NIGER : Le régime militaire met en place des organes de transition

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NIGER : Le régime militaire met en place des organes de transition
NIGER : Le régime militaire met en place des organes de transition

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Niger. A l’issue d’une période d’incertitude et de crainte d’être menacé par une intervention militaire conduite par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le Niger a repris un peu de souffle pour pouvoir entamer la restructuration de ses institutions constitutionnelles.

En effet, le général Abdourahamane Tchiani, Chef du régime militaire issu du coup d’État au Niger, a présidé le jeudi 16 novembre 2023 la cérémonie d’inauguration de deux nouveaux organes de transition récemment créés, deux semaines après que le Conseil africain de paix a décidé de soutenir une phase de transition au Niger, à savoir :

• La Cour d’État

La Cour d’État, présidée par le Magistrat de grade exceptionnel Abdou Dan Galadima, secondé par Salissou Ousmane, également Magistrat de grade exceptionnel, remplace la Cour suprême et le Conseil d’État, dissous après le coup d’État, comme le prévoit le décret organisant le pouvoir dans la période de transition précédant les élections, dont la date n’a pas encore été fixée.

• La Commission anti-corruption

Quant au Comité anti-corruption, il s’est vu confier la tâche principale de récupérer tous les fonds publics obtenus illégalement. Il est composé de juges, d’officiers de l’armée et de la police, ainsi que de représentants de la société civile.

Les deux cérémonies, qui s’e sont déroulées dans la capitale Niamey et qui ont été retransmises à la télévision d’État, ont réuni des commandants militaires, des notables locaux, des responsables religieux et des diplomates étrangers.

A noter que les membres des deux chambres ont prêté serment devant le général Tchiani, lors de sa première apparition publique depuis le 26 juillet dernier, date de son éviction du président élu Mohamed Bazoum.

Pour rappel, nous savons d’ores et déjà que la durée de la transition n’est pas encore connue, mais que le général Tchiani avait annoncé peu après sa prise de pouvoir qu’elle n’excéderait pas trois ans, en promettant la mise en place d’un « dialogue national » qui en déterminera notamment la durée.

Que reproche-t-on au juge Abdou Dan Galadima ?

Du site Niger Diaspora, nous avons choisi de reproduire ce paragraphe à ce sujet :

« Montrant à quels points et pour quelles raisons, la nomination d’Abdou Dan Galadima à la Cour d’Etat pose problème, non pas pour remettre en cause les compétences de l’homme, et donc du Juge, mais de sa capacité, pour quelques accointances avérées avec l’ancien régime qui ne sauraient lui permettre de faire Justice aux Nigériens et donc d’être le juge impartial qu’on a mis à une telle position stratégique de l’appareil judiciaire. La nomination, il ne faut pas en douter, au regard de ce que l’on sait et que l’Avocat qui dérange dit haut, pose problème, et notamment pour l’image même du CNSP qui, par un tel choix peu mesuré, porte atteinte à son capital de confiance avec le peuple du Niger. Rapidement, par les réseaux sociaux, ce sont des choses qui se propagent si bien que tout le Niger est aujourd’hui informé du problème et il commence à douter. Or, il est important qu’avec le CNSP, dans cette marche que l’on veut historique, le peuple ne doute pas. Les gouvernants n’ont pas trop de chance en notre époque où l’information ne peut être cachée, circulant à la vitesse de l’éclair au gré d’Internet dont les vents sont devenus incontrôlables. Pour Me. Larwana Abdourhamane, il s’agit d’un « sérieux problème », car, pour avoir participé activement en tant que Secrétaire Général du même gouvernement dont la gestion est largement mise en cause, il ne saurait raisonnablement et sensément être le bon juge pour le juger. Comment, peut-il condamner les hommes qui ont été aussi ses camarades, peut-être même des parents ?

(Lien – https://www.nigerdiaspora.net/home/32-politique-niger/19827-le-casting-inquietant-du-cnsp-justice-cour-d-etat)

Les menaces d’intervention militaire de la CEDEAO ont-elles échoué quant à ramener Bazoum au pouvoir ?

De nombreux observateurs de la situation dans la région du Sahel africain estiment que les dirigeants de la CEDEAO s’étaient empressés de proférer des menaces d’intervention militaire au Niger, après le coup d’Etat qui eut lieu et qui a déposé le président Mohamed Bazoum car, sous le choc, la CEDEAO n’a pas fait bonne lecture attentive des dimensions « géopolitiques », et peut-être, aussi, avant de mener des consultations suffisantes et un examen de l’auto-préparation de l’organisation, et de l’efficacité de ses mécanismes à la lumière du poids des dimensions régionales et internationales de cette crise.

Compte tenu des divergences apparues entre les membres du Parlement de l’Organisation des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), il convient de mentionner que quatre des pays membres sont considérés comme « influents » et que leurs positions limitent – dans une large mesure – les options de l’organisation. Il s’agit du :
• Mali,
• du Burkina Faso,
• de la Guinée,
• et du Nigeria.

Au-delà des positions politiques, le Mali et le Burkina Faso ont exprimé des positions strictes contre toute intervention militaire au Niger, étant pleinement prêts à combattre aux côtés de l’armée nigérienne, considérée comme le plus grand obstacle à la possibilité d’une intervention militaire pour mettre fin au coup d’État à Niamey, et ramener au pouvoir le président détenu Mohamed Bazoum.

Cependant, les positions variaient, reflétant l’ampleur des grands désaccords internes sur la manière la plus appropriée de résoudre la crise du coup d’État nigérien.

