Nécessité absolue de soutenir la capacité de lutte contre le terrorisme en Côte d’Ivoire et au-delà

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Nécessité absolue de soutenir la capacité de lutte contre le terrorisme en Côte d'Ivoire et au-delà
Nécessité absolue de soutenir la capacité de lutte contre le terrorisme en Côte d'Ivoire et au-delà

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Côte d’Ivoire. La Côte d’Ivoire représente une succession de terres connectées, ce qui est considéré comme un élément de faiblesse, d’autant plus que le pays a subi plus d’une fois des attaques d’assaillants venus d’autres régions. Et devant les menaces terroristes grandissantes, nous allons tenter de formuler des alertes sur les dangers imminents en Côte d’Ivoire, notamment dans le nord, et à accompagner les processus d’élaboration des politiques publiques dans une optique de prévention et de réponse sécuritaire.

Vu que la Côte d’Ivoire est géographiquement un pays bordé par le Ghana à l’est, la Guinée et le Libéria à l’ouest, le Mali et le Burkina Faso au nord, et surplombant le golfe de Guinée au sud, la question qui se pose est la suivante :

La Côte d’Ivoire fait-elle face, en ce moment, à un extrémisme violent et quels sont les défis et les réponses de ce pays envers ce phénomène ?

Dans ce contexte, il importe de reconnaître que la région du Sahel et l’Afrique de l’Ouest connaissent depuis quelques jours une « virée terroriste », avec des attentats successifs en peu de temps, dans plusieurs pays, où des groupes armés sont en train de profiter de la préoccupation de la région face aux répercussions du coup d’État militaire survenu au Niger.

Il s’agirait là d’une escalade qui se produit à un moment où les États-Unis et l’Union européenne, conjointement, ont arrêté leur coopération en matière de sécurité et de renseignement avec certains de ces pays, pour protester contre les coups d’État militaires qui s’y sont déroulés, ainsi qu’au milieu de l’anticipation de la région des résultats de la Communauté économique de l’Ouest États africains « CEDEAO » concernant sa menace d’intervention militaire pour mettre fin au coup d’État au Niger.

D’ailleurs, plusieurs attentats ont été perpétrés dans le voisinage, notamment au Mali, au Nigeria et au Niger, le dimanche et le lundi (13 & 14 août), et la semaine dernière au Burkina Faso, où des groupes armés sont répartis dans la région des « trois frontières » entre ces pays.

Ces groupes liés à Daech et au groupe al-Nosra affilié à al-Qaïda, en concurrence pour l’influence au Sahel et en Afrique de l’Ouest, notamment dans le triangle frontalier entre le Burkina Faso, le Mali et le Niger, tentent d’exploiter le vide sécuritaire résultant du retrait brutal des forces des Nations Unies stationnées dans certaines zones depuis des années, qui a laissé à son tour une faille sécuritaire, que les groupes armés ont exploitée pour intensifier leurs activités afin de contrôler les mêmes zones avant que l’armée ne prenne le relais.

La réalité en Côte d’Ivoire

Les groupes armés du Sahel ont effectué des sorties répétées dans les pays sahéliens d’Afrique de l’Ouest, dont la Côte d’Ivoire évidemment. Néanmoins, jusqu’à présent, Abidjan a largement repoussé leurs tentatives d’avancées, avec un mélange d’initiatives sécuritaires et socio-économiques. Elle devrait redoubler d’efforts sur les deux fronts.

La Côte d’Ivoire, qui possède la plus grande économie d’Afrique de l’Ouest francophone, semble particulièrement bien placée pour se prémunir contre l’expansion de ces organisations, mais elle fait face, en parallèle, à d’énormes risques.

Le double objectif de la Côte d’Ivoire en matière de sécurité et de développement économique rapporte d’importants dividendes à la population du nord. Les autorités devraient donc renforcer les investissements sociaux et continuer à renforcer la confiance entre les militaires et les civils.

