Prévention de la Maladie d’Alzheimer en Santé Publique

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Prévention de la Maladie d'Alzheimer en Santé Publique
Prévention de la Maladie d'Alzheimer en Santé Publique

Africa-Press – CentrAfricaine. La maladie d’Alzheimer et les autres démences touchent environ 60 millions de personnes dans le monde, dont près d’un million en France. Des chiffres qui ne feront qu’augmenter en raison du vieillissement de la population. Cette progression très rapide représente une véritable bombe à retardement pour la santé publique. Heureusement, cette maladie n’est pas une fatalité et on peut la prévenir.

Le dernier rapport de la Commission sur la démence du journal The Lancet, publié en août 2024, montre en effet que 45 % du risque de développer cette maladie dépend de facteurs sur lesquels on peut agir. « On voyait la démence comme un train qui avance sur ses rails, imparable. Si notre mère ou notre père avait la maladie d’Alzheimer, on avait l’impression qu’on était les prochains et qu’on n’y pouvait rien. Mais la recherche nous montre que ce n’est pas le cas ! « , explique Sanjula Singh, neurologue à l’hôpital général du Massachusetts et enseignante à la faculté de médecine de l’université Harvard, aux États-Unis.

Un de ces facteurs de risque modifiables est la sédentarité. « Et pas seulement pour les démences ; il y a beaucoup de preuves scientifiques montrant que le manque d’activité physique augmente le risque de mortalité, toutes causes confondues, plus que l’obésité et l’alcool. Seul le tabac est plus dangereux que la sédentarité « , rappelle Mark Febbraio, chercheur en physiologie à l’université Monash, en Australie, spécialisé dans l’effet de l’exercice sur la santé. Par exemple, une étude publiée en mai dans Alzheimer’s & Dementia montre que les personnes de plus de 50 ans les plus sédentaires sont aussi celles qui présentent un plus grand déclin cognitif.

Cet effet était encore plus important chez les personnes portant des mutations qui prédisposent à la maladie d’Alzheimer, montrant à quel point l’activité physique peut être protectrice. Une autre étude, publiée dans le même numéro, souligne que cette protection est particulièrement visible chez les personnes qui suivent les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), c’est-à-dire entre 150 et 300 minutes d’activité modérée par semaine (marcher, par exemple), ou entre 75 et 150 minutes d’activité intense (comme faire du vélo).

L’activité physique, même douce, ralentit le déclin

Cependant, peu est mieux que rien, et même les personnes qui font moins d’activité physique peuvent également être protégées, selon une étude publiée en avril dans Alzheimer’s & Dementia. Dans celle-ci, des chercheurs de l’université de Californie à San Diego, aux États-Unis, ont suivi près de 300 seniors avec un début de perte cognitive (ce qui augmente le risque de développer une démence). Certains devaient pratiquer une activité physique intense, trois à quatre fois par semaine durant un an, alors que d’autres effectuaient seulement des activités douces, comme des étirements et des exercices d’équilibre. Les deux groupes présentaient moins de déclin cognitif que les seniors sédentaires, et moins de perte de volume cérébral. « Il n’est pas nécessaire de faire du sport vigoureusement, on doit juste bouger le corps », confirme Mark Febbraio. « Même une activité douce, comme marcher, améliore la circulation du sang et donc diminue le risque de neurodégénération « , ajoute Judy Potashkin, experte des maladies neurodégénératives à l’université Rosalind-Franklin à Chicago, aux États-Unis.

En plus de cet effet bénéfique, l’activité physique améliore aussi le fonctionnement des systèmes immunitaire, digestif et nerveux, qui jouent tous un rôle dans la santé du cerveau. « L’exercice diminue le risque de diabète de type 2, qui est un facteur aggravant pour la maladie d’Alzheimer, et diminue l’inflammation, qui participe aussi à la neurodégénération « , abonde Judy Potashkin. Ses effets bénéfiques sont aussi directement observables au niveau du cerveau.

