Système immunitaire : les bactéries intestinales en première ligne

0
Système immunitaire : les bactéries intestinales en première ligne
Système immunitaire : les bactéries intestinales en première ligne

Africa-Press – Djibouti. Si l’on considère que le système immunitaire est le mécanisme de défense mis en place par les cellules de notre corps pour réagir à l’agression d’un pathogène, il apparaît totalement logique que notre microbiote participe de ce système défensif. En effet, nous sommes constitués d’autant de cellules que nous hébergeons de bactéries, environ 30.000 milliards pour chacune de ces deux entités.

Notre microbiote naît en même temps que nous, fruit du patrimoine bactérien maternel. Il va se développer et évoluer progressivement tout au long de notre existence en fonction de notre environnement, notre patrimoine génétique, notre hygiène et notre alimentation. Aujourd’hui, la recherche s’intéresse de plus en plus à cet écosystème unique, notamment dans ses relations avec notre santé. Car, on s’en aperçoit de plus en plus, bien traiter nos bactéries, c’est prendre soin de notre système immunitaire.

« On peut définir deux manières qu’a le microbiote d’agir sur notre immunité, explique Nadine Cerf-Bensussan, responsable du laboratoire Immunité intestinale à l’institut Imagine, à Paris. Indirectement, tout d’abord, par son effet barrière. En peuplant l’ensemble des niches métaboliques de l’intestin, il protège contre les bactéries pathogènes. En outre, plus directement, les bactéries et les métabolites qu’il produit ont un effet bénéfique direct pour le système immunitaire en activant certaines cellules luttant contre les infections. Ce faisant, il renforce la barrière intestinale, protège des allergies et favorise les réponses vaccinales.  »

Encore faut-il que la composition de notre microbiote soit favorable. Car quantité de facteurs sont à même de le perturber. Ceux-ci aggraveront d’autant un système immunitaire malmené, entraînant notre organisme dans un cercle vicieux qui favorise la sélection de bactéries résistantes très inflammatoires, et à terme peut conduire à des affections chroniques comme la maladie de Crohn ou la rectocolite hémorragique. Dès la naissance, s’instaure ainsi un dialogue permanent et dynamique entre notre microbiote bactérien et notre immunité, chacun ayant un effet sur l’autre.

Quantité de facteurs génétiques mais également environnementaux sont en jeu. Des plus évidents – l’hygiène, la pollution, le tabac, le stress, etc. -jusqu’aux plus insoupçonnés, comme certains médicaments. Par exemple, les antibiotiques qui, en bouleversant la population bactérienne interne, auront in fine une répercussion sur la qualité de notre immunité. Si « le microbiote est vraiment un miroir de notre environnement « , selon l’expression de Nadine Cerf-Bensussan, le facteur le plus important est sans doute notre alimentation.

« Les aliments ultratransformés modernes utilisent par exemple beaucoup d’émulsifiants pour prolonger leur durée de conservation, décrit Benoît Chassaing, directeur de recherche Inserm et responsable de l’équipe Interactions microbiote-hôte à l’Institut Pasteur, à Paris. Or, nous avons découvert que ces agents sont capables de bouleverser notre fragile équilibre bactérien et de conduire à des inflammations intestinales chroniques.  »

Du reste, une étude de 2018 publiée dans la revue Cell a bien démontré que l’alimentation occidentale avait totalement appauvri le microbiote bactérien intestinal de populations ayant émigré aux États-Unis, conduisant à des problèmes métaboliques et immunitaires qui s’aggravaient au fil des générations. « C’est pourquoi il est important de connaître le contenu du microbiote de populations qui ne sont pas uniquement européennes ou américaines, comme ce fut le cas pendant trop longtemps, avance Benoît Chassaing. Depuis quelques années, les scientifiques cartographient également des microbiotes africains comme ceux de tribus de chasseurs-cueilleurs, ce qui nous a permis de faire de nouvelles découvertes.  »

Corriger la flore bactérienne pour mieux répondre au traitement

Un bon microbiote ne protège pas uniquement contre les pathogènes. Il permet aussi à un organisme de répondre plus efficacement à un traitement. Ainsi, plus il est abondant et riche, plus un vaccin s’avérera efficace. Autre exemple: les traitements anticancéreux basés sur l’immunothérapie. Leur but est de réactiver chez le patient un système immunitaire qui se serait épuisé à lutter contre le cancer. Or, on s’est aperçu que cette approche fonctionnait très bien chez certains malades, mais pas chez d’autres.

L’hypothèse est que le microbiote intestinal, de par la régulation du système immunitaire sous-jacent, joue un rôle essentiel dans la réussite du traitement. De sorte qu’il serait un jour possible de savoir, en analysant le patrimoine bactérien des patients, qui serait un bon répondeur à l’immunothérapie et qui le serait moins. Dans ce dernier cas, avant le traitement, le patient recevrait une transplantation fécale ou un traitement probiotique puissant pour corriger sa flore bactérienne afin qu’il réponde mieux à l’immunothérapie. Et encore, nous ne parlons là que des seules bactéries.

Mais notre microbiote est beaucoup plus vaste et constitué de bien d’autres micro-organismes: virus et champignons. « Ces derniers ont également des effets sur le système immunitaire, note le Pr Harry Sokol, gastro-entérologue à l’hôpital Saint-Antoine, à Paris, et il existe des interactions entre champignons et bactéries. Concernant les virus bactériophages qui nous peuplent, ils modulent nos populations bactériennes mais nous n’en savons guère plus. Les outils d’étude sont beaucoup moins développés, le domaine étant très récent. À ce stade, tout reste à faire.  »

Vers des probiotiques de nouvelle génération

Même si la transplantation fécale visant à implanter le microbiote sain d’un individu chez un malade souffrant d’un dérèglement immunitaire est efficace, la méthode a ses limites. Coût élevé, difficulté à trouver des donneurs, à les tester, la recherche s’oriente donc vers des thérapies plus simples.

« Nous travaillons depuis une vingtaine d’années sur des probiotiques nouvelle génération, explique le Pr Harry Sokol de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Nous avons identifié chez la bactérie Faecalibacterium prausnitzii des mécanismes d’action immunorégulateurs qui ont des effets dans l’inflammation intestinale. On a remarqué que moins cette bactérie était présente, plus les patients atteints de la maladie de Crohn avaient tendance à faire des poussées inflammatoires. » Présente chez la quasi-totalité des êtres humains, cette bactérie constitue un sérieux espoir de médicament pour des malades, estime le scientifique.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Djibouti, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here