Africa-Press – Comores. L’ancien président Ahmed Abdallah Sambi va se retrouver, dès aujourd’hui, devant la Cour de sureté de l’État. Il devra s’expliquer sur les faits de « haute trahison » et de « détournement de deniers publics » dont il est accusé. Retour sur une affaire qui, pour la première fois aux Comores, conduit un ancien chef d’État devant une cour de justice. A son retour à Moroni en mai 2018, l’ancien rais avait déclaré son intention de se mettre à la disposition de la justice, pour laver son honneur et sa dignité.
Nous voici le 21 novembre 2022. Date à partir de laquelle doit s’ouvrir un procès tant attendu : celui d’Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, ancien président de la République entre 2006 et 2011. Après plus de quatre années de « détention provisoire », il est, enfin, jugé pour les chefs d’accusations de « haute trahison, détournement de deniers publics, faux et usage de faux, abus de fonction, forfaiture, corruption, concussion recel et complicité » selon l’ordonnance de renvoi établi au mois de septembre dernier par le juge d’instruction. Sauf changement de dernière minute, l’audience est prévue se dérouler au palais de justice de Moroni. Elle sera publique et diffusée sur des haut-parleurs « comme cela a toujours été le cas pour les audiences relevant de la Cour de sureté de l’État », rappelle un magistrat. La Cour de sureté est une juridiction d’exception tant décriée par l’opinion publique, l’opposition en tête, de par sa non existence sur la liste des juridictions du pays entre autres défauts. N’en déplaise, « pour le commun des mortels, la vérité se trouve dans la liste des personnes ciblées dans l’ordonnance du juge d’instruction Elamine Said Mohamed et qui sont déférées devant la Cour de sureté de l’État », ironise collectif Ukombozi, dans un pamphlet publié le week-end dernier par son président Idris Mohamed Chanfi.
Le cauchemar pour l’ancien président a commencé au mois de mai 2018 quand il a décidé de revenir au pays après plusieurs années à l’extérieur. Il est venu avec l’idée de bloquer les ambitions d’Azali Assoumani qui a lancé un vaste projet de tripotage de la Loi fondamentale. Très rapidement, il est arrêté et placé en résidence surveillée par le ministère de l’intérieur pour « troubles à l’ordre public ». Son tort ? Il avait bénéficié d’un standing-ovation à la grande mosquée de Moroni pendant que le chef de l’État essuyait les huées. Trois mois après cette mesure tant décriée, la justice est entrée en jeu lui a signifié un mandat de dépôt dans l’affaire dite de citoyenneté économique, du nom de ce programme de vente de passeports comoriens à des apatrides des Émirats Arabes Unis, dont Sambi fut l’instigateur quand il était aux affaires. Il est alors accusé de « détournement de deniers publics ». Sa résidence de Voidjou, au nord de la capitale, est transformée en prison annexe gardée par des militaires. Le grief de « haute trahison » répété à tout bout de champ par l’ancien directeur de cabinet du chef de l’État dès le lendemain de l’arrestation de l’opposant n’apparaitra dans son dossier que quatre ans plus tard, soit au mois de septembre 2022.
En janvier 2020, le juge en charge du dossier l’avait autorisé à « partir à l’étranger pour des soins médicaux suite aux prescriptions de son médecin traitant ». Mais des manœuvres politiques ont fini par avoir raison de la décision du juge. L’évacuation sanitaire n’a jamais eu lieu. « Après plus de quatre ans de tergiversations, Azali accélère le processus dans le but évident de condamner Sambi à des dizaines d’années de prison et d’éliminer des concurrents éventuels lors des présidentielles de 2024. Le cas Sambi souligne fortement la mainmise du président Azali sur le pays », poursuit Ukombozi. « Son sort est scellé. Il va être jugé pour la forme », s’inquiète un membre du parti de l’opposition Juwa. « Qu’un ancien président de la République soit jugé par une cour de justice comorienne, c’est une victoire pour la démocratie comorienne », apprécie de son côté Me Baco Mohamed lors d’un passage à la télévision nationale, l’ORTC, la semaine dernière. Sambi devrait comparaitre avec les anciens vice-présidents Nourdine Bourhane et Mohamed Ali Soilihi alias Mamadou. Ce dernier a réussi l’on ne sait par quel miracle à passer entre les mailles du filet. Il est parti en France juste après que le juge a bouclé son enquête. Il sera donc jugé par contumace. Une armée d’avocats défendra l’ancien président : deux Comoriens (dont une femme), un Français, un Belge et un Libanais.
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