Louis-Nino Kansoun
Africa-Press – Côte d’Ivoire. La simple évocation de droits de douane par les États-Unis a provoqué une ruée mondiale vers ce marché, faisant grimper les prix du cuivre raffiné à des niveaux record. Pourtant, les principaux pays africains producteurs restent peu visibles dans cette bataille stratégique, ce qui soulève des questions sur les outils et atouts dont dispose le continent pour tirer parti des tensions actuelles.
Sous l’effet de la menace de tarifs douaniers sur les importations de cuivre, les États-Unis attirent massivement les stocks mondiaux. Les prix du métal rouge chez l’Oncle Sam ont déjà dépassé de plus de 1 400 dollars par tonne ceux du reste du marché. Selon le négociant Mercuria Energy Group, environ 500 000 tonnes de cuivre sont en route vers les États-Unis, un volume sept fois supérieur aux importations mensuelles habituelles. Cette ruée crée un déséquilibre au détriment d’autres marchés, notamment la Chine, premier consommateur mondial, où les stocks commencent à chuter.
« Nous pensons qu’il se passe quelque chose d’exceptionnel sur le marché du cuivre. Est-il déraisonnable d’envisager un prix à 12 000 ou 13 000 dollars la tonne ? J’ai du mal à fixer un plafond, car une telle situation ne s’est jamais produite », a déclaré le trader Kostas Bintas, de chez Mercuria, ajoutant que la situation actuelle offre des opportunités de profit inédites.
Producteurs, mais pas concernés par ces « opportunités de profit » ?
Plusieurs pays africains comme la RDC, la Zambie ou la Namibie figurent parmi les principaux producteurs de cuivre. Pour illustrer cette dynamique, les exportations congolaises de cuivre ont dépassé en 2024 la barre des 3 millions de tonnes, une première. Alors que certains traders redirigent des cargaisons depuis l’Asie vers les États-Unis pour capter les marges, peu d’informations circulent sur des stratégies similaires depuis les grands pays producteurs africains.
Si pour le moment, peu d’éléments laissent penser que ces prévisions, qui proviennent d’un trader connu pour être souvent optimiste pour le cuivre, se concrétiseront, le contexte actuel interroge sur les outils dont disposent les pays africains pour réagir à des évolutions rapides du marché mondial. La plupart opèrent à travers des contrats à long terme conclus avec des compagnies minières ou des négociants internationaux. Ces accords offrent peu de flexibilité pour profiter d’une hausse ponctuelle des prix.
La capacité à stocker le métal sur le continent est un autre enjeu. Disposer d’infrastructures de stockage permettrait, comme le font certains grands acteurs mondiaux, de décaler les ventes dans le temps pour les réaliser au meilleur prix ou de rediriger les exportations vers les marchés les plus lucratifs. Cela soulève des questions sur le nombre et la portée des installations logistiques disponibles sur le continent pour le cuivre. De même, l’existence d’entités publiques ou régionales de commercialisation, d’outils d’intelligence de marché ou de mécanismes de coordination régionale pourrait constituer un avantage pour réagir à ce type d’opportunité.
De toutes ces questions, la plus importante est probablement le degré de contrôle que les Etats africains ont sur la matière première produite sur leurs sols. Ce qui se passe actuellement concernant le cuivre illustre combien une simple annonce politique peut faire évoluer brutalement les marchés. Dans un monde où la demande pour les métaux critiques s’accélère, les pays africains producteurs doivent-ils continuer de livrer à flux constants ou par des contrats de prévente comme c’est le cas sur plusieurs mines ?
La question fait déjà l’objet de débats dans plusieurs pays. En décembre dernier en RDC, le ministre du Portefeuille, Jean-Lucien Bussa, a estimé que l’entreprise Kamoa Copper, qui pilote Kamoa-Kakula, la plus grande mine de cuivre du pays, vendait sa production à un prix qui ne « respecte pas les prix concurrentiels fixés sur le marché ». S’il ne précise pas comment il en est arrivé à cette conclusion, il a indiqué, selon les propos relayés par le site bankable.africa, que l’État sera désormais partie prenante au processus de vente, pour que le cuivre de Kamoa-Kakula soit vendu « au prix du marché » afin « d’optimiser le chiffre d’affaires ».
L’épisode américain pourrait donc servir d’électrochoc supplémentaire. Pour mieux bénéficier de la transition énergétique mondiale, les pays africains ont intérêt à se doter d’outils leur permettant de peser davantage dans le commerce mondial des ressources critiques. Reste à voir jusqu’où iront les Etats dans leurs réflexions pour maximiser les profits.
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