Africa-Press – CentrAfricaine. En pleine préparation des scrutins de décembre 2025, Bangui cherche à modifier les règles du jeu, ciblant l’article 18 du code électoral, au grand dam de l’opposition.
Cette initiative, soumise en procédure d’urgence ce lundi 12 mai 2025 à l’Assemblée nationale, vise à supprimer une disposition clé encadrant la révision des listes électorales, et ce, à seulement quelques mois des élections présidentielles, législatives et municipales.
Dans un contexte politique déjà tendu, où le Bloc républicain pour la défense de la Constitution (BRDC) exige un dialogue direct avec le président pour réformer le processus électoral, cette démarche pousse à s’interroger sur l’engagement du gouvernement à respecter les règles du jeu électoral.
Une modification ciblée de l’article 18
L’article 18 du Code électoral, promulgué le 2 janvier 2024, établit des règles strictes pour la gestion des listes électorales. Il dispose que « la liste électorale est permanente et fait l’objet de révision un (1) an avant toute élection, sauf si celle-ci intervient moins de six (6) mois après la précédente ». Il précise également que « pendant toute l’année qui suit la fin de la période de révision, l’élection est faite sur la base de la liste révisée ». En dehors des périodes électorales, la révision doit avoir lieu annuellement, du 2 janvier au 30 avril, sous la supervision de l’Autorité Nationale des Élections (ANE). Ces mesures visent à garantir un fichier électoral fiable et transparent, en imposant un calendrier clair pour éviter les improvisations de dernière minute.
Le projet d’amendement, déposé ce lundi dans la matinée selon des informations relayées par les leaders de l’opposition comme le député Martin Ziguélé, mais également Crépin Mboli-Goumba, Coordinateur du BRDC, cherche à supprimer cet article. En éliminant cette contrainte, le gouvernement pourrait réviser les listes électorales à tout moment, même à l’approche des scrutins, ce qui offrirait une flexibilité inquiétante dans la gestion du processus électoral. Cette initiative intervient alors que l’ANE a lancé, en novembre 2024, une révision partielle des fichiers électoraux dans 11 des 20 préfectures du pays. Ces opérations, qualifiées de positives par les responsables de l’ANE, ont été jugées non conformes aux normes nationales par le BRDC, qui a réclamé leur reprise.
Un calendrier électoral sous pression
Le Code électoral encadre également la convocation du corps électoral, un aspect fondamental pour assurer la transparence des scrutins. L’article 33 stipule que « les électeurs sont convoqués au moins quatre-vingt-dix (90) jours avant le scrutin par décret pris en Conseil des Ministres, sur proposition de l’ANE ». Ce décret doit préciser l’objet de la consultation, la date du scrutin, les dates d’ouverture et de clôture de la campagne électorale, ainsi que la période d’enregistrement des candidatures. Pour un référendum, l’article 210 réduit ce délai à soixante (60) jours. Ces dispositions sont conçues pour permettre une organisation rigoureuse et prévisible, offrant à toutes les parties prenantes le temps nécessaire pour se préparer.
Toutefois, la tentative de supprimer l’article 18 explique que le gouvernement cherche à s’affranchir de ces contraintes. En novembre 2024, alors que la révision des listes électorales aurait dû être finalisée conformément à l’article 18, l’ANE a lancé une mise à jour partielle, ne couvrant qu’une partie du territoire. Cette précipitation, combinée à la proposition d’amendement, donne l’impression que le pouvoir ajuste les règles à sa convenance, au mépris des délais légaux. Cette démarche fragilise la crédibilité du processus électoral, alors que l’opposition dénonce déjà des irrégularités dans la composition de l’ANE et la gestion des opérations.
Une incohérence dans l’application de la loi
L’article 15 du Code électoral illustre la rigueur imposée aux citoyens pour s’inscrire sur les listes électorales. Les électeurs doivent présenter une pièce officielle (carte nationale d’identité, passeport, livret militaire, carte consulaire, livret de pension) ou, à défaut, un témoignage écrit du chef de village ou de quartier, contresigné par le président du comité d’inscription. Toute fraude dans ce processus est sévèrement sanctionnée: l’article 237 prévoit une peine d’emprisonnement de trois à douze mois et une amende de 50 000 à 500 000 FCFA pour toute fraude dans la délivrance d’un certificat d’inscription ou de radiation des listes électorales. Si l’auteur est un membre de l’ANE, la peine est doublée.
Ces exigences strictes s’appliquent aux citoyens et aux partis d’opposition, qui sont constamment appelés à respecter la loi. Pourtant, le gouvernement, qui a promulgué ce Code électoral, semble se soustraire à ses propres obligations. Le BRDC a critiqué la partialité de l’ANE, demandant une révision de sa composition et des opérations électorales, sans obtenir de réponse concrète. La tentative de supprimer l’article 18, si elle aboutit, permettrait au pouvoir de manipuler le calendrier électoral à sa guise, renforçant les accusations d’instrumentalisation des institutions. Alors que l’opposition est tenue de respecter des règles précises, le gouvernement semble prêt à modifier la loi dès qu’elle devient un obstacle.
Un précédent inquiétant
Depuis la promulgation du Code électoral en janvier 2024, plusieurs dispositions ont été contestées, notamment par l’opposition, qui estime que certaines règles favorisent le parti au pouvoir. La tentative actuelle de supprimer l’article 18, à une période aussi critique, alimente les soupçons d’une volonté de contourner les principes démocratiques. L’ANE, censée être un organe indépendant selon l’article 7, semble alignée sur les intérêts du gouvernement, ce qui érode la confiance dans le processus électoral. Cette initiative intervient alors que le BRDC conditionne sa participation aux élections à un dialogue direct avec le président, une demande restée sans suite.
En cherchant à modifier le Code électoral à quelques mois des scrutins, le gouvernement centrafricain expose une application sélective de la loi. Pendant que les citoyens et l’opposition sont contraints de se plier à un cadre rigoureux, le pouvoir s’octroie le droit de réécrire les règles à son avantage. Cette démarche risque d’accentuer les tensions politiques et de compromettre la légitimité des élections de 2025, dans un pays où la stabilité démocratique reste fragile…
Source: corbeaunews
Pour plus d’informations et d’analyses sur la CentrAfricaine, suivez Africa-Press