Elles devraient poursuivre également la coopération militaire bilatérale avec le Burkina Faso voisin et accroître leur soutien aux initiatives multilatérales de partage de renseignements dans le but de lutter contre le recrutement par les groupes armés de nouvelles recrues.

Certes, la Côte d’Ivoire ne souffre pas du problème de recrutement de terroristes par rapport au Mali et au Burkina Faso, et malgré cela, les organisations terroristes n’ont cessé de recruter des éléments ivoiriens, dont certains sont envoyés combattre dans les pays voisins.

Dans la même lignée, les services de renseignement ivoiriens ont fait état de l’existence de cellules terroristes composées de recrues dans le nord du pays, sachant qu’actuellement, la Côte d’Ivoire lutte contre l’infiltration des groupes armés, mais elle lutte également contre l’infiltration des soi-disant « imams et prédicateurs » qui propagent l’idéologie « extrémiste » au sein de la population, profitant de sa pauvreté.

Le pays a traité le problème de l’infiltration terroriste dans le nord du pays en mettant l’accent sur l’éducation, la santé et le développement économique, et l’idée de traitement est basée sur la création d’alternatives et une vision d’avenir pour les jeunes, et cette stratégie semble donner de bons résultats, jusqu’à présent.

Stratégie gouvernementale contre stratégie des organisations

Début 2023, la branche « Al-Qaïda » au Mali avait changé de stratégie et commencé à attaquer dans le sud de la capitale, Bamako, près des frontières avec la Côte d’Ivoire et la Guinée Conakry. Ces pays, en particulier les zones habitées par les tribus « Foulani », sont vulnérables aux attaques lancées par les groupes armés, mais, jusqu’à présent, la Côte d’Ivoire a réussi à repousser toutes les tentatives du groupe « Massina », affilié à l’organisation « Al-Qaïda », alors que celle-ci cherche à consolider sa présence dans les régions du nord du pays.

C’est ainsi que la double approche adoptée par le gouvernement ivoirien dans la gestion de la menace a probablement contribué à contrecarrer les attaques, mais le pays doit également sa résilience à d’autres facteurs qui le distinguent de ses voisins. Il s’agit notamment de l’accent mis par le président Alassane Ouattara pendant une décennie sur la garantie de la stabilité interne par le développement économique, ainsi que des liens ethniques et familiaux étroits qui lient l’élite politique d’Abidjan au nord.

Pourtant, la Côte d’Ivoire ne peut pas se permettre d’être complaisante. Sa richesse relative et sa position pro-occidentale continueront d’en faire une cible attrayante pour ceux qui cherchent à déstabiliser la région. De plus, sa longue et poreuse frontière nord laisse la frontière très exposée à la violence des groupes armés, surtout si les résidents sont frustrés de ne pas voir les résultats palpables des politiques de croissance économique du gouvernement.

Il va sans dire que, malgré les efforts de la Côte d’Ivoire pour trouver des alternatives et une vision d’avenir, les groupes armés, et à leur tête Al-Qaïda, continuent de causer des dommages et des pressions depuis le Burkina Faso, poussant des milliers de réfugiés à fuir le nord de la Côte d’Ivoire à cause de la situation sécuritaire.

Dans ce contexte, le ministre ivoirien de la Défense avait fait état, lors d’une session du Conseil national de sécurité dans son pays, de l’arrivée de plusieurs milliers de réfugiés au Burkina Faso.

Sources de résilience

Compte tenu de la position de la Côte d’Ivoire en tant que plaque tournante commerciale de l’Afrique de l’Ouest francophone, les observateurs s’inquiètent à juste titre d’une montée déstabilisatrice de la violence terroriste dans le nord du pays, ayant provoqué des crises humanitaires au Mali et au Burkina Faso voisins.

Les attaques tuent des milliers de personnes chaque année et ne montrent aucun signe de ralentissement. Des pans entiers du Sahel sont devenus inaccessibles, les groupes anéantissant les moyens de subsistance des agriculteurs et coupant les routes commerciales régionales.

