La « Charte de défense commune » signée entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger tiendra-t-elle ses promesses ?

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La « Charte de défense commune » signée entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger tiendra-t-elle ses promesses ?
La « Charte de défense commune » signée entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger tiendra-t-elle ses promesses ?

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. Les trois pays du sahel africain, notamment le Mali – le Niger et le Burkina Faso, gouvernés par des juntes militaires de transition, ont signé, le samedi 16 septembre 2023, un accord de défense commune, dénommée « la Charte du Liptako-Gourma », qui stipule que les trois pays s’entraideront si l’un d’entre eux est exposé à une rébellion interne ou à une agression extérieure.

Quelle étendue pour la Charte du Liptako-Gourma ?

Il s’agirait son statut d’une alliance de défense qui semble tomber à pic, alors que les trois pays qui ont été témoins de coups d’État militaires, feraient face à des menaces internes et externes communes, surtout que l’on parle du soutien russe à cette alliance, alors que le parrainage russe de cet accord et la volonté de renforcer le rôle du champ militaire indiquent la volonté de Moscou de couper les ailes à la France, dans la région du Sahel, profitant de la vague croissante d’hostilité africaine à l’égard de la présence militaire française.

Lors de la signature de cet accord qui s’est déroulé à Bamako, le président par intérim du Mali, le colonel Assimi Goïta, a annoncé dans un message publié sur les réseaux sociaux la création de la « Coalition des Etats du Sahel dont l’objectif est de créer une structure de défense collective et de soutien mutuel entre les parties signataires », a-t-il précisé.

Les analystes associent l’annonce de l’alliance à une réunion tenue par le vice-ministre russe de la Défense le Lieutenant-général Yunus-Bek Evkurov avec les ministres de la Défense des trois pays dans la capitale malienne, Bamako, ce qui indique que la Russie semble bien être derrière cette annonce.

Selon eux, les caractéristiques de l’alliance auraient été établies lors de la visite d’Evkurov, qui comprenait des accords dans le domaine militaire, comme la formation des conscrits et des officiers au Burkina Faso à tous les niveaux, y compris la formation des pilotes en Russie.

Cette alliance renforce la volonté de Moscou d’accroître son influence en Afrique après la mort d’Evgueny Prigojine, patron du groupe Wagner qui, à travers le groupe de mercenaires, a construit un réseau d’intérêts dans un certain nombre de pays d’Afrique et au-delà.

Les analyses évoqués ci-dessus ont confirmé que la France est aujourd’hui en train de perdre des relations historiques fondées sur la sécurité, qu’elle a fournies directement à un certain nombre de pays africains en assurant la protection intérieure des régimes en place par le biais de ses services et en déployant des bases militaires qui assurent la protection extérieure, ce que la Russie serait en train de jouer aujourd’hui dans les mêmes pays.

Il semble évident que le centre d’attention sur le continent africain a changé, alors que les pays africains ont commencé à se rapprocher de la Russie pour échapper à l’exploitation française. Le Mali et le Burkina Faso sont considérés comme des alliés de la Russie, avant même l’annonce de cette alliance, car ils ont exprimé leur soutien pour le Niger et ont répondu à toute intervention militaire étrangère chez leur voisin. Ils ont également décidé de cesser d’exporter de l’uranium et de l’or vers la France et l’Amérique et, le 10 août, le Burkina Faso a annulé un accord avec la France qui permettait à ses entreprises d’exercer leurs activités commerciales au Niger et au Burkina Faso et payer des impôts en France.

A en croire les analystes politiques, la Russie aurait même conclu des accords officiels sur le développement des forces armées locales avec les pays africains et sur l’ingénierie des relations russo-africaines.

On parle également d’un projet russe visant à établir une « confédération unifiée » des pays africains qui permettrait à la Russie de tirer le meilleur profit des richesses africaines et de bloquer toutes les routes devant la France.

Les trois pays ont expliqué qu’en vertu de la Charte, les parties s’engagent à lutter contre le terrorisme et le crime organisé, indiquant entre-autres que : « Toute violation de la souveraineté ou de l’intégrité territoriale d’une ou plusieurs des parties signataires sera considérée comme une agression contre le reste des autres parties signataires, et nécessitera que toutes les parties signataires fournissent leur assistance et répondent en recourant à la force armée ».

Qui sont ciblés également par cette charte ?

Selon nous, cette alliance est considérée comme un nouveau coup porté à la France, l’ancienne puissance coloniale, qui avait auparavant fourni une aide et un soutien militaires pour lutter contre le terrorisme, et après le revers qu’elle a subi en raison du retrait de ses alliés du pouvoir, elle a annoncé sa disposition à soutenir la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) quant au recours à une intervention militaire pour rétablir l’ordre, car elle espère que le président déchu du Niger, Mohamed Bazoum, reviendrait au pouvoir et restaurerait son influence dans ce pays.

Par ailleurs, les trois pays partagent de nombreux points communs, notamment les défis sécuritaires posés par les groupes rebelles armés sur leurs territoires et sont également confrontés à des crises diplomatiques alors que leurs relations avec leurs voisins et avec l’Occident sont devenues tendues en raison des coups d’État dont ils ont été témoins.

