Africa-Press – CentrAfricaine. Le gouvernement centrafricain a fait de la « quittance du Trésor sécurisée » un symbole de bonne gouvernance et de transparence. Le ministre des Finances a lui-même insisté sur son usage obligatoire dans tous les services publics, affirmant que tout paiement effectué à l’État devait être accompagné d’un reçu officiel, codifié et infalsifiable. À l’hôpital, par exemple, pour obtenir une consultation ou un acte médical, il faut désormais passer par la caisse, payer les frais prescrits et recevoir une quittance imprimée, portant les sceaux du Trésor public. Idem pour l’établissement d’un passeport, d’un casier judiciaire ou pour des services notariaux: la banque perçoit les frais et délivre en retour une quittance sécurisée, numérotée, contrôlable.
Mais cette exigence disparaît dès qu’il s’agit des forces de sécurité. Lors d’un contrôle routier, en cas d’infraction, policiers et gendarmes sont censés présenter une quittance sécurisée au propriétaire du taxi, de la moto ou du véhicule intercepté. Or, dans la quasi-totalité des cas, les quittances présentées sont fausses. Elles ne sont même pas sécurisées. Elles sont remplies manuellement, souvent sans aucune traçabilité.
À titre d’exemple, le 6 août 2025 à Bangui, devant la banque BSIC située non loin du marché central, des policiers ont saisi plusieurs motos. Certaines ont été libérées après le versement d’un billet de 500 ou 1 000 francs CFA. Dans d’autres cas, une quittance a été remise. Mais là encore, aucun reçu sécurisé: un papier tapé à la machine, rempli à la main, avec le montant de 15 000 francs inscrit sans cachet ni numéro d’ordre.
Le problème est que ces quittances sont manuscrites, sans aucune caractéristique de sécurisation. Elles sont remplies à la main, avec des montants souvent fixés à 15 000 francs CFA. Ce jour-là, même des militaires à moto ont été pris dans la nasse. Une vive altercation a opposé policiers et soldats, chacun défendant sa position. En guise d’apaisement, les policiers ont finalement proposé de délivrer des quittances contre paiement. Là encore, aucune trace de quittance du Trésor: les reçus sont griffonnés sur du papier ordinaire.
Ce constat n’a rien de nouveau. Sur toutes les routes du pays, à chaque barrage tenu par les forces de sécurité, les mêmes pratiques sont signalées. À Gadzi, à Zawa, au croisement de Gbom, à la sortie de Boali ou sur la route de Damara, les conducteurs de véhicules de transport ou de simples motos sont confrontés à un système parallèle. Des montants sont exigés pour des « infractions » parfois imaginaires, et en échange, des quittances non sécurisées sont délivrées – si un reçu est proposé. Sinon, l’argent est simplement empoché.
Des fonctionnaires des régies financières confirment que seuls certains services disposent de carnets officiels de quittances sécurisées, préalablement enregistrés et numérotés. Les services hospitaliers, les greffes des tribunaux, les services de migration sont fournis et contrôlés. Mais les forces de sécurité? Rien ne permet aujourd’hui d’attester que les gendarmes ou les policiers engagés dans ces contrôles détiennent une autorisation formelle de perception d’amendes, encore moins les outils de traçabilité exigés par les règles de la comptabilité publique.
Alors, qui contrôle les flux financiers collectés sur les routes? Qui imprime ces quittances manuscrites sans cachet? S’agit-il d’une défaillance administrative ou d’un système structuré de détournement? Pourquoi le ministère des Finances ne fournit-il pas aux forces de l’ordre les mêmes quittances sécurisées imposées aux hôpitaux, aux préfectures ou aux ambassades? Sont-ils exclus du système ou entretiennent-ils sciemment un réseau opaque de collecte parallèle?
Source: Corbeau News Centrafrique
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