Site de la forêt classée de Guesselbodi ou ‘’Bois du 26 Juillet’’ : Un symbole de l’engagement environnemental et d’espoir pour les communautés

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Site de la forêt classée de Guesselbodi ou ‘’Bois du 26 Juillet’’ : Un symbole de l’engagement environnemental et d’espoir pour les communautés
Site de la forêt classée de Guesselbodi ou ‘’Bois du 26 Juillet’’ : Un symbole de l’engagement environnemental et d’espoir pour les communautés

Africa-Press – Niger. Situé dans la commune rurale de N’Dounga, à l’entrée du village qui lui donne son nom, le site de reboisement de Guesselbodi s’impose comme l’un des symboles les plus concrets de la volonté nationale de restauration écologique, impulsée par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP). C’est ici, sur cette terre aride, rocailleuse par endroits, autrefois menacée par l’érosion, la désertification et la pression humaine, qu’un événement majeur s’est déroulé en 2024. Il s’agit du lancement officiel de la première Journée Nationale de l’Arbre, instituée par le Président de la République, Chef de l’Eat, le Général d’Armée Abdourahamane Tiani. Sur une superficie de 50 hectares, plus de 15 650 plants d’espèces forestières locales ont été mis en terre. Un an plus tard, ce domaine, surnommé le «bois du 26 juillet», a bien changé.

Ce Jeudi 31 juillet 2025, à 9h, sous un ciel d’un gris doux, chargé de nuages comme annonciateurs de pluie, nous foulons le sol du site de la forêt classée de Guesselbodi, situé dans le département de Kollo. En franchissant le portail de ce site, notre regard est aussitôt attiré par un forage situé sur la gauche. Surmonté d’une caméra de surveillance, ce forage, alimenté par un système solaire autonome, constitue un élément central du dispositif d’approvisionnement en eau. Face à cette installation, se trouve l’habitat des deux gardiens du site. Tout autour du site, une clôture solide, renforcée de barbelés est la preuve d’une volonté de protéger, préserver et faire perdurer ce patrimoine végétal en pleine construction. À mesure que l’on avance, le paysage se dévoile dans toute sa richesse et sa splendeur. Un mélange de verts et de bruns s’étale jusqu’à l’horizon, révélant une transformation, une renaissance écologique lancée un an plus tôt, sur cette terre autrefois nue. Accompagnés du directeur départemental de l’Environnement et de la lutte contre la désertification de Kollo, le Lieutenant–Colonel Moussa Kailou, nous avons entrepris une visite minutieuse de chaque recoin de ce site de 50 hectares.

D’une longueur d’un kilomètre pour une largeur de 500 mètres, l’ensemble du périmètre a été parcouru à pied, soit environ trois kilomètres de marche sur un sol tour à tour rocailleux, gravillonné ou sablonneux, parfois tapissé d’herbacées épaisses. Très vite, notre regard est captivé par la diversité des espèces arboricoles soigneusement plantées à l’occasion de la Journée nationale de l’arbre lancée par le Président Tiani en 2024. Parmi elles, le Ziziphus mauritiana (Jujubier), Adansonia digitata (Baobab), le Tamarindus indica (Tamarinier), le bauhinia rufescens, le piliostigma reticulatum, et une forte dominance d’Acacia senegal (Gommier) etc… les espèces forestières locales adaptées au contexte agro écologique du milieu, dont certaines sont même en voie de disparition ou protégées. Les espèces herbacées présentes sur ce site sont le Cenchrus biflorus, Eragrotis tremula, Zornia glochidiata, schenolfeldia sp, cassia tora, etc…présentant des hautes valeurs fourragères, écologiques, économiques voire alimentaires. Chaque espèce pousse à son rythme ; certaines sont déjà bien dressées, d’autres, plus lentes à croître, prennent leur temps pour se solidifier à la base. Nous faisons un arrêt devant les deux arbres symboliques plantés par le Président Tiani lui-même. Ils sont là comme un repère d’un engagement national envers l’environnement pour un Niger plus vert et plus résilient. Notons que 17 villages et hameaux partagent la forêt classée de Guesselbodi qui est d’une superficie de 5400 hectares érigée en domaine privé de l’Etat en 1948.

