Julian Pecquet (à Washington)
Africa-Press – Côte d’Ivoire. Les nouvelles taxes annoncées par Donald Trump contre Pretoria et Tunis au lendemain du sommet des Brics de Rio surviennent dans un climat de tensions croissantes autour de l’Agoa et des relations Sud-Sud. Une escalade protectionniste lourde d’incertitudes pour les industries africaines tournées vers l’export.
Entre sanctions douanières et chaînes d’approvisionnement fracturées, la guerre économique entre les États-Unis et la Chine a des répercussions directes sur les marchés africains. Du Nigeria au Maroc, comment les gouvernements et les entreprises s’adaptent-ils à un nouvel ordre commercial mondial?
L’un des premiers à avoir reçu la mise en demeure de la Maison-Blanche s’appelle Cyril Ramaphosa. Le 7 juillet, le président sud-africain a été averti que les États-Unis commenceraient à imposer des droits de douane de 30 % au pays le plus industrialisé d’Afrique, dès le 1er août. Début avril, Donald Trump avait annoncé une hausse générale des droits de douane. Le président américain annonçait un minimum de 10 %, mais certains pays devaient être taxés beaucoup plus durement et notamment l’Afrique du Sud. Un sursis de trois mois avait ensuite été décrété.
Le président sud-africain a immédiatement réagi sur X en postant à son tour une lettre à l’adresse de Donald Trump: « L’Afrique du Sud maintient que le tarif de 30 % n’est pas une représentation exacte des données commerciales disponibles », écrit Cyril Ramaphosa.
Coup dur pour l’économie sud-africaine
Comme pour les autres pays dans sa ligne de mire, Trump accuse les « barrières commerciales » de l’Afrique du Sud de créer un déficit commercial « à long terme et très persistant ». Le président américain considère qu’il s’agit d’une « menace majeure » pour l’économie et la sécurité nationale des États-Unis. Selon le Bureau du représentant américain au commerce (USTR), Washington a enregistré un déficit commercial de 8,8 milliards de dollars avec l’Afrique du Sud en 2024, en augmentation de 29 % par rapport à 2023.
La lettre de Donald Trump est un coup dur pour le gouvernement sud-africain et son secteur privé. Les négociations sur un accord commercial entre les deux pays sont toujours en cours mais sont loin d’aboutir, comme semble le suggérer la missive du président américain. Pretoria est le seul pays d’Afrique subsaharienne à avoir reçu cette mise en demeure de Donald Trump. Mais le président américain vise également la Tunisie. Publiée sur le réseau social de Donald Trump, Truth Social, la lettre adressée au président tunisien Kaïs Saïed le met en garde contre des droits de douane de 25 %.
Agoa: stop ou encore?
Bien que cela n’ait pas été précisé par le président américain, les lettres adressées aux deux présidents marqueraient la fin de la Loi sur la croissance et les possibilités économiques en Afrique (Agoa), qui doit expirer fin septembre. L’Afrique du Sud en est le principal bénéficiaire. Le pays dispose d’une exonération des droits de douane pour plus de 6 000 produits, notamment dans les secteurs de l’automobile, de l’agriculture et du textile. Ce tarif douanier de 30 % pourrait réduire la croissance du PIB d’environ 0,3 point, ce qui affaiblirait encore davantage une économie qui n’a progressé que de 0,6 % l’année dernière.
Néanmoins, des experts commerciaux à Washington affirment que d’autres pays d’Afrique subsaharienne pourraient obtenir un délai supplémentaire, jusqu’au 1er septembre, pour trouver un accord dans le cadre de l’Agoa.
« C’est la même histoire qui circule depuis environ un mois, à savoir que l’administration a entamé des délibérations interagences pour tenter d’élaborer une politique pour l’Afrique, non seulement sur les droits de douane, mais aussi sur l’Agoa et sur la manière dont les deux s’articulent, explique Paul Ryberg, président de la Coalition africaine pour le commerce à Washington. Il y a eu des indications sur une éventuelle extension pour la poursuite des négociations, mais rien au niveau des décideurs politiques. »
Le Bureau du représentant américain au commerce a travaillé avec quatre pays en particulier – le Kenya, le Lesotho, Madagascar et Maurice – pour élaborer un accord qui pourrait sauver certains avantages de l’Agoa. Les quatre pays dits « textiles » comptent parmi les plus grands exportateurs de produits – hors pétrole – sur le marché américain.
Les Brics visés par Donald Trump
L’acharnement du président américain à l’encontre de l’Afrique du Sud pourrait également s’expliquer par son appartenance au groupe des Brics, qui organisait son sommet annuel à Rio, les 6 et 7 juillet. « Tout pays qui s’aligne sur les politiques anti-américaines des Brics se verra imposer des droits de douane supplémentaires de 10 %, a écrit Donald Trump, le 6 juillet, sur le site Truth Social. Et il n’y aura aucune exception à cette politique. »
Depuis Rio, Cyril Ramaphosa a déclaré aux journalistes qu’il était « vraiment décevant » d’entendre le président américain menacer le bloc. « Il faut mieux apprécier l’émergence de différents centres de pouvoir dans le monde, estime-t-il. Il ne devrait jamais y avoir de vengeance, il ne devrait jamais y avoir de représailles contre des pays qui cherchent à coopérer et à faire avancer les intérêts de l’humanité. »
Source: JeuneAfrique
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