Des études chez des modèles animaux montrent en effet une diminution de l’accumulation de bêta-amyloïde et une augmentation de la génération de nouveaux neurones. De plus, l’exercice réduit le nombre de microglies, des cellules immunitaires du cerveau qui peuvent causer de l’inflammation. « Cet effet protecteur de l’activité physique passe par plusieurs chemins, donc il sera très difficile de créer un jour une pilule qui puisse le remplacer « , conclut Mark Febbraio.

Une bonne alimentation améliore la cognition

Fort logiquement, on pourrait penser que faire travailler le cerveau serait aussi important pour prévenir les démences. Et quelques recherches vont dans ce sens, dont une étude italienne publiée en 2023 dans le Journal of Alzheimer’s Disease, qui montre que les personnes qui ont l’habitude de jouer à des jeux tels que le go ou les échecs ont une meilleure cognition et une meilleure qualité de vie. Toutefois, il n’est pas encore sûr que cette corrélation reflète une quelconque causalité. « Les premiers changements au niveau du cerveau peuvent commencer une vingtaine d’années avant de faire le diagnostic de démence, donc il est possible que cette période – nommée stade prodromal – entraîne déjà des modifications dans les habitudes, rendant par exemple plus difficile de jouer à ces jeux, nuance Sanjula Singh. Mais puisque le diagnostic est fait après ces changements comportementaux, on peut penser que la maladie en est la conséquence, alors que ça peut être l’inverse. C’est la même chose pour les relations sociales, peut-être que les gens commencent à s’isoler à cause de ces premiers changements dans le cerveau. Cette relation de causalité n’est pas encore une certitude.  »

En revanche, un facteur dont l’impact sur la santé du cerveau a été prouvé maintes fois est l’alimentation. Le régime méditerranéen, qui privilégie les fruits, les légumes, les légumineuses (haricots, lentilles, pois chiches…), l’huile d’olive et le poisson, est reconnu pour ses effets protecteurs sur la santé, y compris cérébrale. Une étude de l’université d’Hawaii, aux États-Unis, présentée en juin au congrès annuel de la Société américaine de nutrition, montre en effet que les personnes qui suivent ce régime ont un moindre risque de développer des démences. Réalisée sur près de 100.000 adultes (âgés de 45 à 75 ans) vivant aux États-Unis, elle montre que le risque de démence baisse de 9 % chez ceux qui privilégient ce régime alimentaire.

Combiner plusieurs facteurs modifiant le mode de vie

« Mais le mieux pour améliorer la cognition, ce n’est pas de faire seulement de l’activité physique, ou bien d’avoir une meilleure diète, mais de tout faire en même temps « , rappelle Rafael de la Torre Fornell, chercheur à l’Institut de recherche Hospital del Mar à Barcelone, en Espagne. C’est la conclusion de l’essai clinique finlandais Finger, qui a étudié l’impact d’un changement de style de vie portant sur l’alimentation, l’activité physique et l’entraînement cognitif. Non seulement il n’y avait pas un déclin cognitif chez ces participants, mais au contraire, il y avait une amélioration de la cognition. Cette étude, publiée en 2018 dans Alzheimer’s & Dementia, a été suivie par un réseau d’essais cliniques partout dans le monde, le World Wide Fingers.

« L’idée est d’adapter ces changements de style de vie à l’environnement socioculturel des patients, parce que je peux vous proposer de faire le régime méditerranéen à Barcelone, mais pas à Tokyo, par exemple « , explique-t-il. La version française de cet essai, Mind-Admini (réalisé en France, Allemagne, Suède et Finlande et publiée en 2024 dans Alzheimer’s Research & Therapy), confirme ces résultats: les seniors qui adoptent le régime méditerranéen, et qui en plus font de l’activité physique et des exercices de réflexion, montrent un moindre déclin cognitif.

Combinés, ces changements de mode de vie aident à prévenir la maladie d’Alzheimer et augmentent également l’espérance de vie. Une étude de l’université Rush à Chicago, aux États-Unis, publiée en 2022 dans le British Medical Journal, montre en effet que les seniors qui pratiquent une activité physique à raison de deux heures et demie par semaine, qui ne fument pas et boivent peu d’alcool, qui privilégient les régimes de type méditerranéen et qui exercent leur cerveau, en lisant ou avec des jeux de réflexion et en maintenant des relations sociales, ont un risque plus faible de démence et vivent en moyenne trois ans de plus pour les femmes et six ans de plus pour les hommes.

