Bouger, c’est la santé !

5
Bouger, c'est la santé !
Bouger, c'est la santé !

Africa-Press – Côte d’Ivoire. Alors que la plupart des découvertes scientifiques voient le jour dans des laboratoires, celle qui a révélé les vertus de l’exercice physique sur la santé est née… dans un bus londonien. En 1953, en effet, l’épidémiologiste Jeremy N. Morris publie dans The Lancet la première étude consacrée au sujet: il y montre que les contrôleurs des célèbres bus rouges à deux étages, qui gravissent 700 marches chaque jour, subissent deux fois moins d’infarctus que les chauffeurs, qui, eux, passent 90 % de leur temps de travail assis.

À l’époque, la communauté médicale reste sceptique. De nos jours, elle est unanime. « Une activité physique régulière diminue de 30 % la survenue de trente-cinq maladies chroniques », souligne François Carré, cardiologue et médecin du sport au CHU de Rennes, co-auteur de l’expertise de l’Inserm publiée en 2019 « Activité physique: prévention et traitement des maladies chroniques ». Le diabète, les maladies cardiovasculaires et les cancers sont concernés, tout comme les maladies liées à la santé mentale.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), suivre les recommandations qu’elle a édictées (deux heures trente d’activité d’intensité modérée par semaine) peut augmenter l’espérance de vie en bonne santé de sept ans. Une étude publiée dans le British Medical Journal (The BMJ) enfonce le clou: quinze minutes par jour permettraient déjà de gagner trois ans de vie. Malgré ces chiffres sans appel, la moitié des Français sont inactifs, leur pratique physique se situant en deçà des conseils de l’organisation.

« La communication a longtemps tourné autour des bienfaits du sport, auquel est associée la notion – parfois dissuasive – de performance, remarque la professeure Cindy Neuzillet, cheffe de service en oncologie digestive à l’Institut Curie. Or, c’est l’activité physique qui a un rôle préventif sur la santé. Celle-ci comprend toutes les situations où le muscle est en mouvement. Bricoler, jardiner ou faire ses courses peut être aussi bénéfique qu’avoir une pratique sportive formalisée.

L’activité physique permet également de contrer le fléau de la sédentarité, responsable d’environ 40.000 décès par an en France. « La sédentarité, qui correspond au temps passé assis ou allongé hors période de sommeil, est souvent subie, reprend l’oncologue. C’est le cas par exemple lorsque l’on a un travail de bureau. Elle n’est pourtant pas une fatalité, car dès lors que nous choisissons de bouger dans les proportions recommandées par l’OMS, les risques qu’elle induit diminuent. »

Les mécanismes biologiques à l’œuvre passent par la lutte contre l’obésité. « Le surpoids est responsable d’infarctus, d’accidents vasculaires cérébraux, de diabète et de cancers, note Cédric Moro, directeur de recherche de l’Inserm à l’Institut des maladies métaboliques et cardiovasculaires (I2MC), co-auteur de l’étude de l’Inserm avec François Carré. L’activité physique diminue la masse de graisse et toutes les complications qu’elle engendre. » Elle agit notamment sur l’un des six types de graisse présents dans notre organisme, la graisse viscérale. Située sous les muscles de la paroi abdominale, sa quantité augmente avec l’âge et accroît les risques de maladie.

Faire de l’exercice favorise le « bon cholestérol »

Des études menées par l’I2MC prouvent qu’une activité d’endurance modérée (pour laquelle l’effort n’empêche pas de parler), répétée trois fois par semaine pendant trois mois, diminue de 4 centimètres le tour de taille d’une personne en surpoids et réduit de 20 % le risque de maladies cardiovasculaires. Car pour fournir l’énergie nécessaire à sa contraction, le muscle consomme des lipides, qui seront d’autant moins nombreux à s’accumuler dans le sang et à boucher les artères. L’exercice diminue ainsi la tension artérielle et favorise le cholestérol HDL, dit « bon cholestérol », au détriment du mauvais. Il régule aussi le taux de sucre dans le sang. « L’effort induit une augmentation du nombre de transporteurs de sucre à la surface des cellules musculaires, qui en consomment alors davantage », précise Cédric Moro.

