Ceinture verte de Niamey : Un espace vert détourné de son objectif initial

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Ceinture verte de Niamey : Un espace vert détourné de son objectif initial
Ceinture verte de Niamey : Un espace vert détourné de son objectif initial

Africa-Press – Niger. La ceinture verte de Niamey a vu le jour au lendemain de l’indépendance du Niger. L’idée qui a prévalu à la création de ce gigantesque projet environnemental consistait à doter la ville de Niamey d’un rideau vert de protection contre les intempéries et autres catastrophes naturelles. L’expression « ceinture verte » évoque bien évidemment ce symbole de protection à travers un espace vert qui allait ceinturer la ville de Niamey.

Elle s’étend sur 25 km de long et 1 km de large. Bien que la projection initiale de 2500 ha n’ait pas été atteinte, force est de reconnaître que la constitution de 2331,35 ha réalisés pour un total de 932.540 plants plantés et entretenus présageait déjà un espace vert à la hauteur de la vision et de l’ambition affichées par les autorités d’alors. La réalisation de cet espace forestier a nécessité un investissement colossal de l’ordre de plus de trois (3) milliards de FCFA, mobilisé par l’Etat et ses partenaires au développement tels que l’USAID, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) et la Banque mondiale à travers l’Agence Internationale pour le Développement (IDA).

Sur le terrain, le constat est sans appel. La ceinture verte est réduite à une portion incongrue par rapport à sa superficie initiale. L’homme a une fois de plus posé un acte grave en agressant son cadre de vie, cet espace environnemental dont le but ultime est de protéger la ville de Niamey et ses habitats des aléas climatiques. En effet, l’idée selon laquelle l’homme est l’acteur principal de la destruction de son environnement trouve tout son sens ici. Par le passé, la ceinture verte était cet espace verdoyant, beau à contempler sans cesse. Au-delà la protection de la ville de Niamey, la ceinture verte participait aussi à l’embellissement de la capitale. Les espèces d’arbres plantés, quoique dominées par le neem constituent une lueur d’espoir dans un pays sahélien où l’avancée du désert est à la fois irréversible et inexorable.

Des maisons construites en matériaux définitifs, des commerces installés, des ateliers métalliques implantés, des squatteurs et des garages auto, ainsi que des dépotoirs sauvages sont érigés çà et là. Telle est aujourd’hui la description de la ceinture verte. Des arbres plantés il y a de cela quelques décennies ont été systématiquement mutilés dans un silence tout aussi absolu. Autant dire que c’est une ceinture verte totalement défigurée et détournée de son objectif initial.

Selon le directeur régional de l’Environnement, de l’Hydraulique et de l’Assainissement de Niamey, le Colonel Hassane Chaibou, les premiers coups de pioche pour l’installation de la ceinture verte de Niamey ont retenti en 1965. C’est dire qu’il y a exactement 60 ans que ce poumon écologique a été réalisé. Cet espace avait à l’époque bénéficié de l’engagement politique, d’une grande implication des techniciens et d’une citoyenneté responsable de la population de Niamey. Malheureusement au fil du temps avec l’urbanisation de la ville de Niamey, les objectifs de départ sont loin d’être atteints au regard de la multiplication de certaines formes de pression qui la dégradent du jour au jour et d’année en année.

C’est ainsi qu’au fil des années, la ceinture verte qui était censée protéger la ville de Niamey a été froidement détruite et violemment dépouillée de sa substance. Elle est aujourd’hui réduite à sa plus simple expression au vu et au su de tout le monde. La ceinture verte a été lotie, morcelée et vendue, puis construite et habitée par certains au mépris de tous les textes de lois protégeant cet espace. A titre illustratif, on peut citer la loi du 8 juin 2004 portant régime forestier au Niger et le décret du 9 juillet 2004 portant protection des espaces verts et ceintures vertes qui précisent clairement que « toute occupation de la ceinture verte qui ne fait pas l’objet de déclassement reste et demeure illégale ». En dépit de la clarté des textes sur la ceinture verte, celle-ci n’a pas échappé à l’appétit vorace de certains nigériens qui l’ont morcelée et vendue pour leurs intérêts égoïstes au détriment de l’intérêt général. Pour, le directeur régional de l’Environnement, de l’Hydraulique et de l’Assainissement de Niamey, ces individus ont bénéficié bien sûr des accointances politiques à un certain moment et de complicités de tout genre.

