
Africa-Press – Comores. L’Univers est en expansion, les galaxies s’éloignent les uns des autres. La vitesse à laquelle les galaxies s’éloignent est proportionnelle à la distance qui les sépare. Ce rythme d’éloignement est caractérisé par la constante de Hubble “Ho”, exprimée en kilomètre par seconde par mégaparsec (abrégé “km/s/Mpc”, un parsec équivalant à 3,262 années-lumière). Cette constante pose actuellement un grand problème pour les cosmologistes, sa valeur variant en fonction de la méthode de mesure utilisée : ce problème est connu sous le nom de “tension de Hubble”. Cette dernière a fait l’objet d’une nouvelle étude publiée dans la revue Monthly Notices of the Royal Astronomical Society par des chercheurs de l’Université de Bonn (Allemagne), qui utilisent la théorie MOND pour tenter d’expliquer cet écart dans les mesures.
Hubble : une constante pas si constante
Il existe différentes méthodes pour déterminer la constante de Hubble.
La première consiste à observer la distance entre un astre de référence et la Terre et de déterminer la vitesse à laquelle cet astre s’éloigne de nous. Les corps célestes, utilisés pour ces mesures, ont des luminosités connues, on parle de chandelles standards, telle que les céphéides (étoiles très massives dont la luminosité varie de façon périodique) ou encore certaines supernovas. Pour déterminer leur vitesse d’éloignement à la Terre, les chercheurs, connaissant le spectre d’émission de l’astre, utilisent l’effet Doppler. Ce dernier est le phénomène physique de modification de la fréquence d’une onde émise par un objet en mouvement par rapport à un observateur (c’est le cas des sirènes d’ambulance ayant une fréquence plus grave lorsqu’elle s’éloigne de nous, cet effet est également perceptible sur les ondes lumineuses). Dans le cas des astres qui s’éloignent, la lumière observée est plus rouge que ce qu’elle serait si l’astre était immobile, on parle de décalage vers le rouge (“redshift”). Cette méthode donne une valeur de la constante de Hubble aux alentours de 72 km/s/Mpc.
La deuxième méthode pour déterminer la constante de Hubble consiste à observer le fond diffus cosmologique (CMB), rayonnement fossile datant des premiers instants après le Big Bang. Les fluctuations dans le signal du CBM permettent de déterminer les valeurs pour le modèle LCDM (le modèle standard de la cosmologie). Les observations de télescopes spatiaux, tel que le télescope Planck, ont permis de déterminer avec précision une valeur de la constante de Hubble à 67 km/s/Mpc.
Ces deux méthodes donnent donc des valeurs différentes de la constante de Hubble et ces déterminations sont faites avec des incertitudes rendant incompatible les valeurs obtenues, ce qui est problématique pour une constante. “La tension de Hubble […] est en effet au cœur des discussions. Elle montre que le modèle LCDM a des défauts, et que la solution à cette tension va peut-être faire apparaître une nouvelle physique”, affirme auprès de Sciences et Avenir Françoise Combes, professeure au Collège de France et chercheuse à l’observatoire de Paris.
La gravité modifiée, un MOND à découvrir
La dynamique newtonienne modifiée (MOND) est l’une des pistes actuellement explorées pour répondre aux problèmes du modèle LCDM. Le 2 novembre 2023, des chercheurs allemands ont ainsi publié une étude utilisant cette théorie pour expliquer l’écart dans les mesures de la constante de Hubble.
La théorie MOND, imaginée par le chercheur israélien Mordehai Milgrom en 1983, stipule que la mécanique newtonienne n’est plus valide pour de faibles accélérations et doit donc être modifiée. Dans le cas de la gravité, pour des valeurs d’accélérations inférieures à 10-10, soit pour une intensité 100 milliards de fois plus faible que celle ressentie sur Terre, la gravité ne suit plus sa loi universelle édictée par Isaac Newton en 1687.
Dans son approche newtonienne, la gravité est inversement proportionnelle au carré de la distance séparant deux corps massifs, c’est-à-dire que si la distance est multipliée par deux, la force d’attraction est divisée par quatre. Dans la théorie MOND, à de faibles intensités, la gravité ne sera plus inversement proportionnelle au carré de la distance, mais à la distance elle-même. Cette théorie permet notamment de bien expliquer les rotations des galaxies, étant justifiées dans le modèle standard par la présence de matière noire, encore jamais observée directement.
MOND et le vide KBC
C’est sur la base de cette théorie que les auteurs de l’article ont cherché à résoudre le problème de la tension de Hubble. Ils ont constaté que les observations donnant la valeur la plus élevée pour la constante de Hubble sont faites dans une région particulièrement vide de l’espace, le vide KBC. Du nom des chercheurs l’ayant étudié en 2013 et d’un rayon d’environ deux milliards d’années-lumière. La valeur observée de la constante serait, selon eux, due à l’attraction des astres présents dans ce vide par la masse hors de ce vide. Ils ont cherché à vérifier la compatibilité de la théorie MOND avec les vitesses observées d’éloignement des astres par rapport au centre du vide pour différentes distances.
Leurs simulations montrent que certains profils de vide donnent des résultats qualitatifs, en adéquation avec les observations. Cependant, ils n’ont pour le moment pas de correspondance quantitative, c’est-à-dire entre les valeurs numériques.
Leurs résultats restent cependant à remettre en perspective. Françoise Combes, questionnée sur l’impact que pourrait avoir cette étude dans le domaine de la cosmologie, nous précise que le problème des vitesses des astres du vide KBC n’est pas un problème intrinsèque au modèle standard, certaines simulations dans ce cadre donnant de bons résultats également.
La théorie MOND reste actuellement marginale dans la communauté scientifique, les cosmologistes explorant en parallèle d’autres théories. Une étude de 2021, citant plus de 1000 articles, résume l’état de la recherche dans le domaine et présente plus d’une dizaine de théories actuellement explorées, dont la théorie MOND. Cette nouvelle étude est donc un pas en avant, mais un long travail reste encore à faire pour résoudre les mystères de l’Univers.
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