L’océan Austral sauvera-t-il le climat ?

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L'océan Austral sauvera-t-il le climat ?
L'océan Austral sauvera-t-il le climat ?

Africa-Press – Côte d’Ivoire. On le sait: le climat se réchauffe plus vite que jamais dans l’histoire terrestre. Nous connaissons les causes, une en particulier: l’accumulation du dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère, qui génère environ 75 % de l’augmentation de l’effet de serre induite par les activités humaines. Heureusement pour nous, la Terre abrite en son sein de fabuleux puits de carbone. Elle fait aussi l’objet de courants aériens et océaniques qui, de concert, concourent à réguler la température à la surface.

Et parmi ces mécanismes d’équilibre, l’océan joue un rôle déterminant dans la répartition de la chaleur et la capture du gaz carbonique que nous envoyons en excès dans l’atmosphère. “C’est un régulateur thermique central. Il absorbe entre 90 et 93 % de l’excès de chaleur dû au réchauffement climatique puis diffuse cette chaleur par les courants qui permettent des échanges avec les eaux froides, rappelle l’explorateur français Jean-Louis Étienne. On parle en effet d’une surface colossale, beaucoup plus importante que la surface terrestre. ”

De plus, l’océan capte le CO2 de l’air. Comme les forêts à terre, il agit telle une pompe biologique. Plus exactement, le phytoplancton qu’il abrite se nourrit par photosynthèse de gaz carbonique de l’air et libère de l’oxygène. “Mais dans l’océan se produit aussi une dissolution du CO2 dans l’eau de mer. Ce qui, bien que bénéfique pour le climat, n’est pas sans conséquence pour la faune et la flore sous-marines, puisque ce phénomène contribue à acidifier l’océan “, ajoute Jean-Louis Étienne.

Un océan de tempête

À ces contributions largement vérifiées par la communauté scientifique, une autre donne ne laisse aucun doute: la capacité de l’océan à absorber du CO2 se réduit à mesure que le climat se réchauffe. Car ce faisant, les eaux aussi se réchauffent. Or, le CO2 se dissout principalement dans l’eau froide. C’est l’une des raisons qui laisse croire aux experts que l’océan Austral, le plus froid que compte notre planète, est le principal puits de carbone océanique. Mais ce n’est pas la seule raison.

“C’est aussi un océan très agité où se forment beaucoup plus de vagues qu’ailleurs. Or, les vagues emprisonnent l’air lorsqu’elles se replient. L’océan Austral capterait ainsi beaucoup plus d’air et donc de CO2 qu’il contient, explique encore l’explorateur, passionné par les Pôles. Enfin, il doit certainement sa performance climatique supposée à sa surface, géante. ” Rappelons que cet océan, qui entoure l’Antarctique et agit comme une courroie de transmission entre les eaux de l’Atlantique Sud, l’océan Indien et le Pacifique, a une circonférence de 22.000 kilomètres.

“Néanmoins, si on a de fortes raisons de penser qu’il est le principal puits de carbone océanique il capterait à lui seul 50 % du carbone absorbé par l’océan mondial, nous n’avons jamais mesuré ces échanges atmosphère-océan, sauf partiellement en été “, note Jean-Louis Étienne. Pour le vérifier, il faudrait des mesures in situ réalisées sur une longue durée. Cela n’a jamais été fait car cet océan est très éloigné et, surtout, extrêmement difficile d’accès. Les expéditions y sont donc rares. Les Français font bien des missions dans l’océan Indien à bord du navire océanographique le Marion-Dufresne, lequel alimente les stations de Kerguelen et de Crozet, archipels situés aux abords de l’océan Austral, mais il n’y a personne l’hiver. “Pratiquement personne non plus ne s’y rend au printemps ou à l’automne. Surtout, c’est un océan de tempête et il est impossible d’y séjourner dans les bonnes conditions de sécurité et de confort avec un navire classique “, souligne l’explorateur.

Pour enfin y collecter des données précises, conforter la conviction des scientifiques, contribuer à renforcer les modèles d’évolution du climat et tout simplement en apprendre davantage sur cet océan, Jean-Louis Étienne a donc entrepris d’innover. Au début des années 2010, il se rapproche de Laurent Mermier, directeur général du cabinet d’architecture navale Ship-ST. Ensemble, ils se lancent dans l’idée folle de construire un navire vertical. C’est le projet Polar Pod.

“Il fallait un bateau capable d’échapper à la surface, pour ne pas être complètement tributaires des mouvements de la mer qui y sont très violents, raconte Jean-Louis Étienne. Pour ce faire, nous avons donc conçu un navire vertical, un flotteur de 100 mètres de hauteur dont 75 mètres sous l’eau, ce qui lui donne sa stabilité. De plus c’est un treillis, si bien que le Polar Pod sera traversé par les vagues et ne sera pas soumis aux mouvements de la houle. De quoi permettre à une équipe de huit personnes (dont trois marins professionnels et quatre ingénieurs océanographes) de séjourner longtemps sur l’océan Austral. ”

Polar Pod a pris une envergure internationale. L’État français finance sa construction, l’Ifremer en est le maître d’ouvrage et l’association Océan Polaire de Jean-Louis Étienne en assurera l’exploitation tout au long de la mission. S’il a fallu attendre longtemps pour faire les maquettes, effectuer les simulations, trouver les partenaires et les financements, et finalement donner naissance au Polar Pod, ses résultats sont très attendus par la communauté internationale.

43 institutions et 12 pays sont ainsi engagés dans le projet. Le CNRS, le Cnes, l’Ifremer et l’IRD assureront le pilotage scientifique, mais toutes les données collectées seront en open source. Et sa mission fait partie des projets de la décennie des Nations unies pour les sciences de l’océan (2020-2030). Après douze ans de recherche et de développement, le Polar Pod prendra enfin l’eau fin 2026-début 2027 pour une mission de trois ans. Il réalisera deux fois le tour de l’Antarctique avec des relèves d’équipage effectuées tous les deux mois par le Persévérance , voilier conçu par Jean-Louis Étienne.

Un inventaire de l’océan aux quatre saisons

Véhicule zéro émission, il avancera grâce au seul courant à la vitesse de 1 à 1,5 nœud et sera alimenté en électricité par les six éoliennes qui le surplombent. Il sera doté d’outils de mesure en continu pour vérifier les échanges océan-atmosphère, mais aussi mieux comprendre les interactions de l’océan Austral avec les océans voisins, ce qu’on appelle également le courant circumpolaire antarctique, qui est très important pour comprendre l’évolution du climat.

Au-delà de son fort intérêt pour comprendre le climat, la mission devrait permettre d’apporter des données très fournies pour confirmer la nécessité de créer des zones marines protégées autour de l’Antarctique. “Un inventaire de la biodiversité de cet océan va ainsi être réalisé pour la première fois aux quatre saisons. Le Polar Pod sera équipé d’hydrophones pour effectuer une écoute passive et lister toutes les espèces reconnues par les logiciels “, précise Jean-Louis Étienne. Les chercheurs pourraient également y découvrir d’autres formes de plancton, et peut-être confirmer l’existence du calmar colossal, une espèce de la même famille que le calmar géant mais plus grande encore. Elle serait, selon les récits de pêcheurs, inféodée aux eaux profondes antarctiques.

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