Africa-Press – Congo Kinshasa. Alors que la ville de Lomé, capitale togolaise, accueille une réunion de haut niveau consacrée à la situation sécuritaire dans l’Est de la République Démocratique du Congo, la réaction de l’opposant congolais Claude Nyamugabo Lubaya suscite une vive réflexion sur la souveraineté du pays.
Dans un message publié sur les réseaux sociaux, le député déplore l’absence remarquée des Congolais dans un processus censé les concerner au premier chef. « Congolais, dirigeants comme population, devons avoir honte ce jour », écrit-il. Une déclaration tranchante qui reflète un sentiment de frustration croissant face à la gestion extérieure des affaires congolaises.
Une réunion sans les premiers concernés
Réunis à Lomé, plusieurs dirigeants africains, partenaires internationaux et représentants d’organisations régionales planchent sur des pistes de sortie de crise pour le conflit qui déchire l’Est de la RDC. Mais selon Claude Lubaya, cette initiative, bien qu’animée de bonne volonté, met en lumière un paradoxe troublant: les solutions aux problèmes congolais sont de plus en plus discutées en dehors du Congo, et sans les Congolais eux-mêmes.
« Faut-il que pour nos propres problèmes, des frères et sœurs africains se réunissent sans nous, quelque part à Lomé, pour réfléchir à notre place? », s’interroge-t-il. Pour l’élu, ce manque d’implication directe traduit un « degré d’inconscience et d’irresponsabilité » de la classe dirigeante congolaise, mais aussi d’une population de plus en plus désengagée.
Une comparaison historique lourde de sens
Dans son message, Claude Lubaya établit un parallèle saisissant entre cette réunion de Lomé et la tristement célèbre Conférence de Berlin de 1885, lors de laquelle les puissances coloniales européennes avaient délimité les territoires africains sans la moindre consultation des peuples concernés.
« À Lomé, comme hier à Berlin, c’est d’un regard dédaigneux que les étrangers nous regardent pour tracer à notre place, notre propre destin, 65 ans après l’indépendance », déplore-t-il.
Un rappel au rêve de Lumumba
L’homme politique conclut son propos en invoquant une citation emblématique de Patrice Lumumba: « L’histoire du Congo sera écrite par ses propres enfants ». Une promesse d’autodétermination qui, selon lui, reste aujourd’hui largement non tenue. « Elle ne sera pas écrite à Washington, ni à Bruxelles ni à Paris. Aujourd’hui, malheureusement, c’est bien le cas, sous nos yeux », ajoute-t-il.
Un appel à la responsabilité collective
Au-delà de la dénonciation, le message de Lubaya est un appel à une prise de conscience collective. Il exhorte les dirigeants comme les citoyens à se réapproprier les questions nationales, à s’impliquer dans la recherche de solutions durables, et à refuser que l’avenir du pays continue de se dessiner sans eux.
Alors que le Congo commémore plus de six décennies d’indépendance, ce rappel à la honte nationale vient souligner une réalité persistante: sans implication active et responsable des Congolais eux-mêmes, les initiatives extérieures, même bien intentionnées, risquent de perpétuer la dépendance et l’effacement.
Encadré – Qui est Claude Lubaya?
Claude Nyamugabo Lubaya est une figure politique bien connue en République Démocratique du Congo. Fils du défunt André Guillaume Lubaya, ancien ministre et opposant emblématique assassiné en 1968, Claude Lubaya a été gouverneur du Kasaï Occidental, député national, et candidat engagé pour une réforme de la gouvernance publique. Proche des milieux progressistes, il est reconnu pour ses prises de position critiques, notamment sur les questions de souveraineté, de démocratie, et de respect des institutions. Sa voix, souvent dissidente, résonne régulièrement comme celle d’un appel à une refondation morale et politique de l’État congolais.
Contexte – L’Est de la RDC en crise
Depuis plus de deux décennies, l’Est de la République Démocratique du Congo est le théâtre de violences récurrentes impliquant des groupes armés locaux et étrangers. La région du Nord-Kivu, en particulier, est aujourd’hui marquée par la résurgence du groupe rebelle M23, soutenu selon Kinshasa par le Rwanda, une accusation rejetée par Kigali. Cette crise humanitaire, politique et sécuritaire a déplacé des millions de personnes et déstabilisé durablement la région. Les efforts diplomatiques régionaux peinent à aboutir, tandis que la population continue de subir les conséquences d’un conflit apparemment sans fin.
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