Sherif Tarek
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Pour Ahmed Bennis, directeur général de Tanger Med Zones, les bonnes pratiques qui ont fait le succès des zones économiques spéciales de Tanger peuvent être adaptées à l’échelle panafricaine.
D’aucuns pensent que la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) pourrait prendre une décennie ou plus, compte tenu des nombreux obstacles, notamment le manque de gouvernance et d’infrastructures, la bureaucratie et les troubles politiques récurrents. Mais la solution pourrait résider dans l’équation entre Zones économiques spéciales (ZES) et Zone de libre-échange continentale africaine.
Ahmed Bennis, le directeur général de Tanger Med Zones (TMZ) y croit, lui qui estime que le nouvel accord de libre-échange africain pourrait catalyser l’industrialisation dans les zones économiques spéciales si les infrastructures et le modèle d’entreprise y sont adaptés.
Tanger Med, le complexe portuaire industriel le plus grand et le plus développé d’Afrique, joue depuis des années le rôle de « locomotive » pour le développement des zones économiques spéciales (ZES) africaines, dont l’objectif est d’offrir des conditions et des incitations plus favorables aux investisseurs telles que des exonérations fiscales.
Celui qui est également secrétaire général de l’Organisation africaine des zones économiques (AEZO) s’attend à ce que la Zlecaf soit mis en œuvre « très rapidement ». « Cela va changer la donne pour les économies africaines », a-t-il expliqué en marge de la réunion annuelle de l’AEZO qui s’est tenue le 30 novembre. « Tanger Med joue un rôle clé dans le soutien au développement des ZES sur le continent. Nous avons été à l’origine de la création de l’AEZO et nous sommes toujours bien impliqués dans le soutien de différentes initiatives avec nos frères et sœurs africains. »
Répondre aux besoins nationaux
Fondée en 2015, l’AEZO compte des membres de plus de 40 nations africaines et est soutenue par l’Union africaine, la Banque africaine de développement, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI), entre autres.
Dans une note d’information, l’organisation estime que la mise en œuvre de la Zlecaf permettrait aux plus de 200 ZES opérationnelles en Afrique, dont la valeur globale s’élève à près de 5 milliards de dollars, de répondre aux besoins nationaux du continent et pas seulement à ceux du marché mondial de l’exportation. « La plupart des zones économiques spéciales africaines sont historiquement orientées vers l’exportation. Les acteurs des secteurs d’activité qui envisageaient d’exporter vers des marchés à proximité directe ont réussi », explique Ahmed Bennis, citant les ZES du Maroc, d’Égypte et de Tunisie – qui visent principalement l’Europe – ainsi que les zones économiques d’Afrique de l’Ouest.
« Aujourd’hui, il y a un intérêt à s’impliquer de plus en plus dans l’intégration régionale africaine et à attirer non seulement les investisseurs qui envisagent d’exporter vers l’Union européenne, les États-Unis ou le Moyen-Orient, mais aussi les entreprises qui souhaitent s’attaquer au marché africain », ajoute-t-il. C’est notre feuille de route (celle de Tanger Med) pour les cinq prochaines années. »
Selon lui, la Zlecaf pourrait stimuler davantage les secteurs manufacturiers sur lesquels les ZES africaines se sont concentrées comme l’automobile, l’électronique et le textile. L’agro-industrie, d’après lui, pourrait être considérablement revitalisée par l’accord de libre-échange, l’Afrique souffrant de manière alarmante de l’insécurité alimentaire.
Problème de l’infrastructure
Le manque permanent d’infrastructures constitue l’un des principaux défis à relever pour que les ZES africaines puissent s’engager efficacement sur le continent. « Nous devons renforcer les liens entre les ZES et les marchés locaux. Une infrastructure de qualité est l’un des principaux éléments fondamentaux pour élaborer une proposition globale. L’AEZO déploie un plan d’action très complet comprenant plusieurs enquêtes, ateliers et initiatives de renforcement des capacités pour traiter différentes questions, notamment la mise en place d’infrastructures. Certains pays luttent aujourd’hui pour développer l’infrastructure adéquate », explique Ahmed Bennis.
Le « principal défi » de l’AEZO au cours des cinq dernières années a été de développer le bon modèle d’entreprise pour les ZES africaines, ce qui pourrait atténuer les contraintes financières. « Certains pays ont décidé d’importer des références d’Asie, d’Europe et des États-Unis, même si elles ne sont pas adaptées au contexte africain », explique Ahmed Bennis.
Le cadre juridique, les principes fondamentaux de la bonne gouvernance, l’administration des douanes et les autorités locales en vigueur dans les ZES doivent être adaptés, et non reproduits. « Nous avons pu le faire dans plusieurs pays, dont le Niger, où l’AEZO a aidé le gouvernement à concevoir l’ensemble du concept de ZES », explique Bennis. Selon les statistiques de l’AEZO, la plupart des projets de ZES développés au cours de la dernière décennie en Afrique l’ont été dans le cadre de partenariats public-privé. « La participation du secteur privé renforce la confiance des institutions financières dans ce type de projet », selon le directeur de TangerMed.
La locomotive TMZ
« La Banque africaine de développement, Afreximbank et bien d’autres sont désireuses de soutenir le développement d’infrastructures de qualité. Mais tout dépend du modèle commercial », explique Bennis qui indique que des investisseurs des États-Unis, d’Europe et du Japon souhaitent investir davantage dans TMZ. Il ajoute qu’un changement en cours dans le secteur technologique rend « très difficile » l’évaluation de la valeur des investissements potentiels. « Nous passons d’activités à forte intensité de main-d’œuvre à des activités à plus forte intensité technologique. Le profil des nouveaux investisseurs est donc différent et le volume d’investissement le sera également », ajoute-t-il.
Les exportations des zones économiques spéciales (ZES) de Tanger Med sont évaluées à près de 14 milliards de dollars par an. Cela représente près d’un quart des exportations totales du Maroc, dont 56 % ont été expédiées vers les pays de l’UE l’année dernière.
Tanger Med, dont les ZES s’étendent sur 5 000 hectares, accueille environ 1 200 entreprises multinationales de différents secteurs, l’automobile représentant 65 % de l’investissement total.
Le Maroc a fortement investi dans le secteur automobile au cours des dernières années, Tanger Med s’enorgueillissant d’une usine Renault-Nissan d’une capacité de production annuelle de 400 000 voitures. Le déficit commercial du pays nord-africain a diminué de 6,1 % en glissement annuel au cours des 10 premiers mois de 2023, selon les données officielles, l’automobile enregistrant la plus forte augmentation des exportations (30,5 %).
« Je pense que dans les cinq prochaines années, nous aurons davantage d’investissements dans le secteur technologique. Les zones économiques spéciales du monde entier se tournent progressivement vers la technologie et l’IA, et l’Afrique n’échappera pas à la tendance », prévoit Ahmed Bennis.
Source: JeuneAfrique
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