Sommet Afrique-USA : Joe Biden met le paquet pour « reconquérir » l’Afrique ?

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Sommet Afrique-USA : Joe Biden met le paquet pour « reconquérir » l'Afrique ?
Sommet Afrique-USA : Joe Biden met le paquet pour « reconquérir » l'Afrique ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Comores. Washington a accueilli, depuis le mardi 13 décembre 2022, et pendant 3 jours, les dirigeants du Continent africain, dans le cadre de la tenue du 2ème Sommet Afrique – USA, un sommet axé sur plusieurs questions politiques et économiques, à travers lequel l’administration américaine vise à rétablir et revitaliser les relations avec l’Afrique et à rattraper les pays émergents et puissances internationales influentes sur la scène africaine.

A rappeler qu’après 8 ans de convocation sous l’ancien président Barack Obama, le sommet américano-africain organisé par le président Joe Biden, abordera plusieurs dossiers, au premier rang desquels on retrouve :

• la sécurité alimentaire
• l’impact de l’invasion russe sur le continent africain,
• ainsi que les influences chinoises,
• les défis sécuritaires,
• le changement climatique
• et les domaines d’investissement.

Par le biais de cet évènement grandiose, Biden vise à « réduire l’écart de confiance avec l’Afrique, qui s’est creusé au fil des ans en raison de la frustration suscitée par l’engagement américain envers le continent ».

Selon des analystes chevronnés en affaires géopolitiques, le sommet se concentrera sur le renforcement du partenariat, la promotion de priorités communes entre les deux parties et la confrontation de l’influence de la Russie et de la Chine en Afrique, en plus de nombreux dossiers, notamment le changement climatique, les répercussions de la pandémie de Corona et la guerre d’Ukraine en termes de sécurité alimentaire et d’énergie.

Durant ces trois jours de négociations, de tractations, et surtout de rétablissement d’une confiance assez brouillées, les États-Unis vont devoir s’efforcer constamment de diversifier leurs sources d’énergie, dans le but d’assurer leur sécurité énergétique face aux changements successifs de la situation géopolitique dans le monde.

Néanmoins, l’intérêt des États-Unis pour le continent africain pose certaines questions, dont en particulier : • Y a-t-il un motif d’intérêt dans ce partenariat ?

• Ou bien les Etats-Unis se soucie-t-ils vraiment du développement et de la stabilité du continent brun ?

Quand les Américains décident de changer de politique

Il importe de noter que, d’après les observateurs, ce n’est que récemment que les États-Unis ont changé leur vision du continent africain. Alors qu’ils la considéraient comme un continent de pauvreté et de drames qui n’avait besoin que d’aide, ils traitent depuis les années 90 du XXe siècle avec l’Afrique sur la base d’un partenariat économique, sachant que le président Bill Clinton avait relancé la politique africaine de Washington selon une nouvelle philosophie basée sur le passage de l’aide au commerce.

L’administration américaine a évolué dans deux directions, représentées par l’adoption par le Congrès américain du « Growth and Opportunity Regulation » en 1997, puis la déclaration par la Maison Blanche en 1998 de l’initiative « Partenariat pour la croissance et les opportunités en Afrique ».

Ainsi, du 15 au 18 mars 1999, les États-Unis ont accueilli la première réunion entre les responsables des huit organisations régionales africaines, avec la participation de 83 ministres du continent africain en échange de leurs homologues américains, expliquant que l’objectif de cette réunion, qui s’est tenue à Washington, était de « soutenir le partenariat entre l’Afrique et les États-Unis » et « d’encourager un plus grand développement économique, le commerce et l’investissement, la réforme politique et la croissance économique réciproque au XXIe siècle ».

Cette réunion avait conduit à l’adoption de la « Loi africaine sur la croissance et les opportunités », mettant l’accent sur la thèse du développement plutôt que sur celle de l’aide, libéralisant le marché africain et intégrant l’Afrique dans l’économie internationale, pour élargir les opportunités pour les produits africains afin de pénétrer le marché américain.

Par conséquent, l’administration Clinton avait lié la politique économique des États-Unis au principe de Wilson, à savoir lier la coopération économique dans le but de renforcer la démocratie et le développement, en disant : « Si nous coopérons pour promouvoir la démocratie et les droits de l’homme, nous pouvons aider ce continent à atteindre l’apogée de ses capacités à construire sa vraie grandeur qui lui a été longtemps refusée durant le 21ème siècle ».

