Julian Pecquet ((à Washington))
Africa-Press – Djibouti. Au cours des assemblées qui se tiennent du 13 au 18 octobre à Washington, les participants seront particulièrement attentifs à préserver la place du continent dans le commerce international. Surtout après la fin de l’Agoa, et les comportements erratiques de la Chine et des États-Unis.
Ministres des Finances et gouverneurs des banques centrales du monde entier se retrouvent du 13 au 18 octobre à Washington pour les réunions annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale qui revêtent une importance particulière pour l’Afrique, alors que l’African Growth and Opportunity Act (Agoa), pilier de la politique commerciale américaine envers le continent africain depuis vingt-cinq ans, a expiré le 30 septembre dernier.
Le FMI a défini trois objectifs politiques à moyen terme qui devraient guider les débats: la relance durable de la croissance afin de créer davantage d’emplois, d’augmenter les recettes publiques et d’améliorer la viabilité de la dette ; l’assainissement des finances publiques afin de répondre aux besoins urgents sans faire grimper les taux d’emprunt du secteur privé ; enfin, le traitement des déséquilibres excessifs, tant internes qu’externes.
Vers des négociations entre le FMI et le Sénégal
La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a fait preuve d’un optimisme prudent dans son discours d’ouverture. Elle a souligné que l’économie mondiale s’en sortait « mieux que prévu, mais moins bien que nécessaire » face à l’évolution rapide des technologies, de la géopolitique et des tendances démographiques qui alimentent un niveau d’incertitude sans précédent.
La consolidation budgétaire est à l’ordre du jour pour des gouvernements africains qui s’efforcent de réduire leur dette tout en créant des emplois, alors que plusieurs capitales du continent sont agitées par les manifestations d’une jeunesse désemparée.
La Banque mondiale a relevé ses prévisions de croissance pour 30 des 47 économies africaines dans son rapport Africa’s Pulse publié la semaine dernière. La banque table désormais sur une croissance africaine de 3,8 % en 2025 contre 3,5 % en 2024.
Avant les réunions de cette semaine, un groupe d’économistes de renom a adressé une lettre ouverte aux dirigeants du FMI et de la Banque mondiale pour les exhorter à reconstituer leurs fonds d’allègement de la dette, à garantir une « restructuration équitable et rapide de la dette », à réformer la manière dont les deux institutions évaluent la dette et à promouvoir des alliances stratégiques entre les emprunteurs.
Cette demande d’un allègement supplémentaire de la dette intervient alors que le FMI devrait entamer des « négociations officielles » avec le Sénégal sur un nouveau plan de sauvetage, après avoir suspendu en octobre 2024 un programme de prêts de 1,8 milliard de dollars en raison d’allégations selon lesquelles le gouvernement de l’ancien président Macky Sall aurait déclaré de manière erronée des milliards de dollars de « dette cachée ».
« Je salue la demande officielle du Sénégal pour un nouveau programme soutenu par le FMI, qui démontre la forte détermination des autorités à faire avancer leur programme de réformes économiques », a déclaré la directrice générale dans un communiqué publié le 3 octobre.
L’Afrique confrontée à un « double choc »
Alors que la Chine et les États-Unis continuent de bouleverser l’architecture commerciale mondiale, les assemblées générales seront l’occasion pour les pays africains d’en appeler au système financier international pour soutenir les services publics tels que la santé et l’éducation, dans un contexte de baisse mondiale de l’aide publique au développement, et pour diversifier les chaînes d’approvisionnement mondiales en minéraux.
Les droits de douane imposés par l’administration Trump et l’expiration du régime d’exonération douanière de l’Agoa pèsent déjà lourdement sur les exportateurs africains, le FMI ayant revu à la baisse ses prévisions de croissance pour le continent de 0,3 point de pourcentage en avril.
De plus en plus exclue du marché américain, la Chine réoriente sa surcapacité industrielle vers de nouvelles destinations d’exportation, sapant ainsi les efforts naissants de l’Afrique pour développer des champions nationaux dans des secteurs à forte valeur ajoutée tels que les batteries, les panneaux solaires, les véhicules électriques et les équipements industriels.
De nombreux pays, dont nombreux sont Africains, se retrouvent ainsi confrontés à un « double choc », dont les conséquences à long terme sont incertaines.
Pourtant, l’impact mondial des droits de douane imposés par le président américain Donald Trump « n’a pas été aussi important qu’annoncé », selon Kristalina Georgieva. « Le taux effectif américain est désormais bien supérieur à celui du reste du monde, qui est resté relativement stable cette année, avec très peu de cas de représailles », a-t-elle expliqué. Pour l’instant, « la plupart des échanges commerciaux mondiaux respectent encore les règles. Au FMI, nous exhortons les décideurs politiques du monde entier à maintenir cette situation et à préserver le commerce en tant que moteur de la croissance », a-t-elle rappelé.
Au G20, passage de témoin entre l’Afrique du Sud et les États-Unis
En tant que première nation africaine à diriger le G20, l’Afrique du Sud s’est fixée des objectifs ambitieux articulés autour des thèmes de « la solidarité, l’égalité et la durabilité ». Les priorités de Pretoria comprennent de nombreuses questions d’une grande importance pour l’ensemble du continent, notamment celle de résilience climatique, de réponse aux catastrophes et de mobilisation de financements pour une transition énergétique juste. Enfin, la question de l’exploitation des minéraux reste incontournable dans les dossiers de croissance inclusive et de développement durable.
Pourtant, le 1er décembre, le flambeau du G20 sera transmis à l’administration Trump, et il y a fort à parier qu’elle donnera la priorité à des dossiers différents. Les responsables américains ont déjà laissé entendre que leur présidence serait axée sur un « retour aux fondamentaux », mettant l’accent sur la stabilité macroéconomique et le développement, plutôt que sur les groupes de travail sud-africains traitant de sujets tels que la croissance inclusive, la sécurité alimentaire et le développement durable.
Loin de renoncer à ses priorités, l’Afrique du Sud devrait profiter de ces assemblées générales pour préparer le terrain en vue d’une collaboration avec les futures présidences du G20 afin de mettre en œuvre les initiatives lancées cette année.
Source: JeuneAfrique
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