Alors que nous parcourions le site situé à une trentaine de kilomètres de Niamey, entourés par les jeunes pousses d’acacias et les herbes hautes qui dansaient sous le vent léger, le directeur départemental de l’Environnement et de la lutte contre la désertification de Kollo avançait le regard attentif aux détails du terrain. Il nous expliquait avec passion et pédagogie la portée écologique de ce site. « Les espèces plantées ici sont majoritairement forestières, comme le baobab. Ce sont des arbres majestueux qui résistent et mettent du temps à grandir. Leur développement commence par une solidification à la base, avant de s’élancer vers le ciel. Il faut de la patience, mais le résultat est durable », a-t-il expliqué. Il désigne d’un geste de la main les demi-lunes creusées dans le sol, aux formes régulières. « Ces ouvrages sont essentiels. C’est à l’intérieur de ces formes que nous plantons les jeunes arbres. Elles permettent de retenir l’eau et les nutriments, indispensables à leur croissance », a-t-il expliqué.

Un écosystème en reconstruction

Sur le terrain, les résultats parlent d’eux-mêmes. En parcourant le site, on observe des plants de la même génération qui évoluent pourtant à des rythmes différents. Une réalité naturelle, selon le directeur départemental de l’environnement. D’après ses explications, le développement d’un plant dépend de plusieurs facteurs, notamment le type de sol, l’apport en matière organique, l’eau, le soleil et l’air. Tous ces éléments interagissent. Si un seul manque ou est déséquilibré, cela ralentit la croissance. Ce site présente plusieurs types de sols. Il y a des zones dunaires, gravillonnées et rocailleuses. C’est notamment dans les zones rocailleuses que les plants rencontrent le plus de difficultés. « Sur certains endroits du site, on ne peut même pas creuser. Le sol est si rocailleux que même si on plante un arbre, les racines se heurtent à des dalles souterraines et l’arbre risque de ne pas survivre. Quand cela arrive, nous procédons à ce qu’on appelle un regarni, c’est-à-dire le remplacement des plants morts », souligne le spécialiste.

Parmi les espèces qui résistent le mieux, les acacias tiennent une place de choix. Le directeur départemental de l’Environnement s’approche d’un jeune plant et pointe ses épines fines. « Ces épines sont en réalité des feuilles modifiées. Elles réduisent l’évapotranspiration. Ce qui permet à l’arbre de conserver l’eau. Vous remarquerez aussi que leurs feuilles sont très petites, c’est une stratégie pour limiter la perte d’humidité. D’autres espèces, perdent carrément leurs feuilles pendant les périodes de stress hydrique, mais restent vivantes ». Le lieutenant-colonel Moussa Kailou nous fait remarquer que le système racinaire est crucial. « Tant que le plant n’a pas bien ancré ses racines dans le sol, il ne peut pas se développer. Il consacre d’abord son énergie à coloniser la base, à s’incruster profondément. Ce n’est qu’ensuite qu’il commence à pousser en hauteur », dit-il.

Quant aux herbacées, elles sont essentielles car, elles nourrissent les animaux domestiques mais aussi les espèces sauvages. Le lieutenant-colonel Moussa Kailou désigne les herbes de l’année précédente, toujours en place. « Nous ne les avons pas encore fauchées car, elles protègent les jeunes pousse. L’année prochaine, elles seront récoltées et valorisées auprès des éleveurs des villages environnants. Cette année, leur production sera bien plus importante que celle de l’année dernière car, les semences de celles que nous n’avons pas fauchées se sont répandues un peu partout créant ainsi d’autres herbes. Le site est en voie de se refermer totalement en termes de couverture végétale. Et pendant que les herbes prennent de l’ampleur, les arbres aussi continuent leur ascension », a-t-il mentionné. Pendant cette visite, le directeur nous fait remarquer des traces fraîches de chacals, de lièvres et de petite outarde, signe que la faune locale reprend ses marques.

Un an après, un bilan positif et porteur d’avenir

À un an d’existence de l’initiative du Bois du 26 juillet de la forêt classée de Guesselbodi, les premiers résultats sont non seulement visibles, mais aussi porteurs d’espoir. Selon le Lieutenant- colonel Moussa Kailou, les données recueillies à partir d’un échantillonnage tenant compte des caractéristiques du sol révèlent un taux de reprise des plants de 96 % au mois de juillet 2025. Un chiffre remarquable qui témoigne du sérieux et de la qualité des travaux réalisés sur le terrain. Du côté de la végétation herbacée, la progression est tout aussi significative. Alors que la zone était totalement dénudée au démarrage du projet, il a notifié que la biomasse herbacée estimée cette année atteint désormais une production de 720 kilogrammes de matière sèche par hectare. Une évolution impressionnante qui indique une reprise effective de la vie végétale, avec des bénéfices directs pour la biodiversité et les communautés locales.

