Mal de dos : la faute aux chaussures

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Mal de dos : la faute aux chaussures
Mal de dos : la faute aux chaussures

Africa-Press – Comores. Mal de dos, mal du siècle”, a-t-on coutume de dire. Sont alors pointés du doigt la sédentarité, la station assise, le manque d’activités physiques, le surpoids… Mais on occulte un autre facteur possiblement plus influent : les chaussures, ces orthèses que nous portons en moyenne 10 heures par jour, tous les jours, des décennies durant, et ce depuis nos premiers pas. Quelle influence ont-elles sur notre squelette, notre musculature et notre santé ? Peut-on réduire les dommages éventuels qu’elles y occasionnent ?

Depuis une quinzaine d’années, un mouvement a vu le jour, amorcé par des amateurs de courses de longues distances frustrés par trop de blessures récoltées au cours de leur activité, et amplifié par des études scientifiques. Leur credo ? Se déplacer pieds nus ou, à tout le moins, avec des chaussures dites minimalistes, qui laissent les plus libres possible les extrémités et leur imposent un minimum de contraintes. Car, si l’on n’imagine pas porter des gants de boxe en permanence, conscient que des protections aussi épaisses nuiraient à l’habileté de nos mains et à leur musculature, nos pieds ont droit à bien moins d’égards, habitués que nous sommes à les contraindre dans des dispositifs lourds et rigides.

Pourtant, la main et le pied ne sont pas si différents. Ils comptent autant d’os (27 pour la première, 26 pour le second), ont un nombre de muscles comparables (34 pour la main, 29 pour le pied) et comportent tous deux une centaine de ligaments et de tendons. Les plantes de nos pieds contiennent autant de cellules nerveuses sensitives que les paumes des mains. Mais si la main est vénérée, le pied, lui, est le vilain petit canard de notre anatomie. Une injustice pour ce membre qui soutient tout notre poids, assure notre équilibre et est capable de prouesses d’adaptation.

D’ailleurs, si l’être humain a commencé à acquérir son énorme cerveau, il le doit plus à ses pieds qu’à ses mains. Il y a plusieurs centaines de milliers d’années, les hominidés se nourrissaient de cueillette mais surtout de gibier, dont l’apport en protéines a fait exploser la capacité cérébrale. Or, dans ces balbutiements d’humanité, aucune arme de jet, arc ou fronde, n’avait encore été inventée pour permettre aux chasseurs d’abattre leurs proies à distance.

L’extraordinaire aptitude à l’endurance du pied humain

Munis seulement de cailloux et de bâtons, les premiers hominidés pourchassaient les animaux jusqu’à l’épuisement. Une endurance à la course de fond exceptionnelle, unique dans le monde animal, et rendue possible grâce à deux innovations : la capacité de suer de tout son corps et d’évacuer ainsi la chaleur tout en courant, alors que les autres animaux en sont incapables. Et, deuxième atout, la technicité de leurs pieds, capables d’évoluer sur pratiquement tous les terrains. “Le pied humain est une structure extraordinaire optimisée sur des millions d’années, décrit Antoine Perrier, docteur en biomécanique et podologue à l’APHP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris). Il est à la fois flexible et capable de se rigidifier passivement pour parcourir de longues distances. ”

Pour Daniel Lieberman, professeur de biologie de l’évolution humaine à l’Université Harvard à Cambridge (États-Unis), ces aptitudes à la course d’endurance ont eu une incidence majeure pour notre espèce. Dans un numéro de Nature de 2004, le chercheur avait comparé les performances d’humains à celles de quadrupèdes et en avait conclu que si nous ne sommes pas très performants en sprint comparativement aux chevaux ou aux antilopes, nous sommes champions pour courir sur de longues distances. Et nos pieds en sont les principaux architectes. Depuis ces travaux, le chercheur a d’ailleurs mis en application ses conclusions : il n’est pas rare de croiser le sexagénaire en train de faire son footing pieds nus dans les rues de Cambridge. C’est d’ailleurs tout aussi légèrement chaussé qu’il a couru plusieurs fois les marathons de Boston et de New York.

Les Tarahumaras, des coureurs hors pair

Réfugiée dans les replis escarpés de la Sierra Madre occidentale lors de l’invasion des colons espagnols au 16 siècle, cette ethnie compte entre 55.000 et 85.000 personnes, l’une des plus importantes au nord du Mexique. Pour relier les établissements de foyers parfois très lointains, les Tarahumaras courent à tout âge sur les sentiers étroits. Ils en ont même fait une tradition. Après avoir festoyé toute la nuit en s’abreuvant d’une tequila maison à base de serpent et de cactus, ils s’élancent au matin pour des courses de deux jours. Comme l’écrit Christopher Mc Dougall dans son livre “Born to run”, les coureurs tarahumaras ont fait l’équivalent de 12 marathons 500 km – en une journée et une nuit. Certains champions auraient même fait 700 km d’une seule traite ! À leurs pieds, des sandalettes attachées par un lien de cuir.

Les dommages sur le corps visibles plus tôt chez les coureurs

Depuis ces temps immémoriaux, le pied n’a que très peu évolué. Mais il n’en va pas de même des dispositifs dont nous le parons. Pour quelques activités professionnelles, un chaussant spécifique est nécessaire, comme une coque renforcée sur le devant des chaussures de chantier ou le talon des bottes d’équitation. En dehors de cela, depuis l’Égypte ancienne, le chaussant est moins considéré comme un moyen de protéger le pied que comme un artifice pour afficher sa supériorité et son rang social. Il est longtemps resté réservé à une élite.

Tout change radicalement à partir des années 1970 et l’arrivée des sneakers “modernes” : l’intégralité de la population, riche comme pauvre, se chaussera désormais avec des dispositifs contrariant le fonctionnement naturel du corps. Bien sûr, avec plusieurs dizaines de millions d’années d’évolution derrière lui, ce corps est suffisamment performant et endurant pour encaisser les changements induits par le port de ces prothèses qui vont à l’encontre de sa mécanique, au moins durant un temps. Il faut plusieurs années avant que les bouleversements provoqués par les chaussures remontent le long des cuisses, parcourent le dos et parviennent jusqu’au cou. Cependant, chez les adeptes de la course d’endurance et du jogging, il est possible de déceler plus tôt les dommages provoqués par les chaussures. Ce sont eux qui vont fournir aux scientifiques les données les plus immédiates.

Depuis une quinzaine d’années, quantité d’études concernant l’impact négatif sur la santé des chaussures modernes sont ainsi publiées. On a tendance à l’oublier, mais tout ce qui contraint nos pieds a des conséquences à plus ou moins long terme sur l’ensemble de notre corps, des chevilles à la nuque, en passant par le dos, affectant tout l’équilibre de notre système musculo-squelettique. À partir des années 1970-1980, les marques vont donc faire croire au consommateur qu’il a besoin d’amortis et d’innovations de toutes sortes dans ses chaussures : semelles absorbantes, supports de voûte plantaire, stabilisateurs, etc., alors qu’aucun ne s’est avéré efficace sur la santé.

Comme le décrit Blaise Dubois, physiothérapeute et créateur de La Clinique du coureur, un organisme de formation continue pour la prévention des blessures en course à pied : “La chaussure de sport n’a pas l’obligation d’être homologuée ni examinée par une société savante ou un organisme indépendant. C’est un produit de mode, on fait ce que l’on veut. Cela va à l’encontre de la méthode scientifique de validation, un processus obligatoire complexe et rigoureux pour toute molécule pharmacologique et appareillage médical mis sur le marché. ”

En 2008, une méta-analyse réalisée par Craig Richards, expert à l’Université de Newcastle (Royaume-Uni) le démontrait sans ambiguïté dans le British Journal of Sports Medicine : il n’existe aucune étude clinique évaluant leur efficacité en tant que dispositif de prévention des blessures. D’ailleurs, l’introduction de chaussures toujours plus “performantes” sur le marché n’a pas changé la proportion de blessures chez les joggers et coureurs amateurs. D’année en année, ce sont jusqu’à 80 % d’entre eux qui déclarent s’être blessés, le plus souvent au genou.

Plus édifiant encore, selon un travail dirigé par Bernard Marti, spécialiste de médecine préventive à l’Université de Berne (Suisse), plus un modèle de sneakers est onéreux, plus il fait courir un risque. Les coureurs qui portent les modèles les plus chers sont à 123 % plus sujets aux blessures que ceux utilisant des modèles bon marché. Plus la chaussure a d’amortis, moins elle protège ! En 2018, une équipe de chercheurs finlandais confirmait cette conclusion surprenante : lorsqu’on court dans des sneakers haut de gamme, les impacts au sol s’avèrent environ 11 % plus violents. Un résultat contre-intuitif que l’on retrouve par exemple chez les gymnastes : plus le matelas de réception est épais, plus la réception est brutale. Instinctivement, les athlètes recherchent la stabilité. Lorsqu’ils sentent une surface molle sous leurs pieds, ils atterrissent plus rudement pour conserver leur équilibre.

