Africa-Press – Côte d’Ivoire. Originaire de Nouvelle-Zélande, cette espèce d’arachnides compte des mâles de 3 morphologies différentes. Leur appartenance à l’un ou l’autre des types est déterminante dans leur position hiérarchique au sein de la population. Une nouvelle étude, publiée dans Behavioral Ecology, a montré que leur morphologie est liée à la perte ou la préservation de leurs pattes quand ils sont jeunes. “Il est important de noter qu’il ne s’agit pas d’araignées, mais d’un autre ordre d’arachnides : les Opiliones, connu sous le nom de faucheurs », indique Erin Powell, première autrice de l’étude, pour Sciences et Avenir.
Aussi appelés faucheurs, les Opiliones sont en réalité plus proches des scorpions, acariens, ou encore des tiques, que des araignées. Contrairement à ces dernières, ils n’ont ni venin, ni soie. Ils sont également constitués d’un seul segment corporel, alors que les araignées ont une « taille » marquée, séparant les deux segments du corps. Les faucheurs adultes de la même espèce et issus de la même population présentent toutefois des différences morphologiques marquées. Mais qu’est ce qui différencie les 3 types de mâles faucheurs ?
Des pièces buccales hypertrophiées
Les mâles alpha et bêta ont un corps large et de grandes pièces buccales, appelées chélicères. Ils les utilisent pour se battre avec d’autres mâles afin d’accéder aux femelles ou encore, d’élargir leur territoire.
“Les alphas et les bêta diffèrent par la forme de leurs chélicères : les alphas ont des chélicères larges et courtes et les bêtas des chélicères longues et fines”, précise la chercheuse. Corps chétif et pièces buccales atrophiées, les mâles gamma, eux, pèsent jusqu’à sept fois moins lourd que leurs homologues. Ils sont incapables de se battre et “doivent trouver des femelles non-défendues pour s’accoupler”, explique Erin Powell.
L’équipe de chercheurs de l’université d’Auckland s’est donc interrogée sur la cause de ces polymorphismes. Ils ont alors capturé des mâles adultes sur le terrain. Certains ne possédaient pas toutes leurs pattes. « De nombreux faucheurs à longues pattes, y compris l’espèce que nous étudions ici, peuvent autotomiser, c’est-à-dire sectionner, leurs pattes pour échapper aux prédateurs, mais elles ne repoussent jamais », souligne l’autrice.
Les faucheurs peuvent sacrifier leurs pattes en cas de danger… mais elles ne repoussent pas
Ils ont alors constaté que les mâles qui avaient autotomisé leurs pattes lorsqu’ils étaient jeunes avaient 45 fois plus de chances de devenir des mâles gamma à l’âge adulte. En effet, les mâles qui ont perdu leurs pattes, et ne les régénèrent jamais, sont désavantagés dans les combats. D’après les chercheurs, investir davantage dans d’autres caractéristiques, telles que la taille des testicules ou le nombre de spermatozoïdes, pourrait alors être une meilleure stratégie pour se reproduire. Alors, comment ce polymorphisme apparaît-il ? “On sait que le développement des pièces buccales est régi par plusieurs hormones” analyse la chercheuse. « Ainsi, si l’autotomie entraîne une augmentation des hormones ecdystéroïdes (de mue), elle pourrait agir directement sur le mécanisme qui régule la taille des chélicères et du corps chez le mâle adulte ».
La plupart des autres exemples de polymorphismes se limitent à certains coléoptères comme les lucanes, les bousiers ou encore les charançons. Contrairement aux Opiliones, ils sont souvent dus à une combinaison de la nutrition au cours du développement et de facteurs génétiques. « On sait encore peu de choses sur la manière dont ces coléoptères évoluent et maintiennent des morphismes multiples et sur la manière dont ces derniers peuvent affecter le style de combat ou les performances des mâles », déplore la chercheuse. Chaque morphologie peut en effet présenter des coûts et des avantages différents. Par exemple, les pattes et pinces musclées peuvent être plus puissantes au combat, mais coûtent plus cher à entretenir sur le plan métabolique. A l’inverse, les “armes” longues ne sont peut-être pas aussi puissantes, mais bénéficient d’un effet de levier et éloignent les parties délicates du corps de l’action lors d’un combat.
Pour compléter ces résultats, l’équipe de scientifiques souhaite pouvoir suivre les faucheurs tout au long de leur vie et manipuler directement l’autotomie des pattes chez les juvéniles. Cependant, ces faucheurs, comme beaucoup d’autres, sont difficiles à élever en captivité. « Les études de marquage-recapture sont également difficiles car les faucheurs muent plusieurs fois au cours de leur vie et se débarrassent de tout marquage que nous aurions placé sur eux pour les identifier », regrette Erin Powell. Toutefois, l’étude des niveaux d’hormones de mue chez les faucheurs après l’autotomie de leurs pattes pourrait constituer une prochaine étape intéressante pour déterminer s’il existe un mécanisme physiologique les poussant à devenir des mâles gamma après l’autotomie.
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