
Africa-Press – Comores. Chef de service hépato gastro-entérologie, le Dr Yasser Azali a accepté de répondre à nos questions sur le quotidien de son métier et du challenge de son service en matière d’endoscopie. Ledit service est nouveau dans le pays et le fils du chef de l’État est parmi les rares spécialistes à exercer. Interview.
Question : Quel a été votre parcours pour exercer le métier d’hépato gastro-entérologue ?
Dr Yasser Azali : Je suis médecin gastro-entérologue, chef du service hépato-gastro-entérologie à El-maarouf. Après mon baccalauréat scientifique (série D) en 2007, je suis parti en Chine pour mes études supérieures en médecine. Je suis revenu en 2015 et j’ai exercé jusqu’en 2017 que je suis parti au Maroc pour ma spécialisation en hépato gastro-entérologie. C’est une spécialité médicale qui se concentre sur l’étude, le diagnostic et le traitement des maladies affectant le système digestif. Il englobe les appareils digestifs « de la bouche à l’anus ». Pourquoi ce choix ? C’est une spécialité qui occupe une place très importante. Dans un pays, la médecine fonctionne un peu comme la pyramide (basedow). Il y a les besoins basiques, secondaires et sophistiqués. Il y a des besoins primordiaux qui sont dans chaque pays. J’estime qu’aujourd’hui nous avons besoin de spécialité médicale comme la cardiologie, l’endocrinologie, la gastro, etc. Ce dernier comporte les motifs les plus courants de consultations. Les reflux, la constipation, l’indigestion, etc. De plus, la complexité du système digestif, on ne se focalise pas sur un seul organe, ce qui fait qu’on a plusieurs appareils qui interviennent. D’ailleurs, notre service a été doté des matériels. Je savais que c’était une spécialité qui n’était pas encore exploitée aux Comores et ça reste un besoin assez primordial. Mon idée était d’initier l’endoscopie mais également faire la prévention. Une grande partie de mon travail consiste aux consultations afin de déterminer de quoi souffre le patient mais également la prévention, une étape très importante.
Question : L’endoscopie est un examen médical très important en gastroentérologie, comment désinfectez-vous vos instruments et comment se passe le processus de nettoyage ?
Dr Y.A : Nous avons un protocole très clair. Nous avons des machines et produits stérilisants. Nous avons tout ce qu’il nous faut pour désinfecter les matériels. Un protocole de 45 minutes pour tous les appareils que nous utilisons à savoir un désinfectant, un stérilisant et un osmoseur capable de produire 80 litres d’eau stérile par heure. L’efficacité sur la stérilisation des machines est évaluée sur plusieurs niveaux à savoir la solidité de l’appareil, son fonctionnement et surtout le retour de nos patients. Nous sommes à 11 mois et nos appareils fonctionnent avec perfection.
Question : quelles sont les différentes pathologies très graves que vous rencontrez dans votre service ?
Dr Y.A: Il y a des problèmes assez courants comme le reflux gastro-œsophagien, c’est-à-dire la remontée passive du contenu alimentaire de l’estomac vers l’œsophage, qui peut provoquer des symptômes assez dérangeants et gênants et par la suite devenir une complication. On peut passer du reflux à la néoplasie-digestive (le cancer digestif). Les deux messages que je veux passer : les gens qui se plaignent des problèmes digestifs, c’est urgent de consulter le plus tôt possible et d’avoir un diagnostic avant que ça ne soit trop tard. Aujourd’hui nous sommes en en capacité de faire un diagnostic macroscopique (à l’œil) d’une lésion tumorale. Chose qui n’a jamais été faite dans ce pays. On est capable de détecter et de traiter des lésions précancéreuses. Alors, la néoplasie-digestive, comporte les pathologies les plus difficiles que je rencontre. Nous avons un autre volet, ce sont les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin. Elles sont connues chez les populations en majorité caucasiennes. Le manque de contact avec les parasites ou la terre sont les conditions qui les favorisent. En général, cette pathologie attaque souvent ceux qui vivent une vie modeste voir aisée. Plus tu vis dans un environnement stérile, moins est la tendance à développer ces maladies. Je découvre malheureusement des cas de cette pathologie. Ils peuvent être variés à savoir la diarrhée abondante, le saignement, l’amaigrissement, le vomissement, des douleurs non spécifiques. Une diarrhée qui persiste pendant plus de trois semaines nécessite une consultation. Tous ces signes nécessitent une consultation.