Outre le conflit meurtrier et l’instabilité politique au Sahel, de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest sont confrontés à des prix élevés des denrées alimentaires et des engrais en raison de la guerre en Ukraine. Pourtant, alors que les six régions du nord de la Côte d’Ivoire présentent certains des facteurs de risque qui ont contribué à l’émergence de la violence semée par les groupes armés, notamment la pauvreté, le sous-développement et l’omniprésence des activités illicites, la Côte d’Ivoire a connu peu d’attaques, et semble mieux placée que d’autres pays pour faire face à la menace sécuritaire à l’avenir.

Cinq facteurs ont contribué à l’efficacité relative de la réponse des autorités à ce jour :

• L’accent mis par la Côte d’Ivoire sur le développement économique

La Côte d’Ivoire a commencé à prendre des mesures pour faire face aux menaces à sa sécurité dès 2011, et le président Alassane Ouattara a placé les réformes économiques structurelles au cœur de sa stratégie de relance , dans la conviction que la croissance économique (et ses retombées) restaurerait la légitimité de l’État et favoriserait la stabilité politique, s’aidant des technocrates nommés à des postes de direction pour superviser ses nouvelles politiques ; et grâce à la volonté des gouvernements étrangers et des organisations multilatérales qui sont intervenues avec des milliards de dollars de financement, Abidjan a rapidement obtenu l’argent nécessaire pour renforcer les forces de sécurité, construire des infrastructures économiques modernes dans tout le pays et restaurer l’autorité de l’État dans les zones frustrées et négligées durant le mandat de l’ancien président Laurent Gbagbo de 2002 à 2011.

• Base de pouvoir des autorités

A noter que le nord du pays, dominé par les musulmans, est la politique de base du président Ouattara, surtout qu’il s’agissait de la circonscription électorale la plus fiable. Pour y faire face, Ouattara a augmenté le nombre de régions du pays de 10 à 31 afin de renforcer l’État aux niveaux local et régional qui, à son tour, a facilité la réalisation de son programme de développement économique. Ces changements ont particulièrement augmenté le nombre de représentants du gouvernement (et de personnes nommées par les pouvoirs publics) du nord. De plus, des personnalités clés du cabinet et de l’armée ainsi que certains des hommes d’affaires les plus riches du pays sont originaires du nord, ceux qui en ont les moyens accordant leurs largesses aux villes et villages du nord. Abidjan accorde donc une attention particulière à la manière dont le nord est gouverné.

Bien que des griefs contre le gouvernement existent, principalement parmi les jeunes chômeurs, la loyauté envers Ouattara et son entourage est profonde. De plus, les souvenirs de l’anarchie qui a régné dans le nord pendant le conflit de 2002-2011 signifient qu’il y a peu ou pas d’appétit apparent pour de nouveaux bouleversements, du moins pas à l’heure actuelle.

• Tolérance religieuse et examen minutieux du gouvernement

La plupart des Ivoiriens considèrent la violence imposée par les groupes armés comme une menace extérieure. Ouattara, lui-même musulman marié à une catholique, a fait de la tolérance religieuse une priorité gouvernementale, en partie pour inverser la stigmatisation des musulmans par ses prédécesseurs, sachant que la Côte d’Ivoire a une longue tradition d’islam pacifique, principalement « maliki », avec diverses communautés musulmanes dont les membres vivent côte à côte ou se marient avec des personnes d’autres confessions religieuses et, de facto, la diversité religieuse du pays aurait favorisé une culture du dialogue, incitant les associations musulmanes à suivre la ligne gouvernementale, compte tenu de leur proximité avec les élites politiques du pays.

Dans le même temps, Abidjan exerce un contrôle de plus en plus étroit sur la sphère publique, et la collaboration étroite avec les groupes musulmans fût également un élément essentiel de la stratégie antiterroriste du gouvernement.