Un crime environnemental perpétré sur trois espèces

Certes, lorsqu’on regarde l’évolution de la ceinture verte de Niamey, l’espèce dominante est incontestablement le neem. Cependant, il y a lieu de préciser qu’au départ trois espèces de plants ont été plantés. Il s’agit notamment du Sclérocarya birrea (dania), Azidirachta indica (neem) et Eucalyptus cameldulensis (Touraré) avec une prédominance du neem. Le choix porté sur le neem se justifiait par sa croissance rapide et la facilité de sa production en pépinière. C’est une espèce capable de constituer un rideau de protection en un temps record. Une autre raison du choix de cet arbre, explique le Colonel Hassane Chaibou, repose sur le fait que le neem est une espèce d’ombrage pour servir de lieux de repos aux citadins. Les anciens sujets visibles sur les artères des anciens quartiers de Niamey datent de cette époque.

Cependant, le diagnostic actuel de la ceinture verte révèle que l’espace a été morcelé au fil des années, vendu, construit et habité, y compris en mutilant de façon systématique des grands arbres pourtant protégés et entretenus pendant des décennies. Selon le Directeur régional de l’Environnement de Niamey, l’infamie qui a été perpétrée à l’égard de la ceinture verte, un patrimoine commun est tout simplement absurde. Pour comprendre cet état de fait, il y a plusieurs niveaux de responsabilité. En outre, le décret 2004-200 du 09 janvier 2004, souligne que tout acte qui engage le foncier dans la ceinture verte doit faire l’objet d’une autorisation conjointe des Ministres de l’Urbanisme et celui en charge de l’Environnement. Mais dans la pratique, cela n’a pas été le cas. Dans le temps, l’Etat détenait à travers les collectivités territoriales le monopole exclusif de lotissement. Mais l’avènement des lotisseurs privés a été l’élément déclencheur de l’installation d’un amalgame sans précèdent dans la gestion du foncier urbain. Les lotisseurs privés n’ont respecté aucune procédure, encore moins les lois et règlements qui régissent la gestion du foncier. Et la conséquence est aujourd’hui sous nos yeux en ce qui concerne la ceinture verte. Le Directeur régional de l’Environnement d’expliquer qu’il y avait eu 389,15 ha de dépassement par rapport aux superficies officiellement autorisées par le Ministère de l’Urbanisme. En plus, les détenteurs d’actes fonciers douteux et autres usagers ont procédé de façon systématique à l’abattage des arbres pour transformer la ceinture verte en champs de béton. Ils y sont certes arrivés à leurs intérêts mesquins. Mais comme le dit l’adage « le mensonge a beau courir, la vérité finit toujours par le rattraper ».

Réaliser des projets viables dans la ceinture verte

La ceinture verte est au centre d’une actualité brûlante. Et pour cause, l’Etat a décidé récemment de réparer l’injustice dont cet espace vert de protection de la ville de Niamey a subi pendant des décennies. Les opérations de déguerpissement sont en cours. Lorsqu’elles seront terminées, l’Etat va d’abord sécuriser l’espace récupéré en attentant la mise en œuvre des travaux d’aménagement. Les objectifs assignés à l’espace récupéré, précise le Colonel Hassane Chaibou, sont entre autres la création d’un cadre adéquat pour la recherche scientifique, l’amélioration du cadre de vie des populations et la création d’un cadre naturel de détente et de loisirs pour la jeunesse. Pour ce faire cinq grandes actions ont été retenues. Il s’agit de la création d’un jardin botanique, d’un parc aquatique, d’un parc zoologique, d’une aire de sport, et d’une aire de détente adaptée à tous les âges. « Notre priorité est de maintenant assainir l’espace et le sécuriser en attentant la mise en œuvre des travaux d’aménagement », a-t-il conclu.

Hassane Daouda (ONEP)

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