Africa-Press – Congo Kinshasa. Alors que la République démocratique du Congo tente de stabiliser ses relations avec ses voisins dans la région des Grands Lacs, une nouvelle crise diplomatique s’annonce. Le général Muhoozi Kainerugaba, chef de l’armée ougandaise et fils du président Museveni, a publiquement menacé d’annexer la ville de Kisangani à l’Ouganda. Des déclarations provocatrices, diffusées sur le réseau X, qui ravivent les tensions entre Kinshasa et Kampala, malgré une coopération militaire encore récente. Ce regain d’agressivité interroge sur les véritables intentions de l’Ouganda et fait planer le doute sur une complicité tacite avec Kigali, au moment où les ambitions régionales pour le contrôle des richesses du Kivu restent plus vives que jamais.
Les relations entre la RDC et l’Ouganda traversent une zone de fortes turbulences, alors que le chef d’état-major des forces armées ougandaises (UPDF), le général Muhoozi Kainerugaba, multiplie les provocations publiques à l’encontre de Kinshasa. Dans un message publié sur le réseau social X (anciennement Twitter), le fils du président ougandais Yoweri Museveni a franchi une nouvelle ligne rouge en déclarant vouloir annexer la ville de Kisangani à l’Ouganda. « En fin de compte, Kisangani sera réunie à l’Ouganda », a-t-il écrit, provoquant une onde de choc dans la classe politique congolaise et au sein de la société civile.
Cette déclaration s’inscrit dans une série de messages au ton particulièrement agressif. Dans un autre tweet, le général Kainerugaba a contesté les processus de paix régionaux: « L’UPDF ne reconnaît et ne respecte certainement pas les accords de Doha ! »
Il a même ajouté une dimension pseudo-historique et mystique à ses propos: « Selon notre prophète, Kakarakashagama, les terres ancestrales des Bachwezi se trouvent quelque part près de Kisangani ».
Un passif conflictuel et des alliances ambiguës
Ces propos surviennent quelques semaines seulement après la visite officielle du général Muhoozi Kainerugaba à Kinshasa, où il avait été reçu par le président Félix Tshisekedi. Cette rencontre avait pour objectif de renforcer la coopération militaire entre les FARDC (Forces armées de la RDC) et les UPDF (Forces de défense du peuple ougandais), dans le cadre d’opérations conjointes contre les groupes armés actifs dans l’Est de la RDC.
Mais cette séquence soulève désormais de nombreuses interrogations: comment expliquer une telle dérive dans le discours du chef militaire ougandais, si récemment accueilli avec honneurs à Kinshasa? Est-il devenu incontrôlable? Ou joue-t-il un jeu stratégique visant à diviser la RDC tout en servant les intérêts de Kigali, le Rwanda étant régulièrement accusé d’ingérence dans les provinces de l’Est?
« Pourquoi le fils de Museveni continue de menacer la RDC? Est-il malade ou bien il joue le jeu du Rwanda? », s’interrogent de nombreux observateurs à Kinshasa.
Détérioration visible des relations RDC-Ouganda
Ces provocations interviennent alors même que les tensions diplomatiques entre les deux pays s’accentuent. Le 11 juillet 2025, Kinshasa a exigé des explications de Kampala après l’ouverture d’un poste frontalier ougandais dans une zone du Nord-Kivu sous contrôle du M23, un mouvement rebelle accusé de liens étroits avec le Rwanda. Cette zone, entre Kisiro (Ouganda) et Rutshuru (RDC), est sous occupation depuis juin 2022, selon les Nations unies.
Les propos récents de Muhoozi s’ajoutent à une longue liste de déclarations hostiles. Il avait déjà menacé les FARDC dans le passé et affirmé vouloir faire arrêter le gouverneur militaire de l’Ituri, le lieutenant-général Luboya Nkashama Johnny.
L’histoire de l’implication ougandaise dans la déstabilisation de l’Est congolais est bien documentée. Depuis les années 1990, plusieurs rapports de l’ONU ont dénoncé l’implication directe de Kampala dans le pillage des ressources naturelles, ainsi que son soutien à des groupes armés locaux, dans une logique de contrôle économique et géopolitique.
« L’Ouganda n’a jamais été un voisin et un partenaire fiable sur qui Kinshasa peut compter », notent des analystes politiques à Kinshasa.
Ils dénoncent une stratégie d’entrisme régional déguisée sous une coopération sécuritaire de façade. L’alliance UPDF-FARDC semble aujourd’hui vide de sens, face à de telles menaces directes à la souveraineté congolaise.
Le silence de Kinshasa, entre prudence et faiblesse?
Face à ces propos incendiaires, le gouvernement congolais n’a pas encore réagi officiellement, un mutisme qui alimente les critiques dans l’opinion publique.
« Cette sortie de Muhoozi est une insulte à notre souveraineté. C’est une provocation inacceptable et un mépris total envers l’État congolais », déclare Fabrice Sambili, cadre politique de l’opposition au Nord-Kivu.
Il s’inquiète du silence des autorités de Kinshasa: « Le Gouvernement reste muet, alors qu’un haut gradé étranger menace publiquement d’annexer une ville congolaise. C’est une honte nationale ! »
Pour lui, le président Tshisekedi doit sortir de son silence, et le pays doit adopter une position claire et ferme face aux dérives de Kampala.
« Le chef de l’État doit sortir de son silence. Il ne peut pas se cacher derrière des accords, alors que la nation est publiquement menacée. Kisangani n’est pas négociable. Pas un centimètre carré du Congo ne sera abandonné à la folie impérialiste d’un général provocateur », martèle Sambili.
Il appelle à des mesures diplomatiques fortes: « On ne coopère pas avec un pays qui rêve à haute voix de nous démembrer. C’est de la naïveté politique, voire de la trahison ».
Une ligne rouge franchie
En invoquant le mythe des Bachwezi, des entités mystiques de l’histoire des Grands Lacs, Muhoozi tente de justifier un projet d’annexion territorial fondé sur des récits ancestraux, dans une tentative de redessiner les frontières au mépris du droit international.
Dans l’esprit de nombreux Congolais, ces déclarations ne sont pas de simples provocations mais des actes hostiles, qui devraient déclencher une réponse forte et coordonnée.
L’heure est donc à la vigilance diplomatique et à la mobilisation politique, car à travers Kisangani, c’est l’unité territoriale du Congo qui est aujourd’hui en jeu.
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