C’est pourquoi avait-il adopté un plan visant à réduire les droits sur les produits africains, à annuler le système de quotas sur les produits textiles, à élargir les possibilités pour les produits africains d’atteindre le marché américain pendant une période de dix ans, en plus de créer un fonds pour soutenir les projets d’investissement en Afrique, et cherchant à établir des zones franches américano-africaines, ainsi que la création d’un forum pour discuter de questions économiques d’intérêt commun.

Qu’y a-t-il de nouveau donc dans la vision de l’administration Biden ?

En ce qui concerne la vision de l’administration américaine d’aujourd’hui sur le continent brun, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken a déclaré dernièrement : « Les États-Unis se rendent compte que pour la plupart des défis et opportunités urgents qui se présentent à nous, l’Afrique jouera un rôle décisif. Nous ne pouvons pas atteindre nos objectifs dans le monde entier, sans le leadership des gouvernements, des institutions et des citoyens africains ».

Il a expliqué également que « Les États-Unis sont convaincus qu’il est temps d’arrêter de traiter l’Afrique comme un sujet géopolitique et de commencer à la traiter comme l’acteur géopolitique majeur qu’elle est devenue », ajoutant que l’Afrique est en passe de devenir l’une des zones économiques les plus importantes du monde lorsque la Zone de libre-échange continentale africaine, composée de 54 pays, sera pleinement mise en œuvre.

Ce sera alors le cinquième plus grand bloc économique du monde et il représentera une énorme source d’emplois, de consommateurs, d’innovation et le pouvoir de façonner l’économie mondiale.

Les invités du sommet Afrique – USA

Le président Biden a invité les dirigeants de 49 pays africains, ainsi que le président actuel de l’Union africaine, Macky Sall, président du Sénégal.

A noter que les Etats-Unis ont fait tout de même des exceptions, puisqu’ils ont invité tous les Etats membres de l’Union africaine entretenant de « bonnes relations » avec les Américains, tandis que le Burkina Faso, la Guinée, le Mali et l’Erythrée ont été exclus.

Selon le communiqué publié par la présidence américaine, parmi les dirigeants invités figurent les présidents égyptien Abdel Fattah El-Sissi, le tunisien Kais Saïed, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, ainsi que les présidents du Rwanda et de la République Démocratique du Congo, Paul Kagame et Félix Antoine Tshisekedi, ainsi que le président de la Guinée équatoriale Teodoro Obiang Nguema Mbasogo, qui sera également présent, même si quelques jours avant Washington a qualifié sa réélection de « farce ». Toutefois, on relève que la seule personnalité de marque qui sera absente au sommet, c’est le président sud-africain Cyril Ramaphosa.

Quelle importance a ce sommet pour les Américains comme pour les Africains ?

Anthony Bliken recevant certains dirigeants africains dont le Président nigérien Mohamed Bazoum

Le sommet fût l’occasion d’annoncer de nouveaux investissements américains et de discuter de la sécurité alimentaire, qui a décliné avec la guerre en Ukraine, en plus du changement climatique, mais il abordera également d’autres aspects tels que la démocratie et la gouvernance.

Contrairement à l’ancien président américain Donald Trump, qui n’a montré aucun intérêt pour l’Afrique et ne l’a jamais visitée, Biden a voulu remettre le continent brun au cœur de la diplomatie mondiale, et d’après un conseiller présidentiel américain, le sommet pourrait soutenir l’idée défendue par Joe Biden pour que l’Afrique obtienne un siège au Conseil de sécurité de l’ONU, sachant que le président américain voudrait faire en sorte, également, que l’Union africaine soit officiellement représentée au G20.

Jade Devermont, responsable de l’Afrique au sein du Conseil de sécurité nationale des États-Unis, a confié : « Cette décennie sera décisive, et les années à venir détermineront la manière dont le monde sera réorganisé, et l’administration Biden croit fermement que l’Afrique aura une voix décisive ».

De son côté, la secrétaire d’État adjointe en charge de l’Afrique, Molly Phee, a qualifié de « débat vigoureux » celui relatif à la loi de programmation « Croissance en Afrique », votée en 2000, liant les hausses tarifaires au progrès démocratique, qui expire en 2025.

En d’autres termes « Le sommet présente de réelles opportunités, mais aussi des risques, mais la question sera de savoir si les choses vont vraiment changer ».

