A la veille de la présidentielle 2025, retour en grâce des « insoumis » et autres « frondeurs » du RHDP et du PDCI

4
A la veille de la présidentielle 2025, retour en grâce des « insoumis » et autres « frondeurs » du RHDP et du PDCI
A la veille de la présidentielle 2025, retour en grâce des « insoumis » et autres « frondeurs » du RHDP et du PDCI

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Le compte à rebours est enclenché en République de Côte d’Ivoire. A neuf mois de la présidentielle du 25 octobre 2025, les grandes manœuvres viennent de démarrer. Alassane D. Ouattara, élu à la présidence en 2010, 2015 et 2020, est tenté de rempiler en 2025. Il est en « pleine santé » et « désireux de continuer à servir [son] pays ». Ce n’est pas, laisse-t-il entendre, une question de fascination pour le pouvoir ou d’ego ; il s’agit de ne pas décevoir les militants du RHDP.

« J’ai bien fait, en 2020, d’accepter la proposition de mon parti » dit-il. Expérience positive qui justifierait un remake en 2025 ? Proclamé « candidat naturel » du RHDP, il s’y prépare. En rassemblant autour de lui, à portée de main, ceux qui ont eu par le passé des états d’âme et les ont exprimés. Dans le camp de l’opposition, au PDCI, même volonté de rassembler. Là aussi, les « insoumis » et autres « frondeurs » sont appelés (et motivés) à jouer collectif. Enfin, « collectivement » en faveur de leur leader: Tidjane Thiam !

On ne l’attendait pas si tôt de retour dans les coulisses du pouvoir. Le jeudi 12 décembre 2024, Marcel Amon-Tanoh a été nommé par Alassane D. Ouattara, le président de la République, conseiller spécial du chef de l’État ; conseiller spécial non pas à la présidence mais au sein du parti afin de « préparer la présidentielle de 2025 ».

Reprise en main du parti présidentiel

Ce qui ne peut que préoccuper le président du directoire du parti présidentiel, Gilbert Koné Kafana, nommé à ce poste en 2022 ; poste alors vacant depuis la mort en 2020 de Amadou Gon Coulibaly, Premier ministre et le candidat de Alassane D. Ouattara à la présidentielle de cette année là. Déjà, en septembre 2024, Ouattara avait annoncé une reprise en main du parti, laissant entendre que Koné Kafana pouvait n’avoir pas tenu toutes ses promesses depuis qu’il avait été promu, voici un an (23 septembre 2023), haut-représentant du chef de l’État avec rang de président d’institution.

Pourtant, Koné Kafana a été l’homme, au sein du RDR puis du RHDP, de l’organisation et de la structuration avec un parcours militant qui ne manque pas d’images fortes (d’aucuns tenteront d’en faire le « Mandela ivoirien »). Plus soucieux, peut-être, de savoir-faire que de faire savoir, il n’accrochera pas la lumière et… les médias. Dès sa nomination en 2022 il avait affirmé que Ouattara était le meilleur candidat pour la présidentielle 2025 se refusant, par ailleurs, à considérer le vice-président (deuxième personnage de l’État mais fonction occcupée de 2017 à 2020, mais vacante jusqu’à la nomination, en 2022, de Tiémoko Meyliet Koné) comme autre chose qu’un « collaborateur » du président de la République.

Le président du RHDP sous tutelle… présidentielle

Voilà donc Gilbert Koné Kafana flanqué d’un conseiller spécial ayant l’onction présidentielle: Marcel Amon-Tanoh. Un autre proche de Alassane D. Ouattara mais au tempérament frondeur. Homme-clé du RDR, ministre (2002-2010) sous la présidence de Laurent Gbagbo, directeur de cabinet de Ouattara après l’accession de celui-ci à la présidence de la République, il sera nommé ministre des Affaires étrangères en 2017.