Le poids des pieds, le choc des talons

Lorsque, dans les années 1970, les préparateurs sportifs ont introduit un talon dans des sneakers jusque-là plates, c’était pour les compétitions de sprint. Ils s’étaient aperçus que si les coureurs atterrissaient sur les talons, cela leur permettait de faire des foulées un peu plus grandes et de gagner quelques centièmes de seconde aux 100 m et 200 m. Mais très vite, les marques ont promu pour toute la population ces chaussures, d’abord conçues pour un usage bien spécifique et nullement destinées à être portées en permanence. Les sneakers ont alors totalement modifié la manière de nous déplacer.

En effet, nos pieds sont conçus de telle sorte que nous attaquions le sol sur l’avant-pied ou à mi-pied, avec les orteils pour amortir nos pas durant la marche ou la course. Or, les sneakers, avec leurs semelles et leurs talons épais et rigides, comme toutes les autres chaussures modernes, ont conduit leurs utilisateurs à modifier inconsciemment leur démarche pour attaquer chaque pas avec le talon. Preuve en est qu’aujourd’hui 95 % des coureurs amateurs le font. Les conséquences ont été modélisées par Daniel Lieberman de l’Université de Cambrige (États-Unis) et son équipe en 2010 dans Nature. Lorsque l’on court, chaque pas soumet l’organisme à des forces causées par l’impact du pied sur le sol. Or, ont démontré les chercheurs, l’attaque par le talon génère à chaque pas une force d’impact supplémentaire. Fulgurante, elle équivaut à plusieurs fois le poids de l’individu. Et même si l’impact est moindre, le phénomène reste le même lors de la marche.

95 % des pieds plats sont dus à la conformation du chaussant

De la même façon, des pieds engoncés dans des chaussures moelleuses cherchent à “traverser” la semelle pour sentir une surface stable, augmentant d’autant les impacts à chaque pas. Impacts qui auront des conséquences sur toute la chaîne musculo-squelettique au bout des millions de pas que nous accomplissons en moyenne tous les ans. Et ce n’est pas tout. Sont également à déplorer toutes les malformations nées de la conformation anti-anatomique de nos chaussures.

En début de chaîne, elles sont très connues. À l’instar des hallux valgus (plus vulgairement nommés “oignons”), cette déviation du gros orteil qui affecte 55 % des femmes – soit neuf fois plus que les hommes. Ou les pieds plats, touchant 40 % de la population, mais dont 5 % seulement sont d’origine génétique. En effet, 95 % des pieds plats sont acquis. En cause, disent les spécialistes, ce dispositif de soutien de voûte plantaire qui équipe les chaussures actuelles. Lequel affaisse petit à petit la voûte naturelle…

Cela peut sembler paradoxal, mais le soutien de voûte de la chaussure, en prenant le rôle de la structure naturelle du pied, conduit à rendre celle-ci inutile parce que plus du tout sollicitée. Résultat : les muscles fondent. Les tendons s’affaissent. Le pied se fait plat. “Le soutien de voûte plantaire est l’une des pires catastrophes des chaussures modernes, déclare Yvan Raggi, podologue à Nantes . Il contribue à annihiler totalement notre ressort mécanique naturel. ” Et Antoine Perrier de préciser : “Car, si nous naissons tous avec des pieds plats, vers 4 ans les capitons graisseux disparaissent naturellement pour laisser apparaître les voûtes plantaires. Heureusement, chausser les tout-petits avec des chaussures munies de soutien de voûte n’est plus autant préconisé qu’avant. En France, cela semble en train de changer. ”

Mais, globalement, tous les pieds contenus dans des chaussures conventionnelles souffrent de perte musculaire progressive. L’une des conséquences les plus directes est qu’ “on a froid aux pieds, indique Kristiaan D’Août, de l’Université de Liverpool (Royaume-Uni). Et comme la circulation sanguine chez les femmes est moindre et que leurs chaussures sont en moyenne plus contraignantes que celles des hommes, elles expérimentent très souvent cette sensation. ” Sans compter que plus on vieillit, plus ces problèmes de fonte musculaire, nerveuse et circulatoire s’aggravent. Viennent s’y ajouter des pertes d’équilibre et de proprioception au fur et à mesure que l’individu entre dans le grand âge. Kristiaan D’Août et ses collaborateurs ont montré en 2020 à quel point la stabilité et la mobilité de personnes âgées ayant un historique de chutes fréquentes étaient améliorées quand ils marchaient pieds nus ou en chaussures minimalistes.