On peut d’ores et déjà dire que la déclaration de solidarité du Mali et du Burkina Faso avec le Niger et la mise en place d’une alliance tripartite, affaibliraient le rôle du groupe de la CEDEAO, qui est devenu incapable de prendre une décision à l’heure où le conseil militaire gagne chaque jour du terrain et impose une politique du fait accompli, profitant de la position européenne.

Par conséquent, la CEDEAO n’aura donc aucun rôle à jouer, et le prochain scénario sera un scénario de collision entre la CEDEAO et le groupe opposé à l’idée d’une solution politique. De plus, la nouvelle alliance soutiendra la nouvelle autorité au Niger.

A noter que le président par intérim du Burkina Faso, Ibrahim Traoré, et le dirigeant de facto du Niger, Abderrahmane Tchiani, étaient également présents lors de la signature de la charte, comme l’indiquent ces photos :


Mali : Assimi Goïta


Burkina Faso : Ibrahim Traoré


Niger : Abderrahmane Tchiani

Il importe de rappeler que le Mali, le Burkina Faso et le Niger luttent depuis longtemps contre les groupes terroristes extrémistes qui mènent des attaques sanglantes contre des civils et contrôlent des territoires, et les répercussions des coups d’État se font toujours sentir, le plus récent étant celui du Niger, où l’armée a pris le pouvoir en Juillet dernier. Il y a eu un coup d’État au Burkina Faso l’année dernière et le Mali a été témoin d’un autre coup d’État en 2021

La situation sécuritaire dans les trois pays est désormais considérée comme plus dangereuse. Le nombre d’attaques au Mali pourrait augmenter à mesure que la mission de maintien de la paix de l’ONU (MINUSMA) se prépare à se retirer d’ici la fin de l’année, et il existe également un risque de reprise du conflit avec le groupe séparatiste touareg.

Il va sans rappeler également que le Mali travaille de plus en plus avec les mercenaires russes du groupe privé Wagner pour maintenir l’ordre et lutter contre le terrorisme.

Les trois pays étaient membres de la force conjointe de la coalition du « G5 Sahel », créée en 2017 et soutenue par la France avec le Tchad et la Mauritanie pour faire face aux groupes armés qui sévissent dans la région.

Depuis lors, le Mali a quitté l’organisation en sommeil après un coup d’État militaire, et le président déchu du Niger, Mohamed Bazoum, avait déclaré en mai de l’année dernière que la force était considérée désormais « morte » après le départ du Mali.

Quant au Niger, dernier partenaire démocratique des États-Unis et des pays européens dans la région, il a également largement suspendu sa coopération avec ses partenaires étrangers depuis le coup d’État.

De facto, l’alliance entre les juntes militaires du Mali, du Burkina Faso et du Niger, façonne de nouvelles politiques dans la région, risque de porter un coup fatal au groupe sahélien, surtout après le départ de ses principaux fondateurs.

L’alliance façonnera ce qui se passera en Afrique de l’Ouest

Dans ce contexte, parmi les raisons qui poussent vers cette direction, il y a aussi le parti pris de la CEDEAO envers la position française, et donc la France est présente dans la région, et c’est ce qui provoque un état d’insatisfaction à l’égard de Paris, ainsi que la volonté de se débarrasser de la présence française dans la région, et donc cette alliance dessine désormais les caractéristiques de ce qui se passe en Afrique de l’Ouest et au Sahara en termes de forme et de contenu, et en termes de politiques suivies, parce que ces pays ont le potentiel et les capacités et qu’ils acceptent d’affronter la France et veulent se libérer de la présence française en Afrique de l’Ouest.

Une alliance de défense commune qui en chasse une autre

Les observateurs des affaires de la région du Sahel estiment que la création de l’alliance tripartite entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger est un effondrement complet du groupe des pays du G5 Sahel, dont le siège en Mauritanie a été créé le 16 février 2014 dans la capitale Nouakchott, et son accord fondateur a été adopté le 19 décembre 2014 entre la Mauritanie, le Mali, le Tchad, le Niger et le Burkina Faso pour constituer un cadre pour une confrontation commune à la menace terroriste dans la région.

Les questions soulevées aujourd’hui sont bien les suivantes :

• Quelle sera la position de la Mauritanie et du Tchad sur la nouvelle alliance ?

• Le groupe du Sahel restera-t-il cohérent après le changement de la carte de l’intervention internationale avec le retrait de la France du Mali et du Burkina Faso et l’approche du retrait total du Niger, et après la création d’une coalition alternative comprenant trois de ses États membres ?

Dans cette lignée, analystes et observateurs s’accordent sur le fait que la situation du G5 Sahel et de sa force militaire conjointe doit être « reconsidérée » après les récents développements dans la région du Sahel, comme les coups d’État survenus au Mali, au Burkina Faso et au Niger, membres du groupe, et l’expansion et extension de la menace terroriste vers les pays du Golfe de Guinée.

Au Tchad, une source proche des milieux politiques affirme que la CEDEAO, accusée d’être un bras des puissances impérialistes, est « fissurée » et n’est plus en mesure d’intervenir militairement au Niger.

La charte tripartite réussira-t-elle ?

Rien ne prouve pour l’instant que cet accord, qui vient de faire éclater l’accord du groupe du G5 Sahel, aurait beaucoup plus de chance à être vigilent et capable de mener à bien ce que les trois pays attendent de lui.

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