Il démissionnera trois ans plus tard, en 2020. Pas d’accord sur le nom du candidat de son parti (Amadou Gon Coulibaly) à la présidentielle de cette année-là ; pas d’accord non plus pour un « troisième-premier » mandat de Ouattara. Il dénoncera les « calculs préélectoraux » et une « politique qui prend en otage tout un peuple ». Dans la foulée, il se portera candidat à la présidentielle avec un « programme réaliste et pragmatique ». Candidature rejetée pour « insuffisances de parrainages ».

Le « frondeur » deviendra un « insoumis ». Il fustigera Ouattara « qui pense qu’en dehors de lui personne d’autre ne peut diriger la Côte d’Ivoire ». « J’ai cru déceler chez lui des valeurs, dira-t-il. Il avait l’air d’être démocrate, attaché aux libertés, préoccupé par l’avenir de notre pays, d’avoir une vision, d’être soucieux de justice… Petit à petit, je me suis aperçu qu’on s’écartait de ces valeurs […] Pendant peut-être trop longtemps, j’ai accordé le bénéfice du doute ».

Amon-Tanoh va basculer dans l’opposition mais ne soutiendra pas le très foireux Conseil national de transition (CNT) institué par Henri Konan Bédié. Ouattara, lui, « promettra de s’occuper » de son ami de trente ans, son « coach » en politique. Guillaume Soro, rebelle adepte des alliances à géométrie variable dès lors qu’elles lui profitent, rappellera ce qu’avait été sa proximité avec Amon-Tanoh quand Ouattara avait été « complétement exclu du jeu politique ivoirien » alors que « le débat sur sa nationalité faisait rage ». Coup bas !

Mais Amon-Tanoh n’avait pas abandonné Ouattara pour faire allégeance à Bédié ou s’acoquiner avec Soro. Il est le fils de celui qui a été considéré comme le « père de l’école ivoirienne » (Lambert Amon-Tanoh) tandis que sa mère était la sœur de Phiippe Yacé, très aristocratique chef spirituel des Alladian qui s’est illlustré au sein du RDA et du PDCI. Enfin, sa première épouse est la petite-fille du roi des Baoulé, Kouakou Anougblé II, fille naturelle (mais légitimée) de Félix Houphouët-Boigny. Il s’est remarié, par la suite avec une descendante de la famille Fadiga, d’Odienné, toute puissante dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire.

Quand on sait ce qu’il sait, que l’on a vécu ce qu’il a vécu et que l’on connaît tous ceux qui comptent, on ne reste pas longtemps sur la touche. En 2022, après deux ans en « marge », il sera nommé à la tête du Conseil de l’Entente. Mais victime d’une bronca menée par les cadres de l’institution, il en sera débarqué en 2023. Fin 2024, il revient donc sur la scène politique mais, comme toujours, loin des projecteurs. Jusqu’à quand ?

Le parti est l’endroit où se trouvent les partisans

Il ne faut pas perdre de vue, concernant Alassane D. Ouattara, que sa connaissance (et plus encore sa pratique) de l’univers politique était nulle quand il a été nommé premier ministre par Félix Houphouët Boigny. Certes, il savait ce que sont l’État et ses principales institutions mais méconnaissait le fonctionnement des partis politiques ! Dans les premiers temps, il était le « technocrate » maîtrisant les arcanes financières de la macro-économie ; Houphouët gérait, avec son habituel pragmatisme et son savoir-faire incomparable, le « politique ». Houphouët malade puis mort, Ouattara ne sera pas loin de perdre pied. Face au PDCI de Henri Konan Bédié et au FPI de Laurent Gbagbo, le RDR de Djeny Kobina, jusqu’à la mort de ce dernier en 1998, était un encombrant partenaire pour Ouattara ; un partenaire dont il ne savait que faire: sa prestation lors de son accession à sa présidence, en août 1999, en témoigne. Il avait alors 57 ans et découvrait un univers particulièrement déconcertant. Et si son épouse, Dominique, subodorait que les partis étaient une instance avec laquelle un homme politique, fut-il ancien cadre dirigeant du FMI, devait compter, elle n’en maîtrisait pas plus le mode de fonctionnement.

Ouattara a eu besoin d’accompagnateurs, d’initiateurs, de coachs, Marcel Amon-Tanoh a été de ces hommes aguerris qui savent que le « parti » est l’endroit où se trouvent les « partisans » et qu’il faut prendre en compte leurs attentes, leurs exigences, leur susceptibilité, etc. Le parti est un cadre contraignant au sein duquel se développe le meilleur et le pire de « l’homme politique » (Emmanuel Macron, qui a voulu faire sans, s’en mord les doigts !).

Ayant raté la dernière marche en 2023, Patrick Achi veut reprendre pied

Il y a Marcel Amon-Tanoh ; il y a aussi Patrick Achi. Le 7 janvier 2025, Ouattara l’a nommé ministre d’État, conseiller spécial à la présidence de la République. Or Achi est aussi de ces « insoumis » et autres « frondeurs » qui se sont illustrés sur le devant de la scène politique avant d’en être écartés. Parcours remarquable en Côte d’Ivoire pour ce fils d’une française: conseiller du ministre des Finances sous la présidence de Henri Konan Bédié ; ministre tout au long de la présidence de Laurent Gbagbo ; ministre au temps de Ouattara qui le fera sortir de l’ombre en 2017 en le nommant ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République, puis Premier ministre par intérim en 2021 avant d’être confirmé dans la fonction dont il sera dégagé en 2023. Ajoutons à cela que, militant du PDCI, il n’avait jamais rompu les relations avec le FPI de Laurent Gbagbo et qu’il a été secrétaire général du PDCI-Renaissance (une tendance pro-RHDP de Ouattara au sein du PDCI de Bédié) avant de rejoindre, enfin, le RHDP. Il ne faut jamais être loin du feu si on veut entendre mijoter la marmite… !

Alors que le RHDP était une structure informelle regroupant essentiellement le PDCI et le RDR, Achi contribuera à en faire une structure militante et structurée. Il réalisera une synthèse entre le RDR qui voulait imposer le RHDP comme structure unique et ceux qui, au sein du PDCI, étaient prêts à mettre leur drapeau dans leur poche. Au final, Achi voulait le RHDP et rien d’autre que le RHDP, rassemblement « de la famille des houphouëtistes ». Consensualiste revendiqué jusqu’aux élections régionales d’octobre 2018, il va choisir, par la suite, de n’être que RHDP et, bien plus, « ouattariste ». « La providence m’a donné l’occasion d’apprécier l’homme. J’ai ainsi appris à comprendre, à admirer et à répondre à votre exigence intellectuelle, votre attachement à la loyauté humaine, à la constance des engagements et à la cohérence du raisonnement ».

Ce jour-là (3 août 2019), à Adzopé, la ville dont son épouse, Florence Aste est la maire, en présence de Ouattara, il avait salué sa décision de « mettre l’individu après le collectif et faire passer l’intérêt collectif avant l’intérêt individuel et c’est ça qui sous-tend la décision de ne pas être candidat pour un troisième mandat et de passer à la génération suivante ». Achi ne doutait pas alors de la victoire de Amadou Gon Coulibaly (la « génération suivante ») à la présidentielle d’octobre 2020.

Victoire qui lui aurait permis, pensait-il, d’obtenir le poste de Premier ministre et de se préparer pour la suite. Il l’obtiendra dès lors que Gon Coulibaly puis Ahmed Bakayoko mourront brutalement et que, finalement, Ouattara sera élu pour un « troisième-premier » mandat. Intérimaire tout d’abord (10 mars 2021) ; titulaire ensuite (26 mars 2021) chargé de la formation du premier gouvernement du nouveau mandat de Ouattara. Qui, finalement, avait choisi d’être candidat à un « troisième-premier » » mandat. La « génération suivante » attendra… !

