Pourquoi se souvient-on (ou pas) de ses rêves ? Les enseignements du confinement

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Pourquoi se souvient-on (ou pas) de ses rêves ? Les enseignements du confinement
Pourquoi se souvient-on (ou pas) de ses rêves ? Les enseignements du confinement

Africa-Press – Côte d’Ivoire. J’ai plusieurs fois rêvé que des gens non protégés venaient chez moi et j’avais très peur d’être contaminée », rapporte par exemple avoir très littéralement rêvé une cinquantenaire lors du confinement. « Mon plafond s’écroulait, de l’eau sortait en trombes du toit », raconte un jeune homme.

2020, la pandémie de Covid-19 déferle sur le monde, et n’épargne pas le sommeil. « Une brusque augmentation du nombre de souvenirs de rêves matinaux a été signalée dans le monde entier », observe la chercheuse Valentina Elce, première autrice d’une publication dans la revue Communications Psychology décortiquant les facteurs influant sur la capacité à se rappeler ses rêves. Une observation qui n’étonne pas Perrine Ruby, co-directrice de l’équipe Sommeil, Rêve et Cognition à l’Inserm et autrice du livre « Rêver pendant le confinement » (EDP Sciences) d’où sont tirés les récits de rêves en ouverture de cet article. « La fréquence de souvenirs de rêve est augmentée par les éveils intra-sommeils de deux minutes au moins », explique-t-elle, or l’anxiété liée à la pandémie est un facteur qui favorise ces éveils nocturnes.

Les rêves rapportés étaient émotionnellement plus intenses que d’habitude et plus négatifs, avec des références à la peur de la contagion et à l’isolement social. « Les rêves sont remarquables par la justesse et la pertinence des symboles et images qu’ils convoquent pour évoquer l’émotion », s’enthousiasme la chercheuse Perrine Ruby.

Tout le monde ne se rappelle cependant pas ses rêves avec la même facilité. « Pendant le confinement, il est possible que les changements soudains de nos habitudes quotidiennes et de nos rythmes veille-sommeil aient entraîné une augmentation de la fréquence de rappel des rêves », avance Valentine Elce. Dans leur étude étalée sur quatre ans et plus de 200 personnes, les chercheurs observent en effet que le sommeil plus léger lié à des couchers et des réveils plus tardifs et non contraints sont associés à une meilleure faculté à se rappeler ses rêves. En plus de leurs habitudes de sommeil, les rapports de rêve quotidiens de chaque sujet sur 15 jours ont été analysés en fonction de leurs traits de personnalité et capacités de mémorisation.

Sommeil léger, faculté à ignorer les distractions et personnalité importent pour se rappeler ses rêves

Première caractéristique importante, Ceux qui sont davantage capables d’ignorer les facteurs de distraction se souviennent plus souvent du contenu de leurs rêves. « Eteindre l’alarme, vérifier l’heure, courir parce que nous sommes en retard au travail, il est très difficile quand on y pense d’ignorer les stimuli du monde extérieur au moment du réveil et de récupérer un rêve », observe Valentine Elce. Ainsi, la capacité de mémorisation des sujets importait peu, confirmant les résultats d’études précédentes. « Les personnes les plus vulnérables aux distractions et aux interférences étaient plus susceptibles d’oublier leurs rêves au réveil. Cela confirme l’idée que les souvenirs des rêves s’estompent rapidement, à moins que la personne ne se concentre activement sur eux. »

D’autres traits connus pour être associés à la facilité à se rappeler ses rêves sont confirmés par l’étude: avoir un sommeil plus léger, être plutôt jeune ou encore avoir une attitude positive à l’égard des rêves ou y attacher de l’intérêt. « Le cerveau doit ‘retranscrire’ dans la mémoire l’expérience du rêve avant de se réveiller. Cependant, le sommeil altère les processus de mémorisation et si un rêve n’est pas encodé correctement, en raison d’un sommeil profond, de distractions au moment du réveil ou d’un manque d’attention à l’égard du rêve, il peut être rapidement oublié. C’est pourquoi certaines personnes se réveillent avec le vague sentiment d’avoir rêvé, mais ne se souviennent d’aucun détail », explique Valentine Elce. L’étude suggère d’ailleurs qu’une plus grande proportion de stades de sommeil plus légers peut rendre le contenu des rêves plus accessible au réveil.

Les rêveurs de jour se rappellent mieux leurs rêves

Les rêveurs de jour seraient également les meilleurs rêveurs de nuit. « Les personnes sujettes au vagabondage (rêverie) sont beaucoup plus susceptibles de se souvenir de leurs rêves. Cela suggère que les mêmes habitudes mentales qui permettent à l’esprit de dériver pendant la journée peuvent également favoriser le souvenir des rêves pendant la nuit », commente la chercheuse. L’équipe de Perrine Ruby avait d’ailleurs précédemment montré que les personnes qui se souviennent souvent de leurs rêves ont une plus grande activité dans les régions du cerveau impliquées dans la rêverie, à savoir la jonction temporo-pariétale et le cortex préfrontal médian.

Enfin, l’étude est la première à confirmer un effet des saisons. « Le souvenir des rêves était plus faible en hiver qu’au printemps et en automne, même si les habitudes de sommeil ne changeaient pas radicalement ». Un résultat peu surprenant de l’avis de Perrine Ruby. « Le sommeil fluctue avec la saison car il est influencé par la lumière et le bruit », pointe-t-elle. « Les journées d’hiver plus courtes peuvent conduire à un sommeil plus profond et moins interrompu, réduisant ainsi la probabilité de se réveiller pendant le sommeil paradoxal », avance d’ailleurs Valentine Elce pour expliquer ces variations saisonnières. Les fluctuations de l’humeur au fil de la météo pourraient également « altérer les fonctions cognitives et la mémoire, ce qui pourrait avoir un impact sur la capacité à se souvenir de ses rêves. »

Rêver pour réguler ses émotions

Reste à élucider une plus grande énigme encore: pourquoi rêvons-nous ? « Finalement, la question du souvenir du rêve est surtout intéressante si on connait la fonction du rêve », commente Perrine Ruby. Et la fonction du rêve ne peut être révélée que par le contenu de nos rêves. « L’hypothèse la plus partagée est que le rêve permet de réguler ses émotions », révèle la chercheuse.

Mais quelles émotions et par quel processus ? Surprise en 2021 de constater que les souvenirs de la vie éveillée spontanément rapportés étaient en moyenne bien plus positifs que les émotions évoquées par les rêves, elle émet plusieurs hypothèses. « L’idée que nous nous souviendrions mieux de nos mauvais rêves ne peut pas être écartée, mais il y a plus que ça. Il se pourrait par exemple que l’on ait plus besoin de réguler ses émotions négatives. »

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