Un autre fait marquant est le retour progressif de certaines espèces fauniques terrestres et aviaires, telles que le chacal, la petite outarde ou encore les lièvres. Au-delà de la réussite écologique, cette première édition de la Journée Nationale de l’Arbre, initiée par le Président Tiani et implantée au cœur de ce domaine, a également permis de renforcer la sécurisation de ce site menacé par des tentatives récurrentes d’accaparement. « Désormais mieux protégé, ce joyau naturel a une chance réelle de se restaurer pleinement, afin de redevenir, à terme, l’un des grands poumons verts de la Ville de Niamey. Un héritage précieux pour les générations actuelles et futures », a dit fièrement le directeur départemental de l’environnement. Avec sa proximité de Niamey, le site de Guesselbodi pourrait, selon le lieutenant-colonel Moussa Kailou, être valorisé à des fins pédagogiques.

Il a par ailleurs expliqué que c’est la première fois qu’un site de cinquante (50) hectares de terres dégradées dédié à un tel événement a été traité avec des ouvrages de demi-lune valorisés biologiquement en termes de plantation d’arbres, d’ensemencements des herbacées. En effet, a-t-il notifié, ce site a fait l’objet d’un investissement structurant. « Les 50 hectares ont été entièrement clôturés en grillage renforcé par des barbelés et un forage à système d’exhaure photovoltaïque avec des canalisations, réalisé pour assurer une disponibilité permanente de l’eau pour l’arrosage des plants en période sèche. Ceci vise à combattre le stress hydrique qui risquerait de compromettre la survie des plants mis à terre dans un tel climat aussi rude », a-t-il précisé. Deux gardiens recrutés avec pour rôles d’assurer la surveillance et l’entretien des plants. Ce site a fait également l’objet d’installation des lampadaires solaires et des Cameras de surveillance au niveau de certains points stratégiques du site afin de garantir une sécurité soutenue du site à tout moment de la journée.

Une mobilisation communautaire exemplaire autour du site

Au-delà de l’aspect écologique, la restauration du site forestier de Guesselbodi s’impose comme un véritable levier économique local, impliquant activement les communautés riveraines. Les habitants de la zone ont tiré profit de cette initiative avec le Cash for Work. A travers des campagnes de sensibilisation en amont, les autorités ont encouragé la population à participer. Une main-d’œuvre locale motivée, formée et rémunérée a donc permis la mise en œuvre effective du reboisement.

Le directeur départemental de l’Environnement de Kollo détaille les modalités. « La confection des ouvrages en demi-lune a été réalisée sous l’encadrement de nos services. Les paysans sont formés à tracer les ouvrages perpendiculairement au sens de l’écoulement des eaux. Ce n’est pas un hasard, il faut que chaque demi-lune capte efficacement les eaux de ruissellement », a-t-il expliqué. Ainsi, 15 650 ouvrages ont été réalisés sur une superficie de 50 hectares, pour un coût total de 7 825 000 francs CFA, entièrement redistribué sous forme de rémunération journalière. Trois ouvrages étaient facturés à 1 500 francs CFA. L’implication locale ne s’est pas arrêtée là. C’est cette même main-d’œuvre qui a ensuite été utilisée pour creuser les trous et faire les plantations. Chaque trou était à 50 francs CFA, pour un montant total d’environ 800 000 francs, revenus directement aux villageois.

Autre fait marquant, selon lui, c’est l’implication des femmes, notamment celles du village voisin de Daray Bongou. Cette année, grâce aux herbacées qui ont produit des semences, des groupes de femmes ont été mobilisés pour récolter les semences qui ont servi à ensemencer d’autres sites. L’activité, a dit le directeur départemental de l’Environnement, a coûté environ 300 000 francs CFA, des ressources précieuses dans une période de soudure, permettant à ces femmes, dont certaines sont chefs de ménage, d’améliorer leurs conditions de vie. Enfin, des déplacés internes de la zone de Torodi qui sont installés à Guesselbodi ont aussi été associés aux travaux. « C’est une manière de leur permettre de subvenir à leurs besoins à travers cette activité utile et valorisante », a-t-il conclu.

Au terme de notre visite, nous avons eu le privilège et l’honneur de contribuer symboliquement à cette noble initiative en plantant un baobab, symboliquement nommé « l’arbre de l’ONEP », afin de marquer notre passage sur ce site en pleine restauration.