Un peu plus haut vers la cheville, penchons-nous maintenant sur le tendon d’Achille. Plus on porte des talons hauts, plus les tendons s’atrophient et raccourcissent. Ce qui explique que celles qui en portent trop souvent éprouvent des difficultés à s’en passer. Mais les porteurs de sneakers ne sont pas épargnés. En 2014, une étude australienne montrait que le simple fait de marcher avec ces chaussures à talons modérés suffisait à augmenter la tension au niveau du tendon, un facteur pouvant conduire à une tendinopathie. Idem pour le genou qui, dans des chaussures classiques, est sujet à l’ostéoarthrite – maladie articulaire affectant plus de 10 millions de Français.

En bout de chaîne, enfin, le dos et le cou : une étude réalisée par l’Université de Zurich (Suisse) en 2011 sur une trentaine de sujets montrait que marcher dans des chaussures modifiait l’activité musculaire et nerveuse dans ces zones, par rapport à la même action pieds nus. Et les chercheurs de préconiser des études sur le long terme pour des patients souffrant du dos et du cou. Dans l’International Journal of Advanced research en 2015, le Journal of Novel Physiotherapies en 2017 ou encore dans l’International Journal of Pathology de 2018, des équipes ont ainsi montré que plus les talons étaient hauts et portés souvent, plus ils occasionnaient des douleurs au dos.

Les 4 faiblesses des chaussures
Talon : Invention relativement récente comparée à nos 2 millions d’années de marche debout, le talon, lorsqu’il fait ressortir le fessier, entraîne de lourdes conséquences sur les chevilles, les genoux, le bassin et les lombaires.

Pointe : Étriqué, l’avant ne respecte pas l’anatomie d’orteils censés être plus écartés parce que naturellement essentiels pour la pose du pied. Ce rôle étant tenu par le talon dans les chaussures actuelles, les orteils auront tendance à perdre en muscles.

Rigidité : En contraignant les mouvements du pied, la chaussure produit des effets sur l’équilibre et la stabilité générale. Et cela devient de plus en plus problématique à mesure qu’on avance en âge.

Semelle : En plus de rigidifier les chaussures, ce sont plusieurs centaines de milliers de capteurs proprioceptifs sous nos pieds qui sont réduits au silence par des semelles épaisses.

Toutes les chaussures modernes ont les mêmes défauts

Car il faut bien reconnaître que, de manière très schématique, toutes les chaussures modernes se ressemblent. Qu’il s’agisse de sneakers, de bottines, de mocassins, de rangers ou d’escarpins, toutes, à des degrés divers, ont en commun quatre caractéristiques : elles sont raides, l’avant est étroit, la semelle est rigide et pourvue d’un talon. Et les tongs ? pourrait-on objecter. C’est pire : bien qu’elles soient larges, ouvertes et flexibles, elles nous forcent à crisper les orteils pour ne pas les perdre, tout comme les mules, les sabots ou les claquettes. Non contentes de modifier la démarche naturelle, elles peuvent donc sur le long terme conduire à la pathologie des “orteils en marteau”. De plus, elles obligent à frapper le sol avec le talon pour pouvoir les conserver aux pieds, entraînant les mêmes problèmes musculo-squelettiques que les chaussures fermées classiques.

Si l’on en croit donc la myriade d’études scientifiques sur la question, il faudrait s’affranchir des contraintes mécaniques et structurelles des chaussures conventionnelles qui handicapent et affaiblissent les pieds, limitent les mouvements et les sensations, avec des conséquences à plus ou moins long terme sur les genoux et le dos. “Si l’on pouvait tous marcher pieds nus, avance Yvan Raggi , je vous garantis que bien des cabinets d’ostéopathie seraient contraints de mettre la clé sous la porte ! ”

L’autre solution serait de porter des chaussures dites minimalistes (barefoot en anglais) dont l’architecture vise à respecter la mécanique et la conformation du pied. Elles sont très souples, l’avant est large pour ne pas comprimer les orteils, la semelle est fine et n’est pas surélevée à l’arrière. Depuis dix ans, on trouve de plus en plus de petites marques de chaussures spécialisées dans ce type d’équipement, avec une trentaine de boutiques en ligne. Mais on peut dénombrer trois écueils sur la route de l’acceptation de ce nouveau type de chaussant.