Cependant, ces modifications de style de vie ne sont pas possibles pour tous. « Pour certains, leur corps ne leur permet pas de faire de l’activité physique, d’autres n’ont pas les moyens d’acheter de la nourriture saine, beaucoup plus chère que celle de mauvaise qualité « , souligne Sanjula Singh. Pour permettre à tous de prendre en main leur santé cérébrale selon leurs possibilités, elle a créé le Brain Care Score, qui propose une liste de choses que l’on peut réaliser en fonction de son état de santé. « On choisit les composants sur lesquels on peut agir et commencer ainsi à protéger son cerveau « , résume-t-elle.

Pour que ces modifications de style de vie soient efficaces, elles doivent se poursuivre sur le long terme, ce qui nécessite un accompagnement et un suivi régulier. Pour cela, plusieurs pays en Europe (dont la Suisse, la Suède et la Finlande) commencent à investir dans des centres consacrés à la prévention des maladies neurologiques, les Brain Health Services. « Ces structures spécialisées prennent en charge les personnes qui sentent qu’elles commencent à avoir un déclin cognitif, pour leur permettre d’agir avant que la maladie ne soit déclarée, explique Rafael de la Torre Fornell. On évalue les risques et on leur fait des propositions d’interventions multimodales personnalisées. C’est moins onéreux que de laisser les gens sans aucun traitement en attendant que la maladie survienne. »

Malheureusement, la France est en retard sur ce volet prévention. 29 Centres mémoire de recherche et de ressources ont pour but de dépister la maladie d’Alzheimer le plus tôt possible, mais aucun véritable accompagnement n’est encore proposé pour prévenir la maladie, avant le diagnostic médical.

Éviter les mauvaises habitudes dès l’adolescence

Pourtant, les experts s’accordent sur l’importance de faire de la prévention des maladies neurologiques une priorité de santé publique. Notamment pour y inclure les populations les plus vulnérables: « Rappelons que les personnes de niveau socio-économique plus bas ont un risque de démence trois fois plus élevé « , alerte Rafael de la Torre Fornell.

Et surtout, pour inciter tout un chacun à agir le plus tôt possible, car la plupart de risques modifiables émergent tôt: c’est par exemple à l’adolescence que l’on commence à fumer et qu’on acquiert d’autres mauvaises habitudes de vie, comme la consommation d’alcool et la sédentarité. Il n’est jamais trop tard, ni trop tôt, pour prévenir la maladie d’Alzheimer.

Le GLP-1 à la rescousse?

Les fameux analogues du GLP-1 (les sémaglutides, tels que Ozempic et Wegovy), développés contre le diabète et l’obésité, seraient aussi utiles pour éloigner les démences chez les personnes souffrant de diabète de type 2, selon une étude publiée en avril dans Jama Neurology. Les chercheurs de l’université de Floride, aux États-Unis ont analysé les données médicales de près de 100.000 patients de plus de 50 ans atteints de cette maladie, mais sans signe de démence. Après un suivi de neuf ans, ceux traités avec des sémaglutides présentaient un risque plus bas de développer la maladie d’Alzheimer ou d’autres démences, comparés aux patients traités avec des antidiabétiques plus classiques. C’était ainsi aussi pour les patients traités avec des gliflozines (qui réduisent la glycémie en favorisant l’évacuation du glucose par les urines).

Dans une deuxième étude, cette même équipe souligne que les patients diabétiques qui bénéficieraient le plus de cette protection des sémaglutides contre les démences sont ceux ayant aussi des maladies cardio-vasculaires ou des maladies neuro-vasculaires. Cela suggère que l’effet positif de ces médicaments passerait principalement par une protection des vaisseaux sanguins, qui pourrait améliorer l’oxygénation du cerveau.

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