On pouvait penser que Achi avait alors une longue route ouverte devant lui. Erreur. Alors qu’il avait été reconduit à la primature le 19 avril 2022, il en sera limogé dix-huit mois plus tard, le 6 octobre 2023. Robert Beugré Mambé prendra sa suite.

Dépité, son élan brisé, Achi choisira alors de quitter la Côte d’Ivoire et de rejoindre la côte est des Etats-Unis. Entre Harvard à Boston, le FMI et la Banque mondiale à Washington, il va se construire une image africaine qui ne soit pas exclusivement ivoirienne. Et, pensait-il sans doute, ne doive rien à Ouattara considérant que son passé valait caution pour son avenir et que son ancrage régional (La Mé, dans le sud-est de la Côte d’Ivoire, qu’il a fait basculer dans le camp présidentiel) méritait une consécration nationale.

Achi n’est pas un « insoumis » par conviction idéologique ; c’est un pragmatique et, du même coup, un « frondeur » malgré lui. Opposé au « troisième-premier » mandat de Ouattara quand celui-ci n’était pas d’actualité, Gon Coulibay étant encore vivant, il s’en accommodera quand cela deviendra une décision présidentielle. Mais convaincu d’être incontournable et ayant mal vécu son éviction de la primature, son accommodation n’ira pas jusqu’à la collaboration avec la nouvelle équipe gouvernementale et présidentielle. Il a d’autres ambitions. Il a été ministre (de 2000 à 2010 et de 2011 à 2017), ministre d’État, secrétaire général de la présidence de la République de Côte d’Ivoire (2017-2021), Premier ministre (2021-2023), il n’est pas du nord mais du sud et de treize ans plus jeune que Ouattara, il peut légitimement penser être présidentiable.

Des hommes libres prêts à devenir des hommes liges

Il n’est pas le seul à penser ainsi. Ceux qui veulent devenir calife à la place du calife sont nombreux: Alassane D. Ouattara occupe la fonction depuis quinze ans, les frustrés ne manquent pas de piaffer d’impatience. Ouattara le sait. Il sait aussi que les électrons libres peuvent négocier leur liberté ailleurs ; ou jouer solo. Les hommes libres doivent devenir des hommes liges. Ministre d’État, conseiller spécial à la présidence de la République cela ressemble bien plus à un « bracelet électronique » qu’à une promotion. Plus encore quand il y a plusieurs crocodiles dans le même marigot. Sauf à penser que… !

Le rassemblement autour du chef de l’État est une nécessité pour le camp présidentiel dans la perspective de l’élection du 25 octobre 2025. Ouattara étant celui qu’il est, l’union ne se fera pas avec des partis mais avec des personnalités qui ont une « clientèle » électorale et/ou médiatique. Mais également une mémoire. Philippe Serey-Eiffel est de ceux-là. Ce français de près de 72 ans, diplômé de l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées (après avoir été admissible à l’Ecole Polytechnique) a été recruté en 1979 par Antoine Césaréo, le tout puissant patron de la DCGTx dont il prendra la suite en 1990.

