Baudelaire Mieu
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Après avoir verdi ses comptes, l’entreprise publique doit désormais faire de même pour ses produits, jugés trop nocifs pour la santé d’après les nouvelles normes en vigueur dans la Cedeao. Une modernisation également nécessaire pour mieux couvrir la demande locale.
Plus de quatre ans après l’application d’un plan de restructuration financière, les enjeux restent colossaux pour Tiotioho Soro, le directeur général de la Société ivoirienne de raffinage (SIR) nommé en août 2021.
L’ancien directeur des ressources humaines, qui a l’avantage de connaître le raffineur où il a passé toute sa carrière, occupant différentes fonctions depuis 1990, doit notamment répondre à la contrainte liée à l’environnement.
Une directive de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) impose désormais aux raffineurs de la sous-région d’élaborer des produits moins nocifs pour la santé. Mais le pétrole brut raffiné à la SIR provient des champs pétroliers de Bonga et de Forcados au large du Nigeria. Or, la haute teneur en souffre de cette matière première freine le virage de l’entreprise publique vers une production de produits pétroliers propres.
Modernisation
En réaction, le raffineur s’est engagé dans un projet d’investissement à 180 milliards de F CFA (environ 275 millions d’euros) pour un complexe de sulfuration composé de six unités pour la période allant de 2021 à 2025. Au-delà des aspects environnementaux, cet investissement permettra d’amortir les coûts de production.
L’autre challenge pour Tiotioho Soro est la modernisation de l’hydrocraqueur, principal outil de production mais vieux de plus de quarante ans. La raffinerie, qui a une capacité annuelle comprise entre 3,8 et 4 millions de tonnes de pétrole brut, produit essentiellement de l’essence (20 % de sa production totale), du gasoil (29 %), du kérosène pour les avions (20 %) – lequel peine à être compétitif –, et du butane (1 %).
Pour fonctionner, plus de 2 millions de barils de pétrole brut avec une forte concentration de soufre sont importés mensuellement du Nigeria par la SIR, soit 24 millions annuellement.
Des importations pour couvrir les besoins nationaux
Le processus d’approvisionnement se fait en général par appel d’offres, avec comme bénéficiaires le français TotalEnergies, actionnaire de la raffinerie à hauteur de 20,35 %, le nigérian Sahara Energy, le britannique Vitol et le suisse Addax. L’entreprise ne fait pas de trading sur ses produits raffinés qui sont destinés majoritairement au marché ivoirien.
Le solde de la production est quant à lui destiné au Burkina Faso via la Société nationale des hydrocarbures (Sonabhy), elle-même actionnaire de la SIR. Cependant, le raffineur ivoirien ne parvient pas à couvrir les besoins nationaux.
« La Côte d’Ivoire n’est pas autosuffisante en produits pétroliers. La SIR est obligée d’importer d’Asie ou d’Europe pour combler le déficit national », explique une source au ministère de l’Énergie qui a requis l’anonymat. C’est dans le cadre de cette opération que le raffineur passe par des traders au lieu de contracter directement et importer des produits raffinés comme le gasoil et l’essence. Une procédure parfois onéreuse : 2,2 milliards de F CFA ont été versés en 2022 au seul titre des commissions bancaires.
Aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine, la SIR ne peut plus importer du gasoil et de l’essence provenant de Russie ou du Kazakhstan, pourtant moins cher. « TotalEnergies a envoyé une note pour interdire formellement tout recours aux produits de cette région du monde », confie une autre source proche du dossier.
Une trajectoire financière positive
Après avoir cumulé des fonds propres négatifs de 29 milliards F CFA en 2020, ramenés à 5 milliards de F CFA en 2021, la SIR est aujourd’hui dans le vert. La restructuration financière de l’entreprise a porté sur un rachat de la dette et l’injection de fonds (environ 372,6 milliards de F CFA), arrangé par l’institution financière Africa Finance Corporation (AFC). Ceux-ci ont servi aux paiements de la dette fournisseurs et au remboursement de la dette bancaire du soutien financier à la marge de SIR.
Le bilan 2022 a fait ressortir un résultat de 125,1 milliards de F CFA, qui a permis de niveler les fonds propres, lesquels affichent aujourd’hui un solde positif de 120 milliards de F CFA.
Le chiffre d’affaires non consolidé atteint plus de 1 264 milliards de F CFA en 2022 grâce à l’effet combiné de l’augmentation de 23 % des volumes vendus et à la hausse des produits pétroliers à la pompe. Les encours sont estimés à 271 milliards de F CFA, y compris la dette auprès d’AFC, estimée à 241,8 milliards F CFA.
En 2022, le raffineur a effectué un remboursement 44 milliards F CFA, mais il a dû contracter une autre dette de 25 milliards F CFA pour acquérir la base logistique de Vridi dans le port d’Abidjan, du trader pétrolier Puma Energy. Des créances en progression à mettre en relation avec la hausse des cours du baril, portée par un contexte mondial tendu.
Source: JeuneAfrique
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