Dépistage national de la maladie d’Alzheimer contesté

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Dépistage national de la maladie d'Alzheimer contesté
Dépistage national de la maladie d'Alzheimer contesté

Africa-Press – CentrAfricaine. Le premier test sanguin capable de dépister la maladie d’Alzheimer vient d’être autorisé par la Food and drug administration (FDA) aux Etats-Unis. Décryptage avec le professeur Philippe Amouyel, spécialisé en santé publique et directeur de la fondation Alzheimer.

Sciences et Avenir: Comment fonctionne ce nouveau test?
Pr Philippe Amouyel: Quand on est atteint de la maladie d’Alzheimer, la présence de deux protéines dans le cerveau permettent de diagnostiquer la maladie: la bêta-amyloïde et la protéine tau. On les dose en prélevant du liquide céphalo-rachidien grâce à une ponction lombaire. Et on peut aussi constater l’accumulation de plaques amyloïdes dans le cerveau grâce à une imagerie médicale, le PET-scan. Mais on a constaté que des traces de ces protéines se trouvent aussi dans le sang. Or les nouveaux tests sanguins sont capables de détecter ces toutes petites quantités de bêta-amyloïde et de tau grâce à une simple prise de sang. Il faut dire que le geste rend les patients beaucoup moins vulnérables. Les ponctions lombaires ont beau être des gestes de routine à l’hôpital, elles font peur au point que certains patients refusent de s’y soumettre.

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« Ce test n’est pas destiné à n’importe qui »
Qui peut espérer bénéficier de ce nouveau test?

Il y a beaucoup d’attente du côté des patients. Les familles aimeraient que ce test soit disponible dès la semaine prochaine. Mais ce test n’est pas destiné à n’importe qui et il ne faut pas aller plus vite que les guidelines. Il s’agit d’un outil diagnostic, destiné à déterminer si oui ou non un malade est atteint de la maladie, en complément d’autres examens. Il ne s’agit pas d’un test prédictif qui permettrait de savoir si on perdra la mémoire plus tard dans sa vie.

Est-il déjà disponible en France?

Ce test sanguin appelé Lumipulse est commercialisé par un laboratoire japonais, Fujirebio. Il a déjà été approuvé au Japon et aux Etats-Unis. Mais il demande une infrastructure importante, comme des laboratoires spécialisés et des machines de pointe. En France, on retrouve cet équipement dans une poignée de laboratoires de recherche ou dans les grands centres de recherche. Les personnes qui consultent dans les très grands centres français, comme Paris, Montpellier ou Lille, peuvent bénéficier de ce nouvel outil. Mais cela reste anecdotique. Pour le moment, ce test va donc plutôt contribuer à recruter plus facilement des candidats les essais cliniques. C’est l’indication principale à l’heure actuelle.

Ces tests arrivent juste après que, pour la première fois, des médicaments ont montré un effet contre la maladie. Avant, on diagnostiquait sans pouvoir proposer de solution au patient. D’un point de vue éthique, c’est le bon moment pour les utiliser?

Depuis 20 ans, de nombreux essais cliniques ont abouti à des échecs. Les laboratoires ont fini par se désintéresser de cette recherche. On savait comment la maladie avance sans qu’on puisse proposer d’amélioration clinique. Désormais, certains médicaments ont montré une efficacité pour ralentir la maladie: ils permettent à la fois de réduire l’accumulation de la plaque dans le cerveau et de ralentir la progression du déclin cognitif. Concrètement, les personnes qui bénéficient de ces molécules peuvent espérer gagner quelques mois voire quelques années de vie indépendante de plus, avant de devoir être pris en charge. Il ne faut pas perdre de vue que ces médicaments ont aussi plusieurs effets secondaires, dont certains sont risqués. Mais cela n’aurait aucun sens d’organiser un dépistage national. D’un point de vue éthique, cela serait très délicat.

« Une corde de plus à l’arc des médecins »
On ne sait pas si ces molécules pourraient ralentir l’apparition des symptômes. Pour cela, il faut recruter des patients de plus en plus jeunes dans les études. C’est peut-être là que cette nouvelle génération de tests de dépistage pourrait jouer son rôle le plus important?

Dans les essais cliniques, on recrute des patients présentant des troubles de mémoire qui les gênent. Mais à ce stade, il est très compliqué de diagnostiquer de façon certaine la maladie d’Alzheimer. Il faut savoir faire la différence entre des oublis « normaux » – on commence à oublier les noms propres à partir de 40 ans – et le reste. On procède alors à un diagnostic d’exclusion. Est-ce que c’est dû à une dépression? A l’âge? A un problème lié aux vitamines? Une hydrocéphalie? Une fois qu’on a exclu tout cela, on peut recruter les patients.

On leur fait un PET-scan pour voir les plaques amyloïdes accumulées dans le cerveau ou une ponction lombaire. Cela reste très compliqué de diagnostiquer quelqu’un très en amont. On a plusieurs outils: 70 gènes favorisant la maladie, dont le fameux APOE sont connus ; il y a l’imagerie IRM qui mesure la taille de l’hippocampe, une petite zone du cerveau impliquée dans la mémoire ; on a le PET scan pour observer la plaque dans le cerveau ; ainsi que le dosage des biomarqueurs. C’est un faisceau d’arguments que le dosage sanguin ne viendra pas remplacer. Il a plutôt vocation à s’y ajouter, comme une corde de plus à l’arc des médecins.

Assistons-nous à un tournant dans le domaine?

Idéalement, il faudrait savoir si les nouveaux médicaments contre Alzheimer permettent de ralentir l’apparition des symptômes. Pour cela, il nous faut des biomarqueurs. Ce sont eux qui peuvent détecter en amont les personnes qui, à terme, développeront la maladie. D’où les espoirs que suscitent ces nouveaux tests sanguins. Si on prend un peu de recul, on voit que c’est une maladie qui s’améliore aujourd’hui mais qui a longtemps été inexorablement dégénérative, avec une dépendance et des troubles du comportement. Aujourd’hui, on va un vers une maladie chronique. Impossible de la guérir mais elle peut être freinée afin de vivre le mieux possible avec.

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