• Une armée remaniée

Les forces de sécurité et de défense ivoiriennes ont fait des progrès considérables ces dernières années. Il importe de rappeler qu’Alassane Ouattara avait prêté serment en tant que président après d’intenses combats entre les « hors-la-loi » qui occupaient la moitié nord du pays depuis près d’une décennie et les forces de sécurité fidèles à Gbagbo, qui ont refusé de démissionner après avoir perdu les élections de décembre 2010 face à Ouattara. Le conflit postélectoral, le plus meurtrier du pays depuis son indépendance de la France en 1960, a fait des ravages dans l’armée politiquement divisée. En revanche, la plupart de ces « insoumis » étaient de fervents partisans de Ouattara, qui comme eux étaient originaires du nord.

Aujourd’hui, suite aux multiples efforts déployés, la composition ethnique et régionale de l’armée est devenue considérablement plus équilibrée qu’il y a dix ans.

• Des projets sociaux dans le Nord

Conscient des vulnérabilités des six régions du Nord, Abidjan s’est bien gardé de construire sa réponse à la menace terroriste uniquement sur des redéploiements militaires. Comme indiqué, les réformes économiques structurelles et la planification sociale ont été le pilier de la stratégie de stabilisation du gouvernement, générant des investissements publics considérables dans les infrastructures de base, notamment les routes revêtues, les lignes électriques, les écoles et les cliniques.

Pour rappel, la Côte d’Ivoire semble bien traiter la doctrine du terrorisme sous l’angle de la criminalité, et l’approche de l’escalade militaire prévaut, à l’exception de quelques moyens de prévention. D’importants investissements dans l’équipement militaire, la formation et les ressources de renseignement, ainsi que l’établissement de zones d’opérations dans le nord, témoignent d’une meilleure capacité à répondre à toute agression. Le travail pour influencer la source et la cause d’origine semble manquer encore.

Pour ainsi dire, le terrorisme est en hausse en Afrique de l’Ouest, et ce phénomène, avec ses tactiques de camouflage, la diversité des modes opératoires et l’hybridation des facteurs et des acteurs, remet en cause la sécurité traditionnelle. Il ne fait aucun doute que la Côte d’Ivoire ne souffre pas encore de mouvements terroristes qui menacent son intégrité territoriale, mais il y a des signes de faiblesse et de force qui justifient la peur.

Les acteurs terroristes s’appuient sur le facteur temps pour tester l’adversaire avec des provocations répétées, la création de réseaux et la propagation dans des environnements de faible éducation, de pauvreté et d’éradication culturelle. Il devient clair ici que l’engagement des tenants de l’extrême violence, loin des intérêts matériels, est le fruit d’une conviction et d’une croyance forte et inébranlable qui a perdu tout lien et espoir dans la vie.

La nature du danger actuel dans le pays nécessite une expertise multidisciplinaire, non limitée au système de sécurité. Elle doit plutôt prendre en compte les aspects géopolitiques, la relation avec l’économie et la géographie, le taux de natalité élevé et les frictions démographiques, ainsi que des plans d’endoctrinement efficaces.

Tant qu’il y a de la volonté…il y a aussi de la réussite !

D’une manière générale, la Côte d’Ivoire est sur la bonne voie et devrait poursuivre les stratégies mises en place par le gouvernement pour renforcer la sécurité le long de ses frontières nord ainsi que les programmes visant à réduire la pauvreté et le chômage dans la région.

Des investissements supplémentaires, notamment dans :
• les économies locales,
• les relations communauté-armée,
• la coopération militaire transfrontalière
• et les capacités militaires

seront nécessaires pour aider la Côte d’Ivoire à continuer à repousser les groupes armés et les organisations terroristes qui ont jeté une ombre de difficultés et d’instabilité sur son voisinage.

Néanmoins, tout ceci ne paraît pas tranquillisant pour les Ivoiriens, qui vivent désormais, si l’on peut dire, « une main sur le cœur et un doigt sur la gâchette » avec des yeux « braqués » sur le nord de leur pays, avec un clin d’œil vers la situation au Niger, et un autre projeté en Ukraine, où la situation menace le Continent africain de « famine ».

L’APPEL au soutien de la lutte anti-terroriste de la Côte d’Ivoire est donc lancé !

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