Les plus gros dossiers prévus d’être profondément décortiqués et discutés

Il ne faut pas oublier que le sommet est le deuxième du genre depuis le premier sommet en 2014 à l’époque de l’ancien président américain Barack Obama, à travers lequel l’administration Biden tente de briser la sévérité des changements géostratégiques et de restaurer sa position sur le continent brun à la lumière de la montée en puissance d’autres blocs puissants, notamment après le mandat de l’ancien président Donald Trump, qui ne manifestait aucun intérêt pour l’Afrique.

Pour les analyses politiques, l’administration américaine tente de redynamiser les relations politiques, économiques et commerciales avec le continent face à une forte concurrence avec la Chine et la Russie.

La nouvelle stratégie de l’administration Biden envers le Continent africain a mis en garde contre l’expansion chinoise et russe dans les pays de ce continent et a souligné la nécessité d’une réforme globale de la politique américaine dans la région.

Par ailleurs, la guerre en Ukraine a montré le grand fossé entre l’administration américaine et les pays africains, car Washington s’est senti déçu après que la plupart des pays du continent aient refusé de condamner l’opération militaire russe en Ukraine, sachant que la Russie s’est efforcée ces dernières années de renforcer sa présence en Afrique en soutenant les conseils militaires issus de coups d’Etat, tandis que l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique imposaient des sanctions à ses dirigeants.

C’est pourquoi, le sommet a organisé des réunions générales qui ont traité du renforcement des relations et des moyens de faire face aux répercussions de la pandémie de Corona et de la guerre d’Ukraine, et d’autres réunions bilatérales qui ont été consacrées aux relations bilatérales et crises auxquelles sont confrontés les pays du continent africain, telles que le « terrorisme » et les « conditions économiques ».

Ce fût entre-autre l’occasion de signaler aux dirigeants africains que les États-Unis sont vraiment à l’écoute. Washington peut travailler pour contenir l’influence de la Chine, mais il ne peut pas se substituer au plus grand créancier des pays pauvres.

D’autant plus qu’au cours des discussions, le président somalien, Hassan Sheikh Mohamoud, a expliqué comment le groupe terroriste al-Shabaab contrôlait toujours de grandes parties des zones rurales de la Somalie.

« Les membres du groupe al-Shabaab, ou les terroristes où qu’ils se trouvent, ne peuvent pas être vaincus uniquement militairement », a-t-il souligné.

Quant au président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, il a déclaré que les États-Unis fournissaient un soutien bilatéral à un certain nombre de pays africains, dont le Niger, le Mozambique, la Somalie et le Tchad, ajoutant que les armées africaines sont encore sous-équipées. Selon lui « Personne n’écoute les cris de l’Afrique face à l’extension de ce fléau ».

Perspective d’intérêt

Le véritable intérêt des États-Unis pour les territoires de l’Afrique date de la période de la décolonisation, qui a entraîné l’accélération brutale de l’histoire du continent.

Dans ce contexte, nous avons jugé utile de retracer ci-après les importantes étapes de la « Vision américaine » en Afrique, à travers des décennies :

• – Les « atouts » originels des Américains

Lorsque les Américains débarquent en Afrique militairement, à la faveur de la Seconde Guerre mondiale, ils ne sont pas perçus par les Africains comme d’« affreux » colonisateurs.

• – La redécouverte de l’Afrique (ère Nixon)

Cette importance accrue du continent africain sur le plan politique et géostratégique n’échappa pas aux hommes politiques américains, comme en témoigne le voyage effectué par le président Nixon en Afrique au printemps 1957.

• – Le continent africain, un enjeu des rivalités russo-américaines (ère Reagan)

Pendant la guerre froide, l’Afrique est un terrain d’affrontement entre l’Est et l’Ouest, avec l’attention des Américains concentrée plus particulièrement sur l’Afrique australe et la Corne de l’Afrique. Dans le sud, notamment en Angola, en Namibie et au Mozambique, les Américains interviennent indirectement, par l’entremise de l’Afrique du Sud pour refouler l’avancée communiste et réduire l’influence des partis et mouvements nationaux se réclamant du marxisme.

• – « Trade not Aid » : la diplomatie commerciale de Clinton

Avec la détente, à la fin de la guerre froide, les tensions retombent. Premier grand président américain de l’après-guerre froide, Bill Clinton (1993-2001) effectue deux visites en Afrique subsaharienne où il parle de la fin des récriminations, de réconciliation, de démocratie, de paix et de prospérité comme « l’essence d’une nouvelle Afrique ».

