Par Louise Margolin
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Alors que l’envolée du prix de l’or nourrit le boom du secteur minier en Côte d’Ivoire et en Guinée, les deux pays redoublent d’ambitions pour s’imposer comme un haut lieu de la production face aux difficultés des acteurs historiques que sont le Mali et le Burkina Faso.
Qui de la Guinée ou de la Côte d’Ivoire sera le nouveau haut lieu de la production d’or en Afrique de l’Ouest? C’est la question que pose la flambée des cours du métal précieux, atteignant ces derniers temps des records historiques. Les deux pays, aux législations minières incitatives, ne sont pas novices en la matière.
Leurs premières mines d’or de taille industrielle ayant ouvert dans les années 1990. Mais, la hausse récente des cours – qui ont doublé en deux ans, dépassant aujourd’hui les 4 000 dollars l’once – aiguise l’appétit des investisseurs autant qu’elle pousse les États à organiser l’essor du secteur.
L’or, plus que jamais valeur refuge
Un mouvement parti pour durer: alors que la banque Goldman Sachs prévoit un cours à 4 900 dollars fin 2026 et que certains analystes tablent sur une valeur encore supérieure d’ici à la fin de la décennie, les compagnies minières cherchent des opportunités d’investissement dans un métal qui s’impose plus que jamais comme une valeur refuge. Dans ce cadre, l’Afrique de l’Ouest est une cible majeure, avec son sous-sol riche, un coût de la main-d’œuvre compétitif et un délai de développement des projets miniers parmi les plus courts au monde – huit ans à dix ans en moyenne.
Résultat, à Abidjan comme à Conakry, l’industrie est en plein boom quand les producteurs historiques de la région, Mali et Burkina Faso, respectivement deuxième et troisième producteurs africains, sont en difficulté.
Dans ces deux pays, les juntes au pouvoir ont adopté de nouveaux codes miniers plus avantageux pour l’État avec des mesures considérées comme brutales par le secteur privé. Cette stratégie, qui se double d’une insécurité grandissante, a un effet repoussoir. Dans le même temps, le Ghana, dont l’or est exploité depuis le début du XXe siècle et qui a renforcé les règles de contenu local, ne suscite plus forcément un engouement majeur. Ce dernier reste cependant le premier producteur d’or en Afrique, mais le sixième au niveau mondial, la Chine dominant toujours le classement international.
Abidjan devant en termes de production
Dans ce contexte, la compétition est croissante entre la Guinée et la Côte d’Ivoire pour s’imposer comme le producteur montant de la région, certes derrière le Ghana, le Mali et le Burkina Faso actuellement mais capables, à terme, de se hisser sur le podium africain. D’autant plus que le Mali a vu sa production chuter récemment, avec la suspension de janvier à octobre de la mine de Loulo-Gounkoto, opérée par Barrick Mining jusqu’à son placement sous administration provisoire en juin.
Désormais, la Guinée compte cinq mines d’or en exploitation, qui ont produit 18,8 tonnes d’or en 2024. La Côte d’Ivoire dispose, elle, de neuf complexes actifs, pour 58,4 tonnes produites l’an dernier. Certes, ces résultats sont encore loin des 82,2 tonnes imputées à la production industrielle au Ghana cette même année, mais l’accélération en cours, côté ivoirien comme côté guinéen, pourrait mener à une hausse significative de leur performance à moyen terme.
En Guinée, la dynamique s’appuie sur l’intérêt renouvelé d’acteurs majeurs. En octobre, le Canadien Fortuna Mining et l’Australien Perseus Mining se sont implantés dans le marché du pays. En début d’année, le géant chinois Zijin Mining et la riche famille Lundin ont investi dans l’australien Predictive Discovery, développeur du projet de Bankan, plus grande découverte d’or récente en Guinée, avec 2,95 millions d’onces de réserves. Un gisement qui démontre le potentiel géologique du pays. Le numéro deux de l’or mondial, Barrick Mining, en difficulté au Mali, avait pour sa part dépêché des représentants dans le pays l’an dernier pour évaluer les opportunités.
