En Côte d’Ivoire, le maire RHDP, Cessé Komé et l’affaire d’escroquerie présumée

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En Côte d’Ivoire, le maire RHDP, Cessé Komé et l’affaire d’escroquerie présumée
En Côte d’Ivoire, le maire RHDP, Cessé Komé et l’affaire d’escroquerie présumée

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Une affaire d’escroquerie présumée vieille de 7 ans aux sommes qui donnent le tournis a connu, fin avril, un nouveau rebondissement avec l’incarcération d’un des mis en cause.

Arsène Roger Gah, réélu maire de la commune de Bangolo (centre-ouest) en septembre 2023, a été placé sous mandat de dépôt après avoir été interpellé le 22 avril à l’aéroport Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan, alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol.

Contrôle judiciaire révoqué

Élu une première fois en tant que candidat indépendant, Arsène Roger Gah avait rejoint en février 2019 le parti présidentiel, le Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP). En septembre de la même année, l’édile avait été inculpé par le pôle pénal économique et financier – juridiction dédiée à la répression des crimes économiques et financiers – et placé sous contrôle judiciaire à la suite d’une plainte déposée par Cessé Komé, un influent homme d’affaires malien vivant à Abidjan et ayant fait fortune dans l’hôtellerie.

Il était depuis soumis à certaines obligations: se présenter au cabinet du juge d’instructions de manière périodique et ne pas sortir du territoire. Faute d’avoir rempli ces conditions, la justice ivoirienne avait finalement émis un mandat d’arrêt à son encontre en 2022. Son attitude avait été considérée comme « visant manifestement à empêcher la bonne marche de l’information judiciaire », selon le procureur de la République près le Pôle pénal économique et financier, Claude Michèle Kamagaté.

Maître Serge Gbougnon plaide « la bonne foi » de son client. « Ce n’est pas une personne lambda. Si la justice avait encore besoin de lui, elle pouvait le trouver n’importe où », affirme l’avocat qui reconnait toutefois le manquement du maire à s’être présenté au tribunal chaque semaine. « On aurait pu lui donner un avertissement dans ce dossier qui se trouve entre les mains du juge depuis longtemps », estime-t-il.

« L’affaire avance »

Cessé Komé accuse le maire de Bangolo de l’avoir escroqué de plusieurs millions d’euros. Maître Charles Konan, l’un des avocats de l’homme d’affaires, évoquait dans un communiqué daté de juillet 2019 la somme de 6 millions d’euros (près de 4 milliards de F CFA). Dans une autre note du 26 avril 2024, émanant cette fois du Pôle économique pénal et financier, cette somme serait d’1,33 milliard de F CFA.

« Les pièces sont entre les mains de la justice. Mon client a documenté chaque dépense, chaque centime. Il a les décharges de l’argent remis en espèces et les traces des ordres de virement. Il dispose de mails, de toutes sortes de preuves et documents, de numéros de téléphone avec la possibilité d’enquête sur les conversations, sur les messages échangés », assure à Jeune Afrique Me Florence Loan-Messan, une autre avocate de Cessé Komé qui ne souhaite pas communiquer sur « le détail du montant total du préjudice alors même que les auditions se poursuivent devant le juge d’instruction ».

« Depuis 2017, il y a eu de nombreux actes de procédures, ayant conduit à des détentions préventives, à des mises en liberté provisoire, à la condamnation de complices, à cette détention préventive du maire. Il y a eu des auditions et PV de police, des interrogatoires multiples. L’affaire avance », assure-t-elle. Selon nos informations, Cessé Komé et Arsène Roger Gah ont été confrontés pendant neuf heures dans le bureau du juge d’instruction ce 6 mai, pour la première fois depuis l’ouverture de ce dossier complexe.

De Dubaï au Qatar

Depuis le début de l’affaire, ce sont deux versions diamétralement opposées qui s’affrontent jusqu’aux conditions de la rencontre entre les deux hommes. L’homme d’affaires dit avoir été approché « en marge d’une conférence à l’hôtel Tiama d’Abidjan » par Alain Kodjo – lui aussi placé en détention provisoire en 2019, mais libéré depuis – qui lui aurait proposé de « trouver des financements à moindre frais pour les projets hôteliers par le biais de fonds souverains du Golfe ».

Alain Kodjo l’aurait alors présenté au maire de Bangolo qu’il aurait décrit comme « très introduit dans le milieu des fonds souverains et des grandes banques d’affaires et qui pourrait lever des financements dans cette région pour la réalisation de ses projets. » Mais selon Arsène Roger Gah, ce serait Cessé Komé, en recherche de financements, qui se serait rapproché de lui via Alain Kodjo.

Par la suite, les trois hommes se seraient rendus ensemble à Paris puis au Luxembourg pour y rencontrer un banquier qui aurait alors promis la mise à disposition de 50 millions d’euros, puis 200 millions d’euros. Sur place, seul Cessé Komé aurait finalement pris part à ce rendez-vous selon l’élu.

Que s’est-il passé ensuite ? Là encore, chacun se retranche derrière sa version des faits. Cessé Komé affirme avoir versé de l’argent aux deux hommes dans le but de faire avancer l’opération. « Malgré tous ces paiements et toutes les assurances reçues, Monsieur Komé ne recevra jamais la somme promise », assure Me Charles Konan. De son côté, le maire de Bangolo se serait rapidement retiré du projet estimant faire face à « une bande de mafieux ».

Mais selon l’homme d’affaires, l’opération serait bien allée jusqu’à son terme et il aurait réceptionné des caisses de faux billets. Cessé Komé se rendra à Dubaï, ainsi qu’au Qatar, pour s’assurer de la réalité du transfert de fonds. « Les autorités monétaires et financières rencontrées sur place l’informeront non seulement qu’aucun transfert n’a été réalisé en direction du Mali mais également de l’impossibilité de la réalisation d’une telle opération », expliquera son avocat en 2019.

« Où sont les faux billets ? »

« D’après lui, les fonds remis seraient de 30 millions d’euros en faux billets. Mais où sont ces faux billets en question ? Depuis quand fait-on des levées de fonds dans des caisses en cash ? À qui Monsieur Komé a-t-il déclaré ces sommes là quand il est rentré à Abidjan en jet privé ? Personne n’est en mesure de répondre à ces questions », s’agace de son côté Me Serge Gbougnon.

Arsène Roger Gah a depuis reçu le soutien de l’Union des villes et communes de Côte d’Ivoire (Uvicoci). Le 25 avril 2024, cette structure a dénoncé « l’arrestation sans ménagement de Gah Arsène sans tenir compte de la présomption d’innocence » et fustigé « la facilité avec laquelle le maire, autorité de police judiciaire locale, a été arrêté. »

« Je rappelle avec insistance que mon client est la victime. C’est lui qui a été abusé. Ce n’est pas lui le coupable que certains veulent identifier. C’est de bonne guerre, que chacun avance ses pions, mais nous refusons de tomber dans ce jeu, car nous avons les arguments et les preuves qui plaident en notre faveur », assure enfin Me Florence Loan-Messan qui se dit être, avec son client, dans l’attente du procès.

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