En premier lieu, les chaussures traditionnelles sont érigées en dogme depuis un demi-siècle car portées par une écrasante majorité de la population grâce à un marketing surpuissant. Et leurs dommages mettent parfois des années avant de se déclarer, sans que le lien soit automatiquement tracé entre les deux. Ensuite, on peut avoir le sentiment de connaître la marche pieds nus si l’on se déchausse tous les soirs chez soi ou trois semaines par an pendant les vacances. Mais de l’avis de nombre d’utilisateurs, c’est une expérience très différente de marcher en permanence débarrassé des chaussures traditionnelles et de sentir ses pieds, ses chevilles, ses genoux et son dos gagner jour après jour en robustesse.

Enfin, dernier écueil, depuis des siècles, les pieds sont déconsidérés voire moqués -“bête comme ses pieds ! ” -, les chaussants étant conçus et considérés pour des questions de mode ou de statut social mais jamais de santé. Il serait peut-être temps de les regarder autrement, eux aussi. Précisons toutefois que marcher “comme pieds nus” n’est pas forcément indiqué pour tous. Les spécialistes déconseillent la pratique à certaines personnes, comme “les diabétiques, précise Kristiaan D’Août. Ils sont atteints d’une neuropathie qui s’accompagne d’une perte de proprioception des pieds. Il leur faut des semelles très dures. ”

Pieds nus, les performances biomécaniques sont meilleures

En revanche, si l’on veut changer ses habitudes, mieux vaut commencer le plus tôt possible. En 2021, une étude japonaise a consisté à suivre durant quatre ans une centaine d’enfants d’une dizaine d’années pourvus de chaussures minimalistes. Une autre centaine d’enfants de la même ville, chaussés classiquement, faisait office de groupe contrôle. Armés de caméras ultrarapides, les scientifiques ont capturé les courses des élèves pour les analyser : sur le long terme, concluent-ils, le groupe d’étude s’avère avoir de bien meilleures performances biomécaniques que le groupe de contrôle.

Si vous franchissez le pas et décidez d’essayer la locomotion en chaussures minimalistes – parce que l’alternative de marcher pieds nus en ville peut être souvent mal vue, parfois dangereuse et toujours salissante… -, prudence toutefois. Vos pieds, vos chevilles, vos genoux, affaiblis par des années de port de chaussures conventionnelles, ont perdu en tonus musculaire et en flexibilité. Il sera peut-être nécessaire de les renforcer par des exercices et des marches sur différents terrains. Tout spécialement si vous êtes un adepte du jogging. Avant de courir, il faut donc (ré)apprendre à marcher.

Être chaussé, un signe extérieur de richesse très coûteux

Depuis au moins l’Égypte ancienne, le chaussant est un marqueur de classe. Les sandales surélevées des hauts dignitaires de l’empire devaient se voir comme un signe extérieur de richesse et de noblesse, en plus de permettre de dominer physiquement leurs sujets. Lorsque le talon acquiert une véritable utilité – conférer une meilleure assise dans les étriers aux cavaliers perses du Moyen Âge -, il demeure un emblème de noblesse.

Plus tard, dans l’Europe du 17e siècle, rien ne change puisque, là encore, les talons hauts, alors uniquement portés par les hommes fortunés, symbolisaient leur rang élevé. Ces orthèses les handicapaient à tel point qu’ils devaient faire appel à des tiers pour se déplacer, faire leurs courses, etc. Et c’était bien là le but recherché : plus les talons étaient hauts, plus celui qui les portait devait être assez riche pour payer des gens pouvant subvenir à ses besoins. Du moins, c’est le signal envoyé à ceux qu’il croisait. Mais l’hubris humaine ne se situe pas uniquement dans les talons.

Au 14 siècle, la mode était aux poulaines, de longs souliers étroits et pointus pouvant mesurer jusqu’à 50 cm. Plus elles étaient longues, plus elles handicapaient leur porteur et plus ce dernier signalait l’ampleur de sa fortune. En 2021 ont été exhumés, dans quatre anciens cimetières médiévaux de Cambridge et ses alentours, 177 squelettes datant de la fin du 14e siècle. Les archéologues ont pu constater des difformités effroyables au niveau des orteils. Ceux dont les oignons (hallux valgus) étaient les plus prononcés étaient enterrés au centre de la ville, dans les quartiers les plus riches ou appartenant au clergé. De 3 % de squelettes ayant souffert de cette affliction dans le cimetière rural, le chiffre grimpait à 43 % dans ces zones aisées.

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