Hydroélectricité : Une voie incontournable pour l’émergence, selon l’économiste le Pr Hery Ramiarison

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Hydroélectricité : Une voie incontournable pour l’émergence, selon l’économiste le Pr Hery Ramiarison
Hydroélectricité : Une voie incontournable pour l’émergence, selon l’économiste le Pr Hery Ramiarison

Africa-PressMadagascar. Madagascar doit afficher une croissance économique annuelle d’au moins 7,5% sur 15 ans, pour atteindre l’émergence, selon l’économiste Hery Ramiarison. Selon ses explications, l’accès à l’énergie de qualité, suffisante et à coût raisonnable, est indispensable. Interview exclusive.
Midi Madagasikara (MM). En tant qu’expert, pouvez-vous décrire le lien entre l’énergie et le processus de l’émergence ? Concrètement, quels pourraient être les impacts de l’accès suffisant à l’énergie sur l’industrialisation ou sur la croissance économique ?
Dr Hery Ramiarison (HR). Tout d’abord, économiquement parlant, le concept de l’émergence nous renvoie au concept de décollage économique au sens de Rostow, c’est-à-dire la période où le volume d’activités économiques productives atteint un niveau critique de manière à produire des changements qualitatifs qui mènent à une transformation structurelle massive et progressive dans l’économie et la société. Il s’agit nécessairement de réaliser une croissance économique forte et régulière tout en s’industrialisant. Pour le cas de Madagascar, cette phase de décollage économique impliquerait une croissance économique annuelle d’au moins 7,5% sur une période de 15 ans au minimum. Ceci ne peut se réaliser sans un accès adéquat à une source efficiente d’énergie (en quantité, en qualité et coût). En outre, de nombreuses recherches ont montré une forte corrélation entre l’énergie et la croissance économique. Par exemple, selon une étude publiée par le Centre d’Economie de la Sorbonne en 2014, l’élasticité entre la consommation d’énergie par habitant et le PIB par habitant se situe entre 0.6 et 0.7, signifiant qu’une hausse de 10% de la consommation d’énergie par tête induirait une augmentation moyenne de 6 à 7% du PIB per capita.
Le président de la République a parlé de 7.800 MW de potentiel hydroélectrique à Madagascar. Techniquement, pouvons-nous, ou encore, devons-nous miser sur ces ressources ?
Malgré cette potentialité énergétique énorme, la situation de notre pays est très embarrassante. En effet, non seulement le taux d’accès à l’électricité est très faible à 15%, soit une capacité électrique totale très faible à moins de 700 MW (puissance installée), mais une grande partie de celle-ci, soit 75%, est de source thermique dont le coût est plus élevé. En outre, l’électricité fournie par la Jirama est jugée de qualité médiocre par de nombreux experts compte tenu des pannes, coupures et délestages fréquents, obligeant de nombreuses entreprises à investir dans des générateurs de secours et des équipements pour parer à d’éventuelles surtensions provoquées par ces coupures. Ce qui renchérit davantage ce coût déjà élevé. L’accès adéquat à une source efficiente d’énergie est donc loin d’être atteint, pénalisant fortement les activités économiques présentes et décourageant les investisseurs potentiels. Il n’est donc pas étonnant que notre croissance économique reste très faible et irrégulière tandis que les activités industrielles ne représentent que 15% de notre PIB. Dans cette situation, l’émergence semble impossible. Et si nous voulons renverser cette tendance, il est temps d’exploiter cette énorme potentialité hydroélectrique. Ainsi, non seulement nous mettons à la disposition de l’économie une source efficiente d’énergie mais nous contribuons largement à la protection de l’environnement, en réduisant considérablement l’utilisation de l’énergie fossile et des bois, sans parler des autres retombées économiques et sociales.
Quel modèle d’investissement et de développement proposeriez-vous, pour la concrétisation rapide de cette vision de solutionner le problème d’accès à l’énergie ?
Vu notre faible capacité de financement et de remboursement de dettes, ainsi que notre faible capacité technologique, il serait mieux de penser à un schéma d’investissement impliquant le secteur privé, notamment celui qui a de l’expérience dans le domaine. Cela permettra d’atteindre le niveau d’efficience nécessaire dans la production énergétique. Et nous avons déjà une loi sur le partenariat public-privé (3P). Cependant, l’intérêt privé ne se confond pas toujours avec l’intérêt public. Ainsi, pour maximiser cette efficience et pour s’assurer que l’électricité ainsi produite réponde aux besoins réels de notre économie, certains paramètres doivent être tenus en compte dans ce schéma 3P. Premièrement, le caractère insulaire de notre pays fait que la totalité de la production sera écoulée uniquement sur le marché local, on ne peut pas l’exporter. Ainsi, l’exploitation de cette potentialité devrait être en fonction des besoins de notre économie répartis dans le temps et dans l’espace. Il faudrait alors avant toute chose que le pays dispose d’un vrai plan de développement à moyen et à long terme. Ce plan permettra d’évaluer et d’anticiper les besoins réels de l’économie à moyen et à long terme, et d’éviter ainsi une surproduction ou une sous-utilisation des capacités totales installées. Deuxièmement, l’investisseur auquel est confié l’exploitation d’un site hydroélectrique est dans une situation de quasi-monopole, la majeure partie de sa production devant être achetée par la Jirama. Ainsi, il faut un examen minutieux de ces facteurs déterminants qui entrent dans la fixation des prix de vente à la Jirama, et donc dans la tarification aux usagers. Troisièmement, il faut assurer également la préservation de l’environnement et du climat social sur le site, ainsi que la maximisation des effets d’entraînement en termes de création d’emplois, de transfert de technologie en valorisant les entreprises et les compétences locales.
L’hydroélectricité nécessite beaucoup d’investissements et la population ne peut plus attendre des retombées à très long terme. Est-ce vraiment la bonne option pour réduire les tarifs de l’électricité ?
Certainement car le coût du KWH varie entre 5 et 10 cents en moyenne, en fonction des caractéristiques particulières du site à exploiter. Ce qui est largement inférieur au coût de production de source thermique, le ¾ de la production totale de la Jirama, soit environ 25 cents le KWH. A cela s’ajoutent les centaines de milliards d’Ariary de subvention annuelle de l’Etat à la Jirama. Ainsi, la retombée économique, financière et sociale de tels projets est énorme. Alors, l’émergence de Madagascar doit passer par cette voie.
Recueillis par Antsa R.

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