Cette régulation de la glycémie est mise en évidence chez des personnes souffrant d’un diabète de type 2, dont l’activité physique permet de diminuer la prise d’insuline. Chez les individus en situation de pré-diabète (dont la glycémie est déjà élevée), l’exercice réduit de 20 % le risque de déclencher la maladie. « Des expériences menées avec l’Institut de médecine et physiologie spatiales pour mimer l’effet de la gravitation chez les astronautes montrent que des personnes en bonne santé alitées pendant soixante jours voient leur équilibre glycémique se détériorer de 30 % », ajoute le chercheur.

Quant au risque de cancers liés au surpoids (cancers de l’œsophage, du pancréas ou du foie), il est aussi diminué par l’activité physique, car la graisse viscérale sécrète des molécules qui favorisent la formation de nouveaux vaisseaux sanguins et aident la tumeur à se développer.

Aussi efficace que la prise d’antidépresseurs

Ces modes d’action qui jouent sur la graisse et la glycémie ne sont pourtant pas les seuls à entrer en jeu. « Depuis une dizaine d’années, nous savons que l’activité physique a un rôle protecteur, même pour des personnes qui ne sont pas en situation de surpoids », affirme Cindy Neuzillet. Les études épidémiologiques prouvent que la pratique d’une activité physique diminue jusqu’à 30 % l’apparition de cancers, principalement ceux du côlon, du sein et de l’endomètre, indépendamment des facteurs de risque liés au tabac, à l’alcool et à l’obésité. En 2020, des expériences menées sur des souris ont apporté la preuve que l’activité physique freine l’évolution des cancers du foie et du poumon, en agissant directement sur les cellules tumorales et immunitaires.

« Bouger met en réalité tout l’organisme à contribution », formule le professeur François Carré. Une étude publiée dans Nature en mai 2024 par des chercheurs américains du Consortium des adaptateurs moléculaires de l’activité physique (MoTrPAC) a identifié chez l’animal 35.000 paramètres biologiques modifiés de façon significative par des activités d’endurance. « Grâce aux technologies de séquençage de l’ADN, nous découvrons que la contraction musculaire active l’expression de certains gènes jusque-là endormis, et libère des protéines spécifiques de l’exercice, qu’on appelle exerkines », s’enthousiasme le médecin. Celles-ci sont produites par le muscle lui-même ou par d’autres organes, et agissent soit localement, soit en cascade sur d’autres tissus. Parmi les exerkines, celle sécrétée par l’os, l’ostéokine, aide celui-ci à se reconstituer.

« Dans le muscle, nous étudions la production d’une myokine qui active la régénération musculaire, raconte Cédric Moro. Elle pourrait prévenir certaines maladies liées à la perte de masse musculaire, voire au vieillissement. » Les muscles squelettiques libèrent le VEGF (Vascular Endothelial Growth Factor), qui agit à distance sur les vaisseaux sanguins afin de favoriser l’irrigation et l’oxygénation des organes. « Certaines molécules changent de fonction avec l’exercice, comme l’interleukine 6 qui, au repos, favorise l’inflammation et devient, chez les souris, anti-inflammatoire dès lors qu’on leur fait pratiquer une activité physique », détaille François Carré.

Les chercheurs s’intéressent aussi de près à une autre exerkine, une neurokine appelée BDNF (Brain-Derived Neurotrophic Factor). Produite pendant l’effort par le cerveau, elle intervient dans la formation de nouveaux neurones. Or, la dépression et les maladies neurodégénératives comme celle d’Alzheimer sont liées à une atrophie de certaines régions cérébrales, en particulier au niveau de l’hippocampe.

Des travaux sur les rats, publiés en 1996 dans la revue Brain Research, montrent que si on leur fait pratiquer une activité modérée pendant une heure, la production de sérotonine, un neuromédiateur déficitaire chez les personnes souffrant de dépression, augmente immédiatement de 70 %. « La littérature aujourd’hui disponible atteste que l’activité physique est aussi efficace que les antidépresseurs pour les personnes souffrant de dépression légère à modérée, indique Fabien Legrand, chercheur au laboratoire Cognition Santé Société de l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Les effets se déclenchent dès les premières séances, avant que n’agissent les médicaments ou les psychothérapies. »

Chez les personnes en bonne santé, une heure trente de marche rapide chaque semaine diminuerait de 18 % les risques d’épisode dépressif, un gain pouvant atteindre 25 % lorsque le temps de marche est doublé, selon une étude publiée en 2022 dans la revue JAMA Psychiatry.

Vers des prescriptions d’activité personnalisées

Pour bénéficier à plein de ces effets préventifs, quelles disciplines choisir ? « Il faut coupler des activités d’endurance – la marche ou le vélo par exemple, qui font travailler le cœur – à des exercices de renforcement musculaire, explique François Carré. Ce sont des pratiques complémentaires qui libèrent des exerkines différentes. »

Grâce à ces signaux biologiques, les médecins pourraient prescrire l’activité physique avec plus de précision. « Les exerkines seront un jour dosées par simple prise de sang, prévoit Cédric Moro. On pourra savoir, pour chaque individu, quelle activité permet de produire l’une ou l’autre de ces protéines et tendre vers des recommandations personnalisées de pratique physique. » À l’Institut Curie, Cindy Neuzillet espère identifier des marqueurs capables de prédire quels types de tumeurs seront freinés par l’exercice.

Ces molécules de l’exercice intéressent aussi de près les laboratoires pharmaceutiques. Disposer d’un médicament qui mime leurs effets pourrait permettre de traiter les 1,8 milliard de personnes qui, dans le monde entier, ne bougent pas suffisamment. « Ces projets ont leur part d’utopie, car l’activité physique active de nombreux systèmes physiologiques », prévient Cédric Moro. Le sport en pilule, ce n’est pas pour demain !

Sport sur ordonnance: des bénéfices avérés

Si l’activité physique a des vertus dans la prévention des maladies, elle en a aussi dans leur guérison… ou du moins pour en apaiser les souffrances. La Haute Autorité de santé (HAS) recommande aux médecins de prescrire, dans le cadre d’une pathologie chronique, des programmes d’activité physique adaptée (APA). Organisés par les centres de santé, ils comprennent par exemple des séances de marche nordique, de natation ou de yoga, dispensées par des enseignants spécialisés.

À l’Institut Curie, on utilise l’activité physique comme outil thérapeutique afin de lutter contre la fatigue liée aux traitements contre le cancer et de ralentir la fonte musculaire induite par la maladie. L’APA est aussi indiquée en préparation des interventions chirurgicales. « L’activité physique libère des cellules immunitaires qui pénètrent dans la tumeur, détaille Cindy Neuzillet, cheffe de service en oncologie digestive à l’Institut Curie. Certaines équipes explorent l’intérêt du vélo avant les perfusions d’immunothérapie dans le but d’augmenter l’efficacité du traitement. »

L’association « Je bouge pour mon moral », qui dispose de plusieurs centres dans l’est de la France, accompagne des malades souffrant de troubles anxio-dépressifs modérés avec des programmes d’activité personnalisée de trois mois. Selon Fabien Legrand, expert scientifique auprès de l’association, ils permettent une réduction de 40 % des symptômes après cinq semaines chez des personnes souffrant de dépression modérée. Enfin, des malades atteints de maladies chroniques comme la polyarthrite, qui ont des difficultés pour réaliser les gestes quotidiens, gagnent de l’aisance dans leurs gestes par l’activité physique. « L’expertise de l’Inserm publiée en 2019 considère que ne pas prescrire de l’activité physique constitue une perte de chance pour un malade », conclut François Carré.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Côte d’Ivoire, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here