Parmi ceux qui ont rejeté l’intervention militaire, le représentant du Nigeria au Parlement de la CEDEAO, Ali Andumi, s’est également opposé à ce que le président nigérian, Bola Tinubu, président actuel du l’organisation, ferme la frontière avec le Niger et coupe l’électricité sans obtenir l’approbation du Parlement.

« Nous sommes les représentants du peuple, et quelle que soit l’action qui doit être entreprise, elle doit être basée sur ce que veut le peuple », a-t-il déclaré.

Quant aux pays qui ont soutenu l’intervention militaire, il s’agit :
• du Sénégal,
• de la Côte d’Ivoire
• et du Nigeria.

Le Togo, quant à lui, qui souffre des effets du coup d’État au Niger, n’a pas exprimé de position claire. La position finale du Nigeria étant incertaine après que le Sénat et un certain nombre d’États frontaliers du Niger ont rejeté une intervention militaire.

Les raisons du déclin des possibilités d’intervention militaire

Il importe de noter que plusieurs raisons ont poussé la CEDEAO à faire marche arrière :

• La division sur le principe de l’intervention militaire et son inefficacité à ramener au pouvoir le président nigérien détenu, et la crainte que le groupe échoue dans sa mission, ouvrent la voie à un précédent qui pourrait conduire à « la fin de l’organisation » elle-même.

• Le refus du Sénat nigérian d’accorder au président l’autorisation d’intervenir, ainsi que le rejet formulé par les gouvernorats limitrophes du Niger de toute opération militaire, soit sept régions qui ont leur poids en faisant pression sur leur gouvernement pour qu’il empêche toute intervention, à la lumière des informations selon lesquelles la guerre au Niger aurait des conséquences négatives sur le nord du pays en particulier. Et comme c’est vers le Nigeria que se tournent les enthousiastes de l’intervention militaire, les chances sont considérablement réduites.

• Le soutien massif que les putschistes ont trouvé au Niger et la volonté de milliers de jeunes de rejoindre l’armée et de combattre à ses côtés.

• La menace du Mali et du Burkina Faso de combattre aux côtés de l’armée au Niger étant l’un des obstacles les plus importants à la mise en œuvre de l’intervention militaire de la CEDEAO, par crainte d’étendre la portée de la guerre au niveau régional.

• L’ambiguïté de la position américaine, qui tient toujours le bâton au milieu, car Washington n’a pas qualifié ce qui s’est passé de « coup d’État » par crainte pour l’avenir de sa présence dans la région si le Niger changeait ses positions et ses alliances, mais au contraire, les États-Unis ont soutenu les efforts diplomatiques et ont déclaré qu’ils n’avaient pas reçu de demande de retrait de leurs forces du Niger. C’est ce que les politiciens de la région ont interprété comme une volonté de parvenir à une solution diplomatique à la crise.

• La junte militaire de Niamey a averti le groupe de la CEDEAO que le président Mohamed Bazoum « pourrait être tué » si elle intensifiait son hostilité à son égard.

C’est pourquoi la CEDEAO n’avait plus beaucoup d’options pour faire face à la crise du Niger, puisqu’elle a dispersé toutes ses cartes d’un coup, en échange de la capacité de la junte militaire de Niamey d’arranger sa situation et de neutraliser un certain nombre d’acteurs de la région, et ensuite contenir la tempête d’une intervention militaire, dont les chances ont diminué de jour en jour, jusqu’à devenir presque nulles.

Pourquoi les menaces françaises ont-elles diminué ?

Dans ce contexte, le magazine « The Economist » a déclaré que la décision du président français Emmanuel Macron de retirer les soldats de son pays stationnés au Niger témoigne de sa conscience du déclin de l’influence de la France, dans ce pays en particulier sur le continent africain en général.

La même source indiquait que la décision du président français, dans laquelle Macron revenait sur sa position selon laquelle « Paris ne reconnaîtrait que le président du Niger (détenu) et démocratiquement élu », fût une surprise, d’autant plus qu’il annonçait que son pays mettrait fin à la coopération militaire bilatérale avec le Niger, expliquant ce changement en affirmant que les nouvelles autorités « ne veulent plus lutter contre le terrorisme ».

Par ailleurs, la chance de voir la CEDEAO entreprendre une action militaire à l’encontre du Niger n’étant plus possible, la France s’est « calmée » et retiré ses menaces.

Les Etats-Unis sont-elles jusqu’à présent les bénéficiaires du coup d’État au Niger ?

Oui, on peut bien affirmer, aujourd’hui, que les États-Unis entendent composer avec la junte militaire au Niger, soit une « autre façon » de reconnaître le coup d’État perpétré dans ce pays du Sahel africain.

Ceci a été rapporté par le journal « Financial Times » du dimanche 22 octobre, où Judd Devermont, le responsable des Affaires africaines au Conseil de sécurité nationale des États-Unis, disait que les États-Unis avaient l’intention d’établir des relations officielles avec le nouveau gouvernement militaire du Niger.

« Nous nous engageons dans la zone d’une manière qui est conforme à nos lois afin de pouvoir continuer à garantir que la zone est sûre », a-t-il déclaré.

On peut donc dire que certains voient dans cette démarche un aveu de la part des États-Unis que le coup d’État de juillet 2023 est devenu une réalité.

Les observateurs estiment que la position américaine semble axée sur un objectif principal, à savoir assurer la coopération continue du Niger dans ce que Washington décrit comme la lutte contre le « terrorisme », afin que la présence militaire américaine en Afrique de l’Ouest se poursuive et que Washington ne soit pas obligé de retirer ses forces et de partir, laissant ainsi le terrain vacant pour être occupé par les groupes armés et les milices d’autres pays, comme celle du groupe privé russe Wagner.

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