Question : Combien de consultation vous réalisez dans la semaine et quelle est votre grande réussite en matière d’hépato-gastro entérologie ?
Dr Y.A : Ma plus grande réussite, c’est d’avoir pu innover et introduire l’endoscopie aux Comores. C’est quelque chose qui me rend très fier, que j’aimerais bien faire bénéficier à beaucoup de Comoriens. Depuis que le service a ouvert ses portes, nous sommes à 900 consultations, plus de 200 endoscopies. Je consulte les mardis et jeudis et je vois en moyenne 16 malades par journée de consultation. Je travaille avec une équipe de 8 personnes, un médecin hépato gastro-entérologue, un médecin généraliste comme assistant, quatre infirmiers, un aide-soignant et un brancardier. Comment ça fonctionne ? L’endoscopie est un geste invasif, il est nécessaire de laisser le choix au patient, soit sous légère sédation et nous les faisons aussi pendant que le patient est éveillé, geste que je préfère. L’endoscopie haute prend en moyenne 9 minutes, car nous faisons les biopsies, le diagnostic et la thérapeutique, des biopsies pour les lésions précancéreuse, enlever des polypes, des gestes d’hémostases, de l’interventionnelle. Ces gestes nous évitent les interventions chirurgicales. En cas de chirurgie, j’accompagne toujours mes patients au bloc, mon avis peut et est très important. Car, je peux fournir des informations précises, endoscopiques et cliniques.
Question : Est-ce que le manque de service d’anatomopathologie à l’hôpital constitue un frein dans votre travail ?
Dr Y.A : En gastroentérologie nous travaillons essentiellement avec 4 spécialités à savoir l’imagerie médicale, la chirurgie digestive, l’oncologie médicale et l’anatomopathologie. Ce dernier est un service très important qu’il nous faut à l’hôpital et il est impératif qu’on soit capable de poser un diagnostic précis dans ce pays, de tumeur ou d’une lésion précancéreuse pour pouvoir faire une prise en charge basique et primordiale. C’est un défi auquel nous faisons face mais encore une fois c’est un service récent, on espère avoir le meilleur pour nos patients pour pouvoir soulager le plus grand nombre.
Question : Quand est-ce qu’on doit consulter un hépato gastro-entérologue ?
Dr Y.A : Dans les problèmes digestifs fréquents, les douleurs abdominales récurrentes, les ballonnements, les brulures de l’estomac, la diarrhée, les vomissements, la constipation, le changement d’appétit, les reflux persistants, les troubles du foie et de la vésicule biliaire, un changement jaune de la pigmentation, etc. Le plus important, c’est quand on a des antécédents familiaux du cancer digestif ou des maladies chroniques de l’intestin. Le dépistage est très important, chez toute personne. À partir de 50 ans, il est obligatoire de commencer un dépistage, du cancer colorectale et chez le patient ayant des antécédents familiaux du cancer.
Question : Quelles sont vos perspectives ?
Dr Y.A : Il est important et essentiel aussi que notre futur Centre hospitalier universitaire soit un centre d’apprentissage et de formation médicale. Nous devons entamer les partenariats le plus tôt possible avec des écoles de médecine et qu’on soit en capacité d’accueillir des étudiants en médecine et aussi des étudiants des îles voisines. Il est important de former la prochaine génération des professionnels, pour qu’elle soit compétente et engagée aussi. On doit pouvoir se distinguer et être capable de rivaliser avec les universités voisines afin de donner des gammes de soins médicaux et chirurgicaux exclusifs, être capable de recruter des experts et avoir des aspirations.
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