Énorme potentiel mais dynamiques différentes
Cette compétition pousse à l’investissement. « Pour nous implanter en Guinée, nous avons constitué une alliance avec DeSoto Resources. Cela nous permet de nous lancer rapidement, car cette société a déjà des équipes sur place. Il faut agir vite, beaucoup de gens s’intéressent au pays », explique Jorge Ganoza, PDG de Fortuna Mining, société qui a cédé ses actifs burkinabè en mai.
En Côte d’Ivoire, ce ne sont pas les arrivées mais les découvertes de gisements d’envergure qui se succèdent. L’an dernier, le Canadien Montage Gold dévoilait 4,01 millions d’onces sur le projet de Koné, suivi quelques mois plus tard par Endeavour Mining, qui en annonçait 4,1 millions à Assafou. Ce dernier estime que son projet a le potentiel de devenir un « Tier 1 », type de gisement de plus de 5 millions d’onces très prisé des majors. Après avoir fait face à des tensions au Mali, l’Australien Resolute Mining a acquis, en mai, le projet de Doropo, contenant 1,9 million d’onces.
Ces découvertes suscitent l’enthousiasme, d’autant plus que la Côte d’Ivoire reste peu explorée. Le potentiel est immense selon Désiré Aboukan, président de la junior Koulou Gold. « On estime que 35 % du birimien ouest-africain [type de formation géologique dans lequel on trouve l’essentiel de l’or en Afrique de l’Ouest, N.D.L.R.] est situé en Côte d’Ivoire – contre 15 % au Ghana –, soit 90 % du territoire du pays », explique-t-il.
Des économies en pleine transformation
Sur le plan de l’environnement des affaires, les deux pays redoublent d’efforts pour consolider leur attractivité. Un volet sur lequel Abidjan marque un point face à Conakry. En Côte d’Ivoire, locomotive francophone ouest-africaine, les investisseurs peuvent compter notamment sur de bonnes infrastructures énergétiques et de transport. Cette base se double de mesures de soutien du gouvernement au secteur extractif afin d’alimenter la croissance du pays mais aussi de consolider la diversification de son économie. Exemple: une cartographie visant à préciser le potentiel minier du pays est à l’étude.
Dans le même temps, la Guinée change, elle, de statut. En septembre, le pays est devenu la deuxième économie de la région, derrière la Côte d’Ivoire, avec un PIB de 37 milliards d’euros. Ainsi, le Fonds monétaire international (FMI) table sur une croissance de 10 % en 2026, portée par la mise en production du projet de fer de Simandou et les revenus générés par son exploitation. « Sur le moyen à long terme, il ne devrait pas y avoir de contrainte budgétaire, donc pas de nécessité de faire pression sur les opérateurs miniers pour soutenir les finances de l’État », souligne Christian Mion, associé chez EY, ce qui constitue une perspective attractive pour les investisseurs. « Le gouvernement s’est également attaqué au nettoyage de son cadastre minier, ce qui offre des périmètres attractifs », reprend l’analyste.
Des zones d’ombre persistent
Pour autant, tout n’est pas gagné pour les challengers de l’or ouest-africain. L’opération de nettoyage, qui s’est notamment soldée par le retrait d’une centaine de permis en mai par les autorités de Conakry, a généré une certaine fébrilité. « Ces annulations, du jour au lendemain, sans notification individuelle officielle préalable, dénotent d’un manque de transparence, et prouvent que personne n’est à l’abri. C’est un message inquiétant envoyé aux investisseurs, locaux et étrangers », estime l’avocat Baptiste Rigaudeau, associé du cabinet Lead up Avocats.
La Côte d’Ivoire n’échappe pas, non plus, aux tensions. La révision du code minier, en cours depuis plus de deux ans, est également source d’incertitude. Certains craignent des règles trop strictes de contenu local, notamment en termes de sous-traitance, alors que les miniers se plaignent déjà, de longue date, des lenteurs de l’administration dans l’attribution des permis. Autrement dit, la Guinée et la Côte d’Ivoire ont une fenêtre d’opportunité historique. Reste encore à savoir qui saura la saisir durablement.
Source: JeuneAfrique
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