À la rencontre des acteurs de l’espoir vert de Guesselbodi

Après la visite du site de reboisement, notre équipe s’est rendue au village de Guesselbodi à la rencontre de celles et ceux qui, par leur labeur quotidien, ont contribué à faire de cet espace un symbole de résilience écologique. Parmi eux, Boubacar Yacouba raconte que l’arrivée du projet a coïncidé avec une période difficile. « J’étais dans le besoin, à la recherche d’un revenu. Le travail tombait à point. Chaque période de trois jours, je recevais ma paie. Ce qui me permettait d’acheter du mil ou du maïs pour nourrir ma famille », confie-t-il. Yacouba agissait comme pointeur, suivant et notant les efforts de chacun. Trois trous valaient 1300 francs, six trous 2600, 9 trous 3900 FCFA. Le travail se faisait le matin de 6h à 13 heures, ce qui leur laissait le temps de retourner dans leurs champs. Pour Boubacar Yacouba, ce site est une aubaine. Il affirme avec conviction que la forêt se restaurera et que ce sera un plus pour tout le pays.

Boubacar Zibbo, également impliqué dès les premières heures, se réjouit de cette opportunité inespérée. Il n’imaginait pas que l’installation d’un tel site dans leur localité leur ouvrirait autant de perspectives. Grâce à ce projet, il a pu traverser la période de soudure. « J’ai creusé des trous et planté des arbres » a-t-il dit. Ce qui émerveille Boubacar, ce sont les nouvelles espèces d’arbres plantés sur ce site qu’il n’avait jamais vues auparavant, ainsi que le retour de certaines espèces animales. « Avant, il n’y avait pas de lièvres ni de chacals dans cette foret, pourtant à notre dernière visite sur le site nous les avons vus », s’est-il réjoui. Boureima Seyni, père de famille, partage aussi cette satisfaction. Il estime que le site n’est pas seulement bénéfique pour les humains, mais aussi pour les animaux. Il confie qu’en une journée, il pouvait gagner jusqu’à 2600 FCFA, une somme non négligeable pour subvenir aux besoins de sa famille.

Le travail sur ce site n’a pas seulement été fait par des hommes ; il y a eu aussi la participation des femmes dans la réussite de ce projet. Désireux d’en savoir plus, nous avons décidé d’aller à leur rencontre. Mais en cette saison pluvieuse, la tâche s’annonçait compliquée. Dans les villages rares sont celles qui restent au foyer, la brousse devient leur bureau à ciel ouvert et les champs leur priorité. Notre première escale à Guesselbodi fut infructueuse. De même qu’à Daray Bangou, les femmes sont aux champs. Déterminés, nous prenons la route pour les champs, accompagnés du Directeur de l’Environnement de Kollo et un guide du village, traversant des paysages verdoyants, entre touffes d’herbacées et petits sentiers humides, jusqu’à atteindre des champs. C’est là que nous rencontrons Rachida Oumarou, une jeune veuve de 26 ans, mère de deux enfants, les pieds couverts de terre, une hilaire à la main. « J’ai travaillé sur le site de Guesselbodi en récoltant les semences des herbacées et ramassant de la paille », dit-elle. Selon cette jeune femme, la somme de 1 300 francs CFA qu’elle gagnait par jour lui servait à acheter de l’arachide pour semer dans son champ. « Pour moi, c’était plus qu’un simple travail, c’était un soulagement dans une période difficile », nous confie-t-elle. Fati Boubacar, 40 ans, a participé aux travaux collectifs, notamment à la collecte de pierres et à la confection de diguettes, ces petits ouvrages destinés à ralentir le ruissellement de l’eau. Chaque jour, elle gagnait 1300 francs CFA. Une somme qui, dit-elle, lui a permis de subvenir à ses besoins les plus urgents à un moment où les opportunités se faisaient rares. Heureuse d’avoir pris part à ce projet utile, elle considère cette expérience comme une chance et espère que d’autres actions similaires continueront d’être mises en place. Pour ces femmes, au-delà de la rémunération, ce projet représente une reconnaissance, une source de dignité et une opportunité économique rare, surtout en période de soudure.

Le site de Guesselbodi, au-delà de son rôle écologique, a apporté un réel soulagement aux communautés environnantes. En plus de reverdir le paysage et de favoriser le retour de la faune, il a permis à de nombreuses personnes, dont des femmes, de gagner de l’argent et d’améliorer leur quotidien. Ce projet prouve qu’il est possible de protéger l’environnement tout en créant des opportunités économiques pour les populations.

Aminatou Seydou Harouna (ONEP), Envoyée spéciale

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