Africa-Press – Côte d’Ivoire. Longtemps les deux pays se sont ignorés. La distance, la langue et des situations politiques compliquées. L’ancien président sud-africain Thabo Mbeki connaissait surtout la Côte d’Ivoire pour avoir été médiateur dans les crises politiques entre 2004 et 2006 puis en 2010. Même expérience pour Jacob Zuma, son successeur, dépêché à Abidjan en 2011 avec d’autres chefs d’État africains pour essayer de trouver une solution.
L’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara en 2011 et son maintien ont changé la donne. « Les mandats d’Alassane Ouattara ont vraiment apporté de la stabilité. C’est ce contexte en Côte d’Ivoire qui nous permet désormais de construire une relation plus forte », confirme Naledi Pandor, ministre du Département des relations internationales et de la coopération.
Le président Cyril Ramaphosa a salué les efforts de réconciliation menés par Alassane Ouattara à travers la rencontre organisée avec les deux anciens présidents Laurent Gbagbo et Henri Konan Bédié, le 14 juillet dernier. « Nous pensons que c’est un geste très positif qui aidera à construire la nation ivoirienne, a déclaré Cyril Ramaphosa. Comme vous vous en souvenez, l’Afrique du Sud a joué un rôle crucial pour s’assurer qu’il y ait la paix en Côte d’Ivoire, donc nous nous sentons investis en tant que nation pour que la paix et la cohésion sociale prévalent en Côte d’Ivoire. »
Relance
Les deux pays ont lancé les bases d’une refondation de leurs relations au mois de décembre 2021. En visite d’État à Abidjan du 1er au 3 décembre, Cyril Ramaphosa était le premier président sud-africain à visiter la Côte d’Ivoire depuis l’instauration des relations diplomatiques en 1992. Ramaphosa était venu avec 170 hommes d’affaires, bien décidés à conquérir de nouveaux marchés. Banques, télécoms, télévision : les plus grands groupes sud-africains ont déjà mis un pied en Côte d’Ivoire.
Mais la marge de progression est grande. En 2021, les exportations sud-africaines vers la Côte d’Ivoire représentaient moins de 1% des exportations internationales du pays. « Les échanges commerciaux entre l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire ne reflètent pas le potentiel économique de nos deux pays », a commenté Alassane Ouattara. Le président ivoirien s’est félicité d’un « excellent entretien » avec Ramaphosa autour d’une volonté commune de promouvoir davantage les relations commerciales.
Encore embryonnaire, la coopération entre les deux pays s’accroît à vue d’œil. « C’est très significatif de savoir que peu après notre visite en Côte d’Ivoire en décembre, nous accueillons aujourd’hui le président Ouattara et sa délégation », a souligné Cyril Ramaphosa. « Au niveau économique, les choses progressent très vite », observe Kandia Camara, ministre ivoirienne des Affaires étrangères. Parmi les neufs accords signés en décembre 2021, six ont déjà été ratifiés par le Parlement ivoirien et six autres viennent d’être signés en Afrique du Sud.
Une ouverture qui risque de surtout favoriser les multinationales sud-africaines. « Nous sommes habitués à travailler avec plusieurs pays, nous avons des hommes d’affaires bien formés qui savent négocier », rassure Souleymane Diarrassouba, ministre ivoirien du Commerce et de l’Industrie. 70 hommes d’affaires composent la délégation ivoirienne. Ils sont venus présenter leurs atouts lors d’un forum d’affaires Côte d’Ivoire – Afrique du Sud. « Je note la volonté des Sud-Africains de recevoir des hommes d’affaires ivoiriens », constate Kandia Camara.
JE ME SUIS TOUJOURS SENTI CHEZ MOI EN AFRIQUE DU SUD
Xénophobie
La montée de la xénophobie dans la société sud-africaine et les mesures envisagées par le gouvernement pour limiter le travail des étrangers contraste avec la volonté d’accueillir des investisseurs étrangers. « L’Afrique du Sud est au bord d’une explosion de violence xénophobe », alertaient des experts onusiens des droits de l’homme mi-juillet. « Le racisme et la xénophobie existent partout dans le monde », rétorque Naledi Pandor, qui refuse d’y voir une spécificité sud-africaine. « Une partie de notre travail consiste à montrer aux Sud-Africains que les visites de cette nature et cette coopération font en sorte de changer les attitudes qui n’existent que dans certaines communautés », veut croire la ministre des relations internationales.
« Je me suis toujours senti chez moi en Afrique du Sud » s’est réjoui de son côté le président Ouattara, « et encore plus maintenant que par le passé. » Le chef d’État ivoirien a plusieurs fois salué son « dear brother » (cher frère) Cyril Ramaphosa avec qui le courant semble passer. « Il n’y a rien de mieux que les relations de personne à personne », a appuyé Ouattara.
En plusieurs heures d’entretien, les deux hommes ont eu l’occasion de refaire le monde. Le dossier ukrainien a été évoqué malgré leurs divergences. « Nous déplorons de la manière la plus forte les morts et la destruction d’un pays qui est reconnu dans ses frontières depuis des dizaines d’années, je sais que ce n’est pas le point de vue de tous les pays africains », s’est démarqué Alassane Ouattara. L’Afrique du Sud s’est abstenue de voter les résolutions de l’ONU contre la guerre et Pretoria défend une position de neutralité dans le conflit.
LA CÔTE D’IVOIRE NE PEUT PAS DU TOUT S’INVESTIR DANS UNE TENTATIVE DE DÉSTABILISATION D’UN PAYS VOISIN
L’affaire des 49 soldats ivoiriens au Mali
Les deux chefs d’État ont également évoqué la situation des 49 soldats ivoiriens détenus au Mali, selon un ministre ivoirien. Interrogé sur ce dossier, le président Alassane Ouattara a eu l’occasion de s’exprimer pour la première fois. « Je déplore l’arrestation des soldats ivoiriens au Mali », a dénoncé le chef de l’État, avant de balayer les accusations maliennes : « la Côte d’Ivoire ne peut pas du tout s’investir dans une tentative de déstabilisation d’un pays quelconque, surtout pas d’un pays voisin. »
Le président ivoirien considère que c’est aux Nations unies de faire toute la lumière sur cet incident et que la médiation togolaise est la bienvenue. « Tout le monde regrette cette situation et je pense qu’il faut qu’il y ait un dénouement rapide […] les choses sont en cours et je suis certain que dans les prochains jours nous aurons un retour de nos soldats sur la terre ivoirienne », a conclu Alassane Ouattara.
Défense, terrorisme, Covid-19, réchauffement climatique… Les sujets abordés ont été nombreux. Il a même été question de football. L’Afrique du Sud, organisatrice de la Coupe du monde en 2010, se tient prête à aider la Côte d’Ivoire pour l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations 2023. L’équipe nationale ivoirienne de football a ainsi reçu les encouragements de Cyril Ramaphosa pour sa participation à la Coupe du monde 2022. Les Bafana Bafana n’étant pas qualifiés pour aller au Qatar, le président sud-africain pourrait bien soutenir les Éléphants.
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