Supprimer les subventions énergétiques en Afrique ?

7
Supprimer les subventions énergétiques en Afrique ?
Supprimer les subventions énergétiques en Afrique ?

Africa-Press – Congo Brazzaville. Le rapport recommande aux pays africains désireux de réformer leurs systèmes de subventions aux produits énergétiques de lancer des campagnes de sensibilisation impliquant les principaux acteurs concernés et de prendre des mesures de compensation pour protéger les couches les plus vulnérables de la société.

En Afrique plus qu’ailleurs, la suppression des subventions énergétiques nécessite l’adoption d’une démarche progressive qui s’appuie notamment sur la mise en place de filets de protection sociale destinés à atténuer l’impact de la réforme sur les populations les plus pauvres et le lancement de campagnes de sensibilisation efficaces, selon un rapport publié le 18 juillet par Ecofin Pro, la plateforme de l’agence Ecofin dédiée aux professionnels de plusieurs secteurs.

Intitulé « Supprimer les subventions énergétiques en Afrique… plus facile à dire qu’à faire », le rapport précise que les subventions énergétiques représentent environ 1,4% du PIB de l’Afrique subsaharienne et sont généralement des subventions à la consommation.

En termes de parts du PIB, ces subventions figurent parmi les plus élevées à l’échelle mondiale, même si elles diffèrent selon les pays : 10% du PIB en Egypte, 6% en Algérie, 7% en Libye, 3% en Angola et 1% au Nigeria.

Bien qu’elle soit au cœur des débats depuis plusieurs décennies, la question de la réforme des subventions se pose avec acuité ces derniers temps, en raison des difficultés économiques que connaît le continent africain depuis l’apparition de la pandémie de Covid-19 dont les effets négatifs se sont mêlés à ceux de la guerre en Ukraine.

Pour faire face à la pénurie de financements consécutive à ces deux chocs exogènes, de nombreux pays africains ont été obligés de se tourner vers le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale, deux institutions financières multilatérales qui font de la suppression des subventions une condition cruciale pour décaisser leur aide. Mais ces subventions constituent souvent un instrument de politique économique et un mécanisme de protection sociale difficile à supprimer en Afrique. Elles permettent en effet de renforcer la compétitivité économique des entreprises et le développement de certaines activités.

Les subventions profitent davantage aux riches

Dans le secteur de l’électricité par exemple, les subventions permettent de maintenir les coûts de production intérieurs à un niveau intéressant par rapport aux produits importés, offrant ainsi des avantages visibles à une part importante de la population. Elles permettent également de protéger les économies contre les brusques augmentations des prix et d’étendre l’accès de la population à des sources d’énergie.

Les subventions sont notamment courantes les pays exportateurs de pétrole, car ceux-ci disposent des ressources nécessaires pour les mettre en place. Mais surtout, elles permettent de contenter une population qui estime devoir profiter des ressources énergétiques à des prix inférieurs à ceux du marché, car vivant dans un pays producteur d’or noir.

Le rapport élaboré par notre confrère Moutiou Adjibi Nourou note cependant que les subventions énergétiques à la consommation bénéficient davantage aux plus riches, ce qui contraste avec leur but qui est de protéger le pouvoir d’achat des plus pauvres. Cela tient au fait qu’il s’agit de subventions universelles (perçues par unité de carburant ou de consommation d’électricité, indépendamment du niveau de revenu des consommateurs, NDLR) qui créent des inégalités dans la mesure où les ménages aisés consomment davantage que les ménages moins nantis. En Afrique subsaharienne, les études montrent que les ménages les plus riches profiteraient d’environ 45% des subventions sur les carburants, tandis que les segments les plus pauvres de la population ne bénéficient que d’environ 20% de ces subventions.

De plus, les subventions peuvent avoir des effets néfastes sur l’offre d’énergie. Lorsque les compagnies énergétiques sont contraintes de vendre à des prix inférieurs à leurs coûts opérationnels, elles ne parviennent plus à assurer la maintenance et à engager de nouveaux investissements.

Des conséquences négatives sur les plus démunis

Le rapport souligne d’autre part que les subventions aux produits énergétiques assèchent les ressources budgétaires, et se font au détriment d’autres priorités de développement. D’après la Banque mondiale, les fonds alloués aux subventions énergétiques au Nigeria sont passés de 1,1% des recettes totales en 2020 à 32,4% en 2022, soit plus que le budget alloué à la santé, à l’éducation et à la protection sociale combinées. L’Angola a de son côté dépensé 2,3 milliards de dollars en subventions en 2022, soit plus de 40% de ce que ce pays membre de l’OPEP a consacré aux programmes sociaux.

La Banque mondiale s’attend dans ce cadre à ce que l’État nigérian économise 11 000 milliards de nairas (15 milliards de dollars), grâce à la récente suppression des subventions sur le carburant.

Une suppression brutale des subventions pourrait cependant saper les avancés réalisées en matière de lutte contre la pauvreté en Afrique. Selon le FMI, une augmentation de 0,25 dollar par litre de carburant en Afrique subsaharienne entraînerait en moyenne une baisse de 5,7% du revenu réel des 40% des ménages les plus pauvres. Plus de la moitié de cette perte de pouvoir d’achat serait indirecte, résultant de l’impact du renchérissement des prix des carburants sur le coût des aliments et des transports. Et c’est pour cette raison d’ailleurs que plusieurs pays africains ont déjà annoncé la suppression des subventions par le passé, avant de se résigner à les réintroduire après une hausse des prix du carburant et une grogne sociale grandissante.

Le rapport Ecofin Pro indique dans ce cadre que la suppression des subventions énergétiques représente une réforme complexe et politiquement sensible qui doit être réalisée progressivement et avec précaution. Pour éviter de voir leurs efforts voués à l’échec ou s’épuiser après de premiers succès, les pays du continent devraient lancer d’importantes campagnes de sensibilisation impliquant les principales forces vives concernées (syndicats, associations de professionnels, etc.) afin de mener la réforme à terme, et prendre des mesures destinées à protéger les couches les plus pauvres de la société contre un renchérissement brutal des produits énergétiques, comme les transferts monétaires directs.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Congo Brazzaville, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here