Pourquoi l’Afrique ne doit plus tendre la main – par Thaïs Brouck

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Pourquoi l’Afrique ne doit plus tendre la main – par Thaïs Brouck
Pourquoi l’Afrique ne doit plus tendre la main – par Thaïs Brouck

Thaïs Brouck

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Réallocation des droits de tirage spéciaux, Fonds pertes et dommages, financements climatiques…. Malgré les promesses, le continent ne voit rien venir. Il est temps que les pays responsables du dérèglement climatique tiennent leurs engagements.

Sur le front des financements, c’est suffisamment rare pour être célébré, il y a parfois de bonnes nouvelles. Le Fonds pertes et dommages, censé venir au chevet des pays frappés par le dérèglement climatique, est enfin devenu palpable lors de la 28e Conférence des parties pour le climat, à Dubaï. Une avancée rapidement qualifiée de coquille vide. Avec moins de 700 millions de dollars promis par les pays riches et des besoins affichant bien trop de zéros pour être additionnés, nous sommes loin du compte. Beaucoup trop loin.

Est-il besoin de rappeler que la corne de l’Afrique est actuellement sous les eaux après avoir traversé l’une des pires sécheresses de son histoire ? Ces catastrophes successives ont causé la mort de millions de têtes de bétail et détruit les récoltes. Qui va payer ? Madagascar vient de s’extirper de la première famine causée par le changement climatique. Qui doit payer ? Les scientifiques sont formels: la responsabilité de l’Afrique dans le changement climatique est anecdotique.

Polycrises

En mars dernier, la banque centrale américaine, la Fed, n’a eu besoin que de 24 heures pour débloquer 12 milliards de dollars à destination des banques après la faillite de la Silicon Valley Bank. Il aura fallu un an pour que le Fonds pertes et dommages parvienne à en réunir 700 millions. Combien d’années faudra-t-il pour qu’ils soient réellement mis à la disposition de ceux qui en ont déjà besoin ?

Exclus depuis deux ans du marché obligataire international à cause de la hausse des taux d’intérêt – encore la conséquence de crises dont ils ne sont pas responsables (guerre russo-ukrainienne et Covid-19) –, la plupart des pays d’Afrique présentent un risque de défaut sur leur dette extérieure. En 2021, les membres du G20 se sont engagés à réallouer l’équivalent de 100 milliards de dollars de droits de tirage spéciaux (DTS), l’unité de compte du Fonds monétaire international, aux pays les plus vulnérables. À date, le seul moyen de capter ces DTS est de passer par le Fonds, avec ce que cela comporte d’obstacles politiques, techniques et juridiques. Malgré les promesses, les DTS ne sont donc distribués qu’au compte-gouttes.

La Banque africaine de développement (BAD) milite pourtant depuis deux ans pour que les DTS soient canalisés par l’intermédiaire des banques multilatérales de développement. Par des mécanismes d’innovation financière, la BAD comptait multiplier par trois ou quatre leur efficacité. Bien qu’unanimement saluée, la proposition reste lettre morte, « incompatible avec le cadre juridique de l’Union européenne », a tranché Christine Lagarde, gouverneure de la Banque centrale européenne.

L’Afrique inaudible

Même lorsqu’elle innove, propose des solutions, l’Afrique ne parvient pas à se faire entendre. Difficile dès lors de lui reprocher de lorgner ses ressources naturelles, pétrole en tête. Pour le continent, écrasé par le poids de sa dette, la fameuse dichotomie développement versus climat n’est même plus d’actualité. Aujourd’hui, c’est ni l’un ni l’autre.

Du point de vue de nouveaux producteurs d’hydrocarbures comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou l’Ouganda, ou de ceux dont le budget dépend largement de l’or noir, à l’image du Congo, du Gabon ou de l’Algérie, leur demander d’entamer une transition « hors des énergies fossiles » relève de la plaisanterie. Depuis le sommet de Rio de 1992, les conférences sur le climat se sont accordées sur un principe fondateur: les pays riches, responsables du changement climatique, doivent soutenir les pays en développement qui en subissent les effets. Il est temps d’arrêter de faire passer l’Afrique pour un mendiant.

Source: JeuneAfrique

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