Éternels déguerpissements des commerçants à Adjamé: Une opération qui suscite enthousiasme et colère (REPORTAGE)

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Éternels déguerpissements des commerçants à Adjamé: Une opération qui suscite enthousiasme et colère (REPORTAGE)
Éternels déguerpissements des commerçants à Adjamé: Une opération qui suscite enthousiasme et colère (REPORTAGE)

Africa-PressCôte d’Ivoire. Epiphanie GBOLIE

Quelques fruits et légumes jonchent le sol, des tables et tabourets détruits, des briques cassées, un mécontentement et des pleures se font entendre. Quelques heures plutôt des agents de la police municipale de la commune d’Adjamé, nord d’Abidjan, ont procédé à un déguerpissement des commerçants installés sur un mur jouxtant le marché.

« Il fait chaud, sous ce soleil brûlant et le jeûne que nous devons observer c’est vraiment pas facile. Nos marchandises sont ailleurs et nous ici c’est une situation compliquée », déclare une commerçante, assise sur un sac contenant des vêtements pour bébé. Selon elle, c’est une partie de ses affaires.

A peine qu’elle ait terminé sa phrase, plusieurs agents de la police municipale font leur entrée, histoire de « terminer ce qu’ils avaient commencé hier ».

Selon Mohamed Traoré, collaborateur extérieur du maire, il s’agissait d’un mur qui était fait dans le but de séparer le marché forum du quartier mairie 1, mais qui a été transformé en « magasin », où les vendeuses venaient « squatter ».

Ces commerçants sont « très bornés, donc il faut revenir sur place constater que tout est comme il faut et rattraper ce qui nous a échappé », affirme l’un d’entre eux, marteaux à la main.

Ce que vous voyez là, en pointant du doigt l’outil en question, nous aide à « bien tout démolir », explique l’un d’entre eux.

Deux trois coups suffisent à tout casser, tables, légumes, bancs, tout y passe.

À quelques mètres, un agent ne se donne aucun mal à détruire une table sans état d’âme, malgré les supplications des commerçantes.

« Sabari », implore une dame âgée d’environ 40 ans, ce qui signifie « pardon », en langue malinké.

Rien ne semble arrêter cet homme, et c’est comme si le mot d’ordre a été lancé.

C’est la débandade. Chaque femme court, et s’attelle à tout ranger avant que le pire n’arrive, mais ce n’est pas cela qui va empêcher les agents de faire leur travail.

Après leur passage, un groupe de sept femmes environ ont déploré leur nouvelle condition de vente.

« Depuis longtemps, nos mamans ont toujours vendu sur cette place, maintenant qu’ils ont tout cassé, on ne sait plus où rester », marmonne l’une d’entre elles.

Korotoumou Traoré, vendeuse de légumes affirme « nous sommes en carême, mais on doit courir partout et rester sous le soleil pour essayer de vendre afin d’avoir de quoi à manger », complètement déboussolée.

« Nous quittons loin pour la plupart et sommes sans mari, c’est donc à nous de tout gérer à la maison », a-t-elle ajouté.

Digbeu Séri, vendeur ambulant estime que la mairie n’a pas « le droit » de tout casser », car tous les vendeurs « paient les taxes ».

Même son de cloche pour son voisin. Vêtu d’un tee-shirt et d’un jean, avec un carton à la main contenant des insecticides, Abou Coulibaly exprime son ras-le-bol.

« Cette histoire de déguerpissement est devenu un scénario. Ils nous enlèvent, nous demandent de l’argent pour nous installer ailleurs, et quelques années après ils viennent encore nous chasser de l’endroit qu’ils avaient eux-mêmes choisi », s’indigne-t-il.

Cette situation désastreuse reste cependant bénéfique pour certains marchands.

Propriétaire d’un magasin de produits cosmétiques, Habib est favorable à ce déguerpissement.

« Ça m’arrange parce que le magasin est plus visible. C’est vrai qu’ils perdent mais il faut que quelqu’un perde pour que d’autres gagnent », a-t-il lancé l’air pressé d’aller s’occuper de ses clients constitués majoritairement des femmes.

Même registre pour ce marchand de bijoux, qui a gardé l’anonymat.

« En toute sincérité je suis content » dit-il le sourire aux lèvres. « Ces dames », poursuit-il « nous encombraient, et bloquaient le passage. À cause d’elles, les camions ne pouvaient pas entrer afin de nous livrer nos marchandises. »

 

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