• – L’Afrique devient une priorité stratégique (ère Bush père & fils)

Sous les présidences Bush (2001- 2008), on assiste à un repositionnement de la politique africaine avec l’émergence de nouveaux enjeux. L’accent est mis sur le potentiel économique de l’Afrique, en particulier comme source alternative d’importations pétrolières.

• – Le rendez-vous manqué d’Obama avec l’Afrique

Sous Barack Obama, la politique américaine à l’égard de l’Afrique ne connaîtra pas de fléchissement notable. Paradoxalement, malgré les espoirs suscités par l’élection à la présidence de ce fils métis d’un Kényan et d’une Américaine, l’engagement des Etats-Unis en Afrique n’a pas connu d’avancées spectaculaires. Pour nombre d’observateurs, entre l’Afrique et Obama, c’était un « rendez-vous manqué ».

• – La nouvelle stratégie pour l’Afrique de Joe Biden

L’administration Biden a publié en août dernier la nouvelle stratégie américaine dans l’Afrique subsaharienne (US strategy towards subsaharan Africa). Un document qui met l’accent sur la nécessité d’établir un partenariat d’égal à égal entre Africains et Américains

Ainsi, les analystes estiment que le succès du partenariat afro-américain nécessite plusieurs conditions, et que les priorités des États-Unis dans la définition des partenariats économiques sont contrôlées par le motif de l’intérêt.

L’on doit rappeler dans ce sens que la ville de Marrakech, au Maroc, avait accueilli la 14e session du Sommet des affaires afro-américaines, au mois de juillet 2022, où les travaux ont porté sur les priorités du continent brun en matière de sécurité alimentaire, de souveraineté industrielle, pharmaceutique et énergétique, en plus du domaine de la technologie moderne et les possibilités de coopération et de partenariat, dans le cadre du développement durable et de l’organisation.

Il s’agit d’un sommet qui s’est tenu à la lumière des répercussions de la guerre russe contre l’Ukraine, et bien que les États-Unis ne dépendent pas du pétrole russe ou du blé ukrainien, ils souffrent quand même d’une hausse importante des prix à la consommation, en plus de l’inflation et de l’obstruction de la guerre à certains de ses domaines industriels.

Certes, les États-Unis ont perdu de l’influence en Afrique, c’est pourquoi le secrétaire d’État américain adjoint aux affaires africaines, Tibor Nagy, a indiqué qu’il veut changer cette donne et restaurer l’influence américaine.

« Depuis longtemps, les investisseurs frappent à la porte, les Africains ouvrent et les Chinois sont les premiers à s’introduire là », a-t-il déclaré récemment.

Personne ne peut douter que le commerce de la Chine sur le continent africain a « assombri » l’étoile américaine au cours de la dernière décennie et, qu’en 2018, la Chine a enregistré plus de trois fois le volume de son commerce en Afrique.

Décisions prise par les Etats-Unis

Jake Sullivan, le conseiller à la sécurité nationale du président américain a annoncé que les États-Unis « vont consacrer 55 milliards de dollars à l’Afrique sur une période de trois ans ». Les fonds seront destinés à la santé et à la réponse au changement climatique, mais sans donner de détails sur leur provenance ni sur leur répartition.

Néanmoins, il a assuré que ces financements, et plus généralement l’engagement américain, ne seraient pas liés à l’attitude des pays africains face à la guerre en Ukraine, à l’heure où nombre d’entre eux ont refusé de condamner ouvertement la Russie.

Il est vrai que les États-Unis étaient autrefois la principale source d’investissement direct en Afrique, mais leur contribution a connu de plus en plus une baisse vertigineuse, et à titre d’exemple la Chine, en 2018, avait annoncé un investissement supplémentaire de 60 milliards de dollars (après les 60 milliards de dollars promis en 2015), qui comprenait des projets d’infrastructure dans le cadre de l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route », pour construire des routes commerciales mondiales.

En plus, le commerce entre les États-Unis et les pays africains a diminué en raison de l’intérêt accru, non seulement de la Chine, mais aussi d’autres pays comme la Russie et la Turquie.

Jake Sullivan a affirmé qu’il y aurait « une réelle mobilisation de ressources sur des objectifs concrets », indiquant que les détails seraient dévoilés ces prochains jours. « Si vous comparez ce que les États-Unis promettent pendant les trois prochaines années avec ce que d’autres pays promettent, je pense que la comparaison nous est très favorable », a-t-il ajouté.