En 1994, il sera remplacé par… Tidjane Thiam. Il se consacrera alors a ses affaires immobilières dans le Bordelais et à la gestion de ses vignobles à Vayres (Les Graves de Château Bel-Air). Sans perdre le contact avec Ouattara. Il rejoindra son Institut international pour l’Afrique (IIA) et quand Ouattara sera installé à la présidence de la République, en 2011, il sera nommé conseiller spécial du chef de l’État, chargé des questions économiques. En 2014, il est promu secrétaire général adjoint à la présidence de la Répubique avec rang protocolaire de ministre. Son patron est Amadou Gon Coulibaly, lui aussi un ex-DCGTx. Quand Gon Coulibaly décrochera la primature début 2017, il embarquera Serey-Eiffel avec lui. L’attelage ne durera pas. A la fin de cette même année 2017, Serey-Eiffel est limogé (lui dira avoir pris du recul) et doit se contenter d’un poste de conseiller spécial du chef du gouvernement. Ce sera, à nouveau, la rupture alors que Gon Coulibaly meurt brutalement en 2020 et que Ouattara devient candidat à la présidentielle pour un « troisième-premier » mandat. Par la suite, le financier Tidjane Thiam faisant son entrée sur la scène politique ivoirienne, les rumeurs laisseront penser que Serey-Eiffel pourrait trouver à s’employer à ses côtés. Le voilà aujourd’hui de retour en Côte d’Ivoire pour reprendre du service auprès du président de la République et probable candidat à la présidentielle du 25 octobre 2025.

Des hommes (rien que des hommes d’ailleurs !) ayant des origines et des parcours hétérogènes sont donc appelés à conseiller le chef de l’État pour ce qui est de la gouvernance du pays ou du parti. Ce n’est pas une nouveauté*. En Côte d’Ivoire, depuis le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2010 (le PDCI, conformément à son engagement, a soutenu le candidat du RDR arrivé devant le sien à l’issue du premier tour), choisir son camp c’est choisir une allégeance à un homme. Entre Henri Konan Bédié et Ouattara, au-delà de la façon d’être dans la forme, dans le fond il n’y avait pas fondamentalement de différences. D’où, d’ailleurs, la mise en place du RHDP qui se voulait rassembleur. La mort de Bédié aurait pu changer la donne et accélérer le processus de différenciation dès lors que l’ego de l’un et de l’autre ne s’exprimait plus. Mais l’irruption de Tidjane Thiam sur la scène politique ivoirienne et sa conquête du PDCI ont banalisé le discours macro-économique qu’affectionnent les financiers (les grands équilibres de l’économie avec Abidjan, le Dubaï de l’Afrique de l’Ouest, pour vitrine). En schématisant: Thiam = Ouattara avec vingt ans de moins ! Quant à l’opposition politique, elle se trouve ringardisée, engoncée dans ses souvenirs surrannés et son idéologie d’un autre temps.

Quels conseils donner quand on n’est pas sur la même ligne ?

Ce vaste mouvement de racolage dans la perspective de la présidentielle 2025 n’épargne pas le PDCI. Tidjane Thiam vient de nommer, le 17 janvier 2025, en tant que son conseiller politique, Maurice Kakou Guikahué, 74 ans, docteur d’État en médecine, professeur agrégé de cardiologie, ministre de la Santé sous la présidence de Henri Konan Bédié (1993-1999). C’est lui qui était en fonction quand a éclaté le scandale du détournement de l’aide de l’Union européenne destinée au secteur de la santé: 18 milliards de francs CFA de surfacturation. Kakou Guikahué évoquera « des divergences d’approche avec l’UE ». La chute de Bédié, fin 1999, et les tensions politiques que va connaître la Côte d’Ivoire vont jeter un voile pudique sur cette affaire.

Kakou Guikahué a débuté sa carrière politique au sein du Mouvement des étudiants et élèves de Côte d’Ivoire (Meeci) dès 1975 alors qu’il étudiait la médecine à Abidjan. En 1991, il est admis au bureau politique du PDCI et va en gravir les échelons: délégué départemental à Gagnoa (son fief), secrétaire national, secrétaire général adjoint, secrétaire exécutif (2013-2024). En 2023, Bédié, patron du PDCI, meurt. Kakou Guikahué est candidat à la présidence du PDCI. Mais sa candidature ne sera pas retenue par le parti. Ironie de l’histoire: il lui est reproché d’être sous contrôle judiciaire. Or, c’est à la suite de la formation du Conseil national de transition (CNT), imaginé par Bédié, qu’il avait été arrêté par l’armée en novembre 2020, accusé de « complot contre l’autorité de l’Etat », « mouvement insurrectionnel », « assassinat » et « actes de terrorisme ».

Incarcéré à la Maca, il sera « victime » d’un malaise cardiaque, transféré au CHU d’Abidjan puis évacué vers Paris. Le 18 janvier 2021, il est placé sous contrôle judiciaire ; le 5 décembre 2023, sa candidature à la présidence du PDCI est retoquée ; le 7 décembre 2023, son contrôle judiciaire est levé. Du même coup, à la veille du 8è congrès extraordinaire du parti (22 décembre 2023 alors qu’il était prévu initialement le 16 décembre 2023), il sera accusé d’être manipulé par le pouvoir. Kakou Guikahué verra dans cette campagne de dénigrement dans son propre camp, la volonté de ne pas faire barrage à la candidature de Thiam. Qui, plébiscité, va prendre la suite de Bédié et de Félix Houphouët-Boigny. Trois mois plus tard, en mars 2024, Kakou Guikahué sera remplacé comme numéro 2 du parti par le député-maire de Port-Bouët, Sylvestre Emmou. Le vendredi 17 janvier 2025, voilà Kakou Guikahué nommé conseiller politique de Thiam, patron du PDCI. Quant il était « out », il militait en faveur d’une primaire au sein du parti pour désigner le candidat à la présidentielle 2025 ; le voilà « in »: est-il toujours favorable à cette primaire ?

* Des nominations qui ressemblent à des neutralisations. Et veulent laisser penser qu’il y a un débat politique au sein du RHDP comme du PDCI (dont on a du mal à percevoir qu’il est dans l’opposition). Certains ne manqueront pas de me rétorquer que tout cela est dans l’air du temps ; le temps de Emmanuel Macron en France (qui, à force de vouloir faire sans les partis, fait désormais sans les « macronistes » ; il ne reste que lui et Brigitte, son « conseiller spécial ») et de Donald Trump aux Etats-Unis (le Parti républicain n’est plus, politiquement, qu’un cadre vide au sein duquel s’agitent les « trumpistes »). C’est vrai, mais, pour autant, cela n’en n’est pas plus rassurant: les partis sont désormais des clans et rien d’autre.

* En mai 2024, Jeannot Ahoussou-Kouadio et Albert Toikeusse Mabri ont été nommés, respectivement, ministre d’État, conseiller spécial à la présidence de la République, et ministre conseiller à la présidence de la République.

Ahoussou-Kouadio, proche parmi les proches de Henri Konan Bédié a été une figure emblématique du PDCI avant de rejoindre le RHDP. Ministre sous la présidence de Laurent Gbagbo et ministre d’État sous la présidence de Alassane D. Ouattara, il sera un éphémère Premier ministre en 2012 en tant que PDCI avant de décrocher la présidence du Sénat et de rejoindre le RHDP ; il a été battu aux sénatoriales de 2023.

Toikeusse Mabri s’est illustré comme patron de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI), créée par le général Robert Gueï. Candidat à la présidentielle de 2010, il arrive en 4è position au premier tour et se ralie à Ouattara pour le deuxième tour ; il obtient plusieurs portefeuilles de ministre (dont les Affaires étrangères), un temps avec le titre de ministre d’Etat. En 2015, il soutient Ouattara mais refusera de soutenir Amadou Gon Coulibaly, le candidat du RHDP à la présidentielle de 2020 (dont il était le ministre) ; il présentera sa candidature qui sera retoquée par le conseil constitutionnel. Dès lors, il rejoindra le Conseil national de transition (CNT), mis en place par Bédié ; il en sera le porte-parole et se trouvera dans le collimateur de la justice. En 2022, n’ayant pas obtenu une alliance de l’UDPCI avec le RHDP, il a été contraint d’accepter son intégration dans la formation présidentielle.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Côte d’Ivoire, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here