« A Allah le magistrat Bassirou Ndiaye ! : Après une mission sur terre bien remplie » (Par Mamadou Youry Sall)

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« A Allah le magistrat Bassirou Ndiaye ! : Après une mission sur terre bien remplie » (Par Mamadou Youry Sall)
« A Allah le magistrat Bassirou Ndiaye ! : Après une mission sur terre bien remplie » (Par Mamadou Youry Sall)

Africa-Press – Senegal. Il faisait 8h 40 ce mercredi 7 septembre, lorsque sa sœur m’a appelé pour m’annoncer en pleurant la terrible nouvelle : «Bass miñam heddiima he ndiyam !», (Bass mon petit frère est resté dans l’eau !), avant de me faire comprendre que mon cousin Bassirou Ndiaye, qui a quitté Dakar la veille pour aller présenter ses condoléances au village à la suite du décès de sa tante, était dans la pirogue qui vient de chavirer dans l’affluent du fleuve Sénégal, le Doué.

Le coup de fil m’a abattu un moment. Puis, le film des moments que j’ai partagés avec Bass commença à défiler dans ma tête. Mais, en revoyant tout ce qu’il a accompli durant ses 55 ans de vie, j’ai soufflé, le cœur gros, les yeux imbus de larmes, en me disant, avec l’espoir qu’Allah agréera son œuvre : «Pourtant il est parti après avoir bien rempli sa mission sur terre !»

La vie familiale de Bass Ndiaye

Faisant partie d’une famille maraboutique, son oncle paternel fut l’un des premiers à ouvrir un foyer d’enseignement à Pikine, Bass était destiné pour sa formation, comme la plupart de ses frères, à l’Ecole classique islamique. Mais il a échappé à la règle. Sa formation de base s’est effectuée en français dans la banlieue de Dakar, entre Guédiawaye et Pikine où il a obtenu son Bac. Il est ensuite allé à l’université puis à l’Ecole nationale de l’administration et de la magistrature (Enam) pour en sortir comme magistrat. Ce qui n’était pas courant dans cette banlieue réputée difficile. Il est ainsi le premier membre de la famille à atteindre ce niveau d’études et le premier (le seul) magistrat du village de ses parents, Doué.

Mais cette réussite sur le plan scolaire et professionnel ne l’a en rien éloigné des siens comme on a l’habitude de voir. Bass est resté lui-même dans son comportement social et familial. Il n’a jamais quitté ses amis d’enfance, son équipe nawetaan ou son club de Guédiawaye. Président de Tribunal, Bass se plaisait à garder toujours les fonctions qu’il occupait dans le mouvement associatif quand il était élève ou étudiant. Dans son quartier, il faisait tout pour ne pas être distingué des autres.

Au niveau de la famille, il n’est ni benjamin ni aîné, mais la proximité avec sa mère donnait l’impression qu’il était fils unique. A la maison, il est difficile de le trouver ailleurs qu’à côté de sa mère. Ni ses obligations professionnelles ni ses affectations parfois lointaines, ne l’ont séparé de sa maman.

La vie sociale de Bass Ndiaye

Par ailleurs, faut-il savoir que président Bassirou Ndiaye fait partie des «Njuddu jeeri», parce qu’il n’est pas né au Fouta comme ses parents. Mais il n’en est pas pour autant un dépaysé ou un déraciné. Il maîtrise parfaitement la langue pulaar et connaissait bien la tradition de ses parents et le code familial. A tout point de vue, il faisait partie des meilleurs fils du village de Doué. Il était l’un de ses bailleurs de fonds et d’idées qui répondait sans sourciller à toutes les sollicitations. Il donnait sans compter pour la réhabilitation de la mosquée, la clôture des cimetières, le désenclavement du village, les évènements socioreligieux, etc. Comble de malheur, la pirogue qui a chaviré était la deuxième qu’il avait achetée pour le village !

Le désenclavement du village de Doué

Contrairement aux décideurs politiques, Bass se disait que le désenclavement des villages se trouvant dans l’île à Morphil, comme Doué, devrait être plus qu’une priorité, une urgence. Autrement dit, si la politique était l’art de gérer les priorités et les urgences, la mobilité urbaine, quels que soient ses dégâts économiques, ne devancerait pas, dans l’ordre des actions gouvernementales, le désenclavement des terroirs et leur intégration dans la continuité de l’espace vital. Malheureusement, cette conception est loin d’être partagée par les hommes politiques du pays. Il leur importe peu que l’enclavement tue et continue de tuer. Une pirogue avait chaviré il y a un an dans les mêmes circonstances au même endroit et avait fait deux morts.

Pour dire enfin, que Bass a bien vécu en s’acquittant de ses obligations sociales, familiales, religieuses et professionnelles. Les témoignages factuels l’ont attesté à l’unanimité. Ce qui a beaucoup consolé sa mère. Qui, forte de sa foi, a rendu grâce à Allah de lui avoir donné un fils respectueux des gens et respecté, qui n’a jamais vendangé son éducation familiale. En plus, Dieu dans sa bonté infinie, a voulu qu’il ne soit pas enterré in situ comme la plupart des noyés restés plus de 24h dans l’eau, mais bien inhumé au milieu des siens. Ainsi, les proches parents autant que les amis qui souffrent de la disparition de Bass, du vide qu’il a laissé, devraient eux aussi, comme sa mère, être consolables. Tous doivent garder en mémoire son mode de vie et son humilité surtout. On devrait se souvenir toujours de ce haut cadre de l’Administration du Sénégal, qui n’hésitait pas à aller faire ses condoléances au village au lieu de laisser un autre membre de la famille moins occupé partir à sa place, un haut cadre qui acceptait de monter dans les pirogues artisanales avec les villageois et qui aimait plus que tout les rencontres familiales. Bass nous a quittés en nous léguant cette façon de vivre. «La vie d’un homme n’est qu’un récit, fais tout pour en avoir le meilleur», disait un auteur arabe. Ainsi, raconter la vie de Bass sera l’un des meilleurs récits du village de Doué, sinon son hymne. Qu’Allah veille sur son âme et accompagne sa famille et ses amis !

Mamadou Youry SALL
Chercheur-Enseignant à l’Ugb

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