Cependant, sur un même sujet, la plupart des nations africaines sont tout de même d’accord : la nation la plus riche du monde (en l’occurrence les USA) a un rôle important à jouer dans la promotion de la prospérité et du développement sur le continent.

« Les États-Unis doivent faire plus en ce qui concerne le commerce américano-africain, en ce qui concerne les investissements américains en Afrique, en ce qui concerne les prêts américains à l’Afrique et, en fait, l’aide américaine à l’Afrique », a déclaré pour sa part, Aloysius Ordu, ancien vice-président de la Banque Africaine de Développement (AfDB), et Directeur de Brookings Institution « Africa Growth Initiative ».

Il a ajouté qu’il était « ravi » de noter que les États-Unis ont annoncé un engagement accru de 600 millions de dollars en faveur du Fonds africain de développement, qui travaille sur le financement des pays à faible revenu.

Par ailleurs, de hauts responsables américains, dont le secrétaire d’État Antony Blinken et le secrétaire à la Défense Lloyd Austin, se sont joints à plusieurs dirigeants clés d’Afrique pour discuter des questions de paix, de sécurité et de gouvernance lors de ces réunions.

Autres motivations poussant les États-Unis à s’investir en Afrique

Plusieurs facteurs principaux retiennent l’attention : • D’abord les États-Unis ont un intérêt direct à s’engager en Afrique, pour prévenir et parer à tout ce qui, venu du continent africain, pourrait mettre en danger les citoyens américains, leur sécurité ou leur bien-être, les actifs ou le territoire des États-Unis. Cela inclut les intérêts commerciaux, même si, jusqu’à récemment, ces derniers ne concernaient qu’un petit nombre d’entreprises, mais relativement puissantes, dans les secteurs minier et énergétique.

• Deuxièmement, des priorités liées aux valeurs américaines – démocratie, Droits de l’homme, lutte contre la pauvreté, réponse aux crises humanitaires – reflètent la vision que les Américains ont d’eux-mêmes et de leur rôle dans le monde.

• Troisièmement, les États-Unis entendent façonner le monde, y créer des zones d’influence, nouer des alliances pour soutenir leurs objectifs de politique étrangère.

• Quatrièmement, le continent, dont les dirigeants ont souvent le sentiment d’avoir été négligés par les principales économies, reste crucial pour les puissances mondiales en raison de sa population en croissance rapide, de ses ressources naturelles importantes et de l’important bloc électoral aux Nations Unies.

• Cinquièmement, l’Afrique reste d’une grande importance stratégique alors que les États-Unis recalibrent leur politique étrangère en se concentrant davantage sur la Chine, ce que l’administration Biden considère comme le plus important adversaire économique et militaire des États-Unis.

Les administrations américaines ont pour la plupart envisagé le continent africain non comme un acteur essentiel mais comme un théâtre d’affrontements indirects : batailles idéologiques, luttes pour l’influence et la position des États-Unis.

Idée sur le volume des échanges entre les Etats-Unis et l’Afrique

En puisant dans les archives des statistiques relatives au volume des échanges entre le Continent africain et les Etats-Unis, nous constatons que les importations américaines en provenance des pays africains s’élevaient en moyenne à 13 milliards de dollars en 1990, sont passées à 22,5 milliards de dollars en 1997, puis ont grimpé à 29,4 milliards de dollars en 2000.

Ainsi, nous découvrons aussi que le marché américain occupe la première place pour les exportations avec 19 % du total des exportations africaines, viennent ensuite la Grande-Bretagne, qui importe 6,8 %, et enfin la France, avec 6,4 %, sachant que 80 % des importations américaines proviennent du Nigeria, de l’Afrique du Sud, du Gabon et du Congo, et que le pétrole est la première préoccupation du commerce américain.

En 1999, les États-Unis ont importé du pétrole pour un montant de 8,1 milliards de dollars, et en 2000, les importations de pétrole ont atteint 16,3 milliards de dollars. Les exportations africaines vers le marché américain de minéraux et de vêtements en laine ont augmenté après une réduction tarifaire et une augmentation de la part des produits africains sur le marché américain.

L’Afrique est donc considérée comme étant l’une des sources de pétrole et de gaz en développement rapide pour le marché américain, ce qui donne au continent une dimension géoéconomique vitale dans la stratégie de sécurité nationale des États-Unis.

Biden : Convaincre…puis convaincre…et encore convaincre !

L’objectif du Sommet Afrique-USA aura été donc de convaincre les dirigeants africains invités que « les États-Unis offrent une meilleure option aux partenaires africains ».

« Nous voulons comprendre ce qui est vraiment important pour vous », a déclaré le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, tout en poursuivant : « Nous voulons nous assurer que nous faisons les choses pour développer et autonomiser vos forces de sécurité et vous aider à travailler sur votre architecture de sécurité d’une manière qui, selon vous, vous sera bénéfique, et qui favorisera certainement la stabilité régionale ».

Certes, le continent, dont les dirigeants ont souvent le sentiment d’avoir été négligés par les principales économies, reste crucial pour les puissances mondiales en raison de sa population en croissance rapide, de ses ressources naturelles importantes et de l’important bloc électoral aux Nations Unies.

C’est pourquoi l’Afrique demeure d’une grande importance stratégique alors que les États-Unis recalibrent leur politique étrangère en se concentrant davantage sur la Chine, ce que l’administration Biden considère comme le plus important adversaire économique et militaire des États-Unis.

Mais aussi il y a cette question de « Moralité »

Les responsables de la Maison Blanche ont déclaré qu’ils prévoyaient de faire face à des problèmes épineux, comme la réticence des nations africaines à condamner la Russie pour son invasion de l’Ukraine au mois de février 2022.

« Bien que nous ne souhaitions pas obliger nos partenaires africains à choisir leur camp, les États-Unis s’efforcent d’être le partenaire de choix en offrant des relations basées sur le respect et les valeurs mutuels », a déclaré encore le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, faisant écho à des déclarations diplomatiques américaines similaires.

« En fournissant des produits et des services de meilleure qualité et en travaillant avec nos partenaires sur des questions qui sont importantes pour eux », a-t-il déclaré, en ajoutant « Nous sommes convaincus que notre relation apportera stabilité et prospérité à long terme ».

Une autre question semble être assez délicate : « Actuellement, cinq dirigeants africains sont au pouvoir depuis plus de 30 ans chacun, et une demi-douzaine d’autres sont au pouvoir depuis plus d’une décennie ».

Biden met fin au « désintérêt de Trump vis-à-vis de l’Afrique »

Pour conclure ce dossier, sur lequel nous reviendrons encore avec plus de détails très prochainement, nous devons retenir que l’ancien président Donald Trump ne cachait pas son désintérêt pour le continent africain, alors que son successeur, Joe Biden, chantre du multilatéralisme, a choisi de replacer l’Afrique au cœur de l’intérêt américain et de la diplomatie mondiale.

Et c’est dans cette optique que le président Biden soutient notamment et nettement l’idée d’un siège pour l’Afrique au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Biden embarrassé par l’influence de la Chine et de la Russie en Afrique

L’Institut américain pour la paix a constaté que la Chine joue un rôle important en Afrique, car elle affecte les intérêts américains, énumérant 10 écarts entre les relations de la Chine avec les pays africains et celles des États-Unis.

Selon la même source, la Chine a systématiquement accru son implication en Afrique depuis plus de 20 ans maintenant, et ses activités ont commencé avec le soutien de Pékin aux mouvements de libération combattant le régime colonial.

Par ailleurs, elle est considérée comme étant le plus grand partenaire commercial bilatéral de l’Afrique, la valeur de ce partenariat atteignant en 2021 prés de 254 milliards de dollars, soit quatre fois le commerce entre les États-Unis et l’Afrique.

A ne pas oublier aussi que la Chine est le plus grand fournisseur d’investissements étrangers directs, soutenant des centaines de milliers de travailleurs africains.

De facto, ce 2ème sommet intervient dans le sillage d’une nouvelle stratégie « Afrique » dévoilée l’été dernier et annonçant une refonte de la politique des Etats-Unis en Afrique subsaharienne, pour y contrer la présence chinoise et russe. La Chine est le premier créancier mondial des pays pauvres et en développement et investit massivement sur le continent africain, riche en ressources naturelles.

De même, la Russie y a fortement augmenté sa présence, y compris en envoyant des mercenaires, et cultive des liens étroits avec certaines capitales, notamment celles qui avaient décidé début mars de ne pas apporter leurs voix à une résolution des Nations unies condamnant l’invasion de l’Ukraine, gros point de tension avec les Etats-Unis.

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