux de captures d’écran bidonnées et de fausses accusations.
Wagner a d’abord prétendu avoir trouvé sur le téléphone de Martin des conversations avec des chefs rebelles. Puis, devant le scepticisme général, le groupe a changé de version une semaine plus tard, affirmant cette fois avoir découvert une invitation à un prétendu ex-rebelle pour “préparer un coup d’État” en France. Des allégations grotesques qui démontrent le niveau affligeant de cette manipulation.
Mais qu’importe la qualité des “preuves” quand la justice centrafricaine n’est qu’un instrument aux mains de mercenaires étrangers. Le procureur de la République et le juge d’instruction ont validé sans broncher ces accusations ridicules, prouvant une fois de plus leur soumission totale aux intérêts russes.
Face à cette dérive autoritaire, le président Faustin-Archange Touadéra maintient un silence assourdissant. Pas un mot pour rappeler que la Centrafrique reste, en principe, un État de droit. Pas un geste pour défendre la souveraineté judiciaire nationale face aux diktats des mercenaires russes.
Pire encore, le porte-parole de la présidence, M. Albert Yalloke Mokpeme, s’était distingué en insultant l’Union européenne lorsque celle-ci avait menacé de sanctions les responsables de cette manipulation. Selon lui, les Occidentaux voulaient “prendre les Africains comme des gens qui ne sont pas capables”. Une déclaration pathétique qui masque mal la réalité: notre justice n’est effectivement pas capable, non pas par manque de compétence, mais parce qu’elle est asservie aux mercenaires russes.
Cette condamnation à dix ans de prison montre parfaitement l’état de notre système judiciaire: une justice qui arrête à volonté, emprisonne à volonté, torture à volonté et condamne à volonté, toujours sous la dictée de Wagner. Les magistrats centrafricains ne sont plus que des marionnettes qui appliquent les sentences décidées ailleurs, par des étrangers qui se comportent en conquérants sur notre territoire.
Joseph Figueira Martin devient ainsi le symbole de l’arbitraire qui règne en Centrafrique. Cet homme de paix, ce chercheur qui a consacré huit ans de sa carrière à aider les populations centrafricaines les plus vulnérables, paie aujourd’hui le prix de son témoignage gênant sur les exactions de Wagner dans notre pays.
Rappelons que le Parlement européen avait voté en juillet dernier une résolution exigeant la libération immédiate de Joseph Figueira Martin et menaçant de sanctions ciblées contre les responsables de cette violation des droits de l’homme. Human Rights Watch a dénoncé cette “détention prolongée sans procès, contraire aux normes internationales”. Les gouvernements belge et portugais ont multiplié les démarches diplomatiques.
Toutes ces interventions n’ont servi à rien face à un régime centrafricain qui a fait le choix de la soumission totale aux intérêts russes. La condamnation de Joseph Figueira Martin envoie un message clair à la communauté internationale: en Centrafrique, c’est Wagner qui fait la loi, et les droits de l’homme peuvent aller au diable.
Dix ans de prison pour un homme innocent. Dix ans pour un humanitaire dont le seul crime fut de travailler pour améliorer les conditions de vie de nos populations. Dix ans décidés non par la justice centrafricaine, mais par des mercenaires russes qui manipulent nos institutions comme des pantins. Cette affaire restera comme une tache indélébile sur l’honneur de notre pays.
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