Un Interrupteur Épigénétique Pour Les Souvenirs

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Un Interrupteur Épigénétique Pour Les Souvenirs
Un Interrupteur Épigénétique Pour Les Souvenirs

Africa-Press – Djibouti. L’ADN participe aussi au stockage de la mémoire », révèle auprès de Sciences et Avenir le neuroscientifique Johannes Gräff, qui a dirigé de nouveaux travaux publiés dans la revue Nature Genetics. Dans le cerveau de souris, les chercheurs ont réussi à manipuler les souvenirs par modification épigénétiques – les marqueurs d’activation de l’ADN. Cet « interrupteur épigénétique » était capable de supprimer puis restaurer un souvenir.

« Depuis environ 20 ans, on savait que l’apprentissage et la mémoire sont accompagnés par des modifications épigénétiques », explique Johannes Gräff. « Mais nous ne savions pas si l’inverse était vrai, si ces modifications peuvent changer la mémoire. » A chaque enregistrement d’un souvenir – on parle d' »encodage » – des neurones spécifiques à cette information s’activent. Cette population de cellules forme ce que les scientifiques appellent un engramme. Il sera à nouveau activé lorsque le souvenir devra être rappelé.

La formation d’un souvenir nécessite des contorsions de l’ADN

Dans le laboratoire, les souris sont confrontées à une expérience déplaisante. A un emplacement spécifique de leur cage, elles reçoivent un courant électrique modéré au niveau des pattes. Dans leur cerveau, un engramme encode le souvenir de cette nuisance. Les neurones qui en font partie ont subi des modifications de leur ADN: non pas au niveau de son code, mais de sa structure dans l’espace. Car si l’ADN est souvent représenté sous forme d’une longue chaîne libre ou au contraire compactée sous forme de chromosome en X, sa position dans l’espace est en réalité très variable, selon que les protéines autour desquelles il est enroulé en exhibent ou au contraire en cachent des séquences. Si bien qu’en contorsionnant le brin d’ADN de la bonne façon, deux séquences initialement éloignées peuvent entrer en contact et causer l’activation d’un gène.

Pour beaucoup, ces gènes activés lors de la formation de l’engramme permettent de renforcer la force de la connexion entre les neurones. « Nous réalisons aujourd’hui que l’architecture 3D du génome joue un rôle très important dans l’orchestration de l’expression génétique », concluait dans un communiqué le chercheur Asaf Marco, au sujet de ses travaux publiés en 2020.

Un interrupteur épigénétique qui active et désactive un souvenir de façon réversible

Parmi ces gènes activés lors de la formation de l’engramme, c’est au mieux connu ARC que s’intéresse l’équipe de Johannes Gräff. « ARC est un gène extrêmement important pour la plasticité synaptique », c’est-à-dire le remaniement des connexions entre les neurones, justifie le neuroscientifique. Si l’encodage du souvenir du choc électrique repose sur l’activation d’ARC, alors son inactivation pourrait l’effacer, raisonnent les chercheurs.

Et c’est effectivement ce qu’il se passe ! Les scientifiques combinent les ciseaux génétique CRISPR – une protéine capable de repérer l’endroit voulu dans l’ADN – et des enzymes capables d’ouvrir ou de fermer la séquence contenant le gène ARC. Un véritable interrupteur épigénétique créé pour n’agir que dans les neurones de l’engramme du choc électrique qui a été infligé aux souris.

« L’ouverture et augmentation d’ARC a induit une amélioration de la mémoire, tandis que la fermeture et baisse d’ARC a induit une perte de la mémoire », résume Johannes Gräff, surpris de constater qu’une unique modification dans tout le génome et dans très peu de cellules a suffi à induire un changement au niveau du comportement. Car face à l’emplacement précédemment associé à un choc électrique, les souris chez qui ARC a été rendu inaccessible marquent nettement moins l’arrêt caractéristique de la peur. Mais lorsque Arc est à nouveau ouvert, elles hésitent à nouveau comme les souris non modifiées. La mémoire leur est revenue.

Si ces travaux n’en sont que les prémices, les chercheurs espèrent qu’ils mèneront un jour à une meilleure compréhension des pathologies et troubles de la mémoire, comme le stress post-traumatique ou la démence. Et, peut-être, à des outils permettant d’aider ceux qui en souffrent à rendre les souvenirs plus ou moins accessibles à leur propriétaire.

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