Entre le Niger et le Nigeria, la réconciliation par le treillis ?

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Entre le Niger et le Nigeria, la réconciliation par le treillis ?
Entre le Niger et le Nigeria, la réconciliation par le treillis ?

Mathieu Olivier

Africa-Press – Niger. Les principaux chefs des armées nigérienne et nigériane se sont retrouvés à Niamey ce 28 août pour évoquer, et surtout relancer, la coopération militaire entre leurs deux pays. Une réunion loin d’être anecdotique un an après le coup d’État ayant renversé Mohamed Bazoum.

Voici encore un an, Christopher Musa était l’un des principaux concepteurs du plan d’intervention de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) destiné à obtenir le retour à l’ordre constitutionnel et la libération de Mohamed Bazoum au Niger. Mais l’ancien président est toujours détenu et les choses ont depuis bien changé.

Ce 28 août, le chef d’état-major des armées du Nigeria s’est bien rendu à Niamey. Mais il n’y a pas été accueilli par le chef d’État dont il prétendait défendre la cause il y a douze mois: en lieu et place, ce sont les militaires du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, qui a renversé Mohamed Bazoum en juillet 2023) qui l’ont rencontré.

« Deux États voisins et frères »

À la tête d’une délégation de hauts gradés, Christopher Musa s’est entretenu avec son homologue nigérien, le général Moussa Salaou Barmou. Officiellement, il a été question de la participation de Niamey aux opérations de la Force multinationale mixte (FMM). Composée du Tchad, du Cameroun, du Bénin, du Nigeria et du Niger, celle-ci lutte contre l’État islamique dans le bassin du lac Tchad.

Le Niger a réaffirmé son engagement dans la FMM et les deux chefs militaires ont souligné la nécessité d’une coopération continue et élargie, y compris via des opérations militaires conjointes, l’échange de renseignements et une coordination tactique. Le général Barmou a prévu de se rendre à Abuja pour poursuivre ces efforts et ce dialogue.

« En dépit des divergences qui ont pu exister entre nos deux États, le contexte géopolitique et sécuritaire mondial et sous-régional nous impose encore plus un raffermissement de nos rapports. Le Niger et le Nigeria demeurent deux États voisins et frères, avec une frontière commune et des populations qui partagent les mêmes réalités et les mêmes défis », a-t-il déclaré.

Le 14 août dernier, le Comité des chefs d’état-major de la Cedeao – dont le Niger ne fait plus partie depuis le coup d’État de juillet 2023 – avait mis la lutte contre le terrorisme et la coopération régionale au centre de ses objectifs. Cette 42e réunion ordinaire du comité était présidée à Abuja par le général nigérian Christopher Musa.

« Du pragmatisme », malgré les « agents subversifs »

Cette rencontre d’Abuja avait pour objectif de travailler à l’activation de la force de lutte contre le terrorisme de la Cedeao, laquelle a été une nouvelle fois évoquée à Niamey le 28 août. « Même si le Niger ne fait plus partie de la Cedeao, une lutte régionale contre le terrorisme sans concertation avec les Nigériens n’aurait pas de sens », explique un expert en sécurité au Sahel.

« Il y a du pragmatisme des deux côtés de la frontière, où les militaires savent que la coopération régionale est indispensable pour lutter contre l’État islamique », ajoute cette source. Mais l’entente est encore loin d’être optimale, notamment en raison des nouvelles accusations lancées récemment par le chef de la junte nigérienne, le général Abdourahamane Tiani.

« [La] volonté maladive de déstabiliser le Niger s’est propagée à travers le repositionnement de tous les agents de la DGSE [Direction générale de la sécurité extérieure] française que nous avons chassés de notre territoire. Ils sont repositionnés au Bénin [et] au Nigeria », a affirmé Abdourahamane Tiani dans un discours à la télévision nigérienne le 4 août.

Ces « agents subversifs » avaient ensuite, expliquait-il sans apporter de preuves, pris contact avec « des terroristes de Boko Haram et de l’Iswap [État islamique en Afrique de l’Ouest] » et leur avaient proposé « de partir en guerre ouverte contre les nouvelles autorités nigériennes qui [avaient] osé demander aux soldats français de quitter leur territoire ».

Le général Tiani, Kemi Seba et Mohamed Bazoum

Ces accusations d’alliance avec les terroristes – déjà portées des mois plus tôt par d’autres officiels nigériens – ont été rejetées par la France, le Bénin et le Nigeria. « Cette mise en avant d’un ennemi extérieur fait partie de la stratégie de communication d’Abdourahamane Tiani, qui s’adresse d’ailleurs davantage aux Nigériens qu’aux étrangers », soupire une source diplomatique.

« Même si les pertes face aux groupes jihadistes sont moins importantes que celles du Burkina Faso et du Mali, le Niger doit faire face à une situation sécuritaire qu’il ne parvient pas à améliorer. Il ne peut pas s’avouer en échec, donc mieux vaut mettre en avant des prétendues soutiens occidentaux aux terroristes », ajoute ce diplomate en poste dans le Sahel.

« Il y a la communication d’un côté, qui peut crisper les relations entre le Niger et ses voisins nigérien et béninois. Et puis il doit y avoir le pragmatisme, en particulier dans la lutte contre le terrorisme et dans l’économie », soupire un ancien ministre nigérien, qui note les récentes avancées en faveur de la réouverture de la frontière entre le Bénin et son pays.

« Mais que valent ces avancées, quand on donne ensuite un passeport diplomatique à Kemi Seba, l’un des principaux opposants à Patrice Talon ? » s’interroge-t-il. Autre symbole de ce pas de deux: ce 28 août, alors que Christopher Musa repartait de Niamey, Mohamed Bazoum faisait face aux enquêteurs de la gendarmerie chargés de l’enquête le visant notamment pour haute trahison.

Source: JeuneAfrique

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