Rapport Critique sur la Gestion Financière de Macky Sall.

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Rapport Critique sur la Gestion Financière de Macky Sall.
Rapport Critique sur la Gestion Financière de Macky Sall.

Par Clémence Cluzel

Africa-Press – Senegal. La publication du rapport de la Cour des comptes sur l’état des finances publiques entre 2019 et mars 2024 épingle la gestion « catastrophique » du régime sortant.

Dans un rapport publié le 12 février, la Cour des comptes a pointé de graves irrégularités sur la gestion des finances publiques sous la présidence de l’ex-président Macky Sall, entre 2019 et mars 2024. Alors que les chiffres de la dette et du déficit budgétaire s’avèrent bien plus élevés que ceux des documents officiels, les soutiens de l’ancien régime dénoncent une instrumentalisation politique.

Le constat est accablant: détournements conséquents, surfinancements, dépenses engagées sans autorisation parlementaire… Les « graves anomalies » révélées par le rapport de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques au Sénégal sous la présidence de Macky Sall, entre 2019 et le 31 mars 2024, dénoncent une mauvaise gestion financière. Paru le 12 février, le document, émis par cette institution indépendante, remet en cause les chiffres officiels de la dette et du déficit budgétaire. « L’encours total de la dette de l’administration centrale budgétaire s’élève à 18 558,91 milliards de francs CFA [environ 28 millions d’euros], au 31 décembre 2023, et représente 99,67 % du PIB », note le rapport. Un taux bien supérieur au 74,41 % affichés par le gouvernement de Macky Sall. Même écart conséquent pour le déficit budgétaire de 2023: annoncé dans les documents officiels à 4,9 %, pour la Cour des comptes, il s’élève en réalité à 12,3 %.

Ces nouvelles données enfoncent un peu plus le clou des accusations de mal gouvernance et de « falsifications des données économiques » déjà émises par le gouvernement du Premier ministre, Ousmane Sonko. En septembre 2024, l’audit financier réclamé par le président Bassirou Diomaye Faye et opéré par le tout nouveau Pool judiciaire financier en charge de la lutte contre la corruption dénonçait déjà des irrégularités dans la gestion des finances publiques du régime précédent. « Le régime de Macky Sall a menti au peuple et aux partenaires en falsifiant les chiffres pour donner une image économique qui n’a rien à voiravec la réalité », avait alors critiqué Ousmane Sonko. Fin décembre, il mentionnait une situation « