
Africa-Press – Côte d’Ivoire. La récente décision de radiation de Cheick Tidjane Thiam de la liste électorale provisoire en Côte d’Ivoire, rendue publique le 22 avril 2025, continue de faire grand bruit sur la scène politique ivoirienne. Entre dénonciations d’un « complot politique » et défense de la légalité par certains juristes, la polémique enfle. Mais que dit réellement le droit ?
À l’origine de cette affaire, plusieurs citoyens ont saisi le président du tribunal territorialement compétent pour demander la radiation de M. Thiam de la liste électorale. Cette démarche est encadrée par l’article 12 de l’ordonnance n°2020-356 portant révision du Code électoral. Celui-ci autorise tout électeur à contester l’inscription d’une personne n’ayant pas la qualité d’électeur.
Or, selon les éléments présentés au tribunal, M. Thiam, né en 1962 à Abidjan, a été naturalisé français par décret le 24 février 1987, à l’âge de 25 ans. En droit ivoirien, l’article 48 du Code de la nationalité est sans équivoque: « Perd la nationalité ivoirienne, l’Ivoirien majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère. » Aucune formalité supplémentaire n’est requise: la perte est automatique.
Sur la base de cette disposition, le juge a considéré que M. Thiam, ayant volontairement acquis la nationalité française à sa majorité, a perdu de plein droit sa nationalité ivoirienne depuis 1987. Il ne pouvait donc être électeur en Côte d’Ivoire, la nationalité ivoirienne étant une condition sine qua non pour figurer sur la liste électorale (article 3 du Code électoral). Son enrôlement en décembre 2022 a donc été jugé frauduleux.
Une jurisprudence du Conseil constitutionnel, datant de 2011 (décision n°CI-2011-EL-054/17-11/CC/SG), avait déjà tranché dans le même sens. Dans cette affaire, un autre citoyen, M. Tioté Souhaluo, avait été déclaré inéligible pour les mêmes raisons: perte automatique de la nationalité ivoirienne après naturalisation française à l’âge adulte.
La décision du président du tribunal est sans appel, conformément à l’article 12 alinéa 8 du Code électoral. Elle clôt donc définitivement le débat juridique sur l’éligibilité de M. Thiam, à moins qu’il ne recouvre la nationalité ivoirienne selon les procédures prévues par la loi.
Certains observateurs et partisans de M. Thiam crient au règlement de compte politique. Mais pour le juriste Dr. Guibessongui N’Datien Séverin, auteur d’une tribune sur la question, cette décision ne souffre d’aucune ambiguïté juridique. Elle s’appuie sur des textes clairs et une jurisprudence constante. Si la décision a un impact politique certain, elle n’en reste pas moins purement juridique dans sa nature.
Selon lui, « l’État de droit ne peut s’accommoder de lectures opportunistes de la loi ». La justice, dit-il, ne saurait être qualifiée de politique dès lors qu’elle s’applique à tous, sans considération de statut ou d’ambition.
Au-delà de la personne de M. Thiam, cette affaire interroge sur la rigueur nécessaire dans l’application des règles électorales en Côte d’Ivoire. La crédibilité du processus électoral repose en effet sur la transparence et le respect strict des critères légaux d’éligibilité. Toute entorse à ces principes pourrait affaiblir davantage la confiance des citoyens dans les institutions.
En définitive, le droit a parlé. À la classe politique de s’en accommoder, dans le respect des règles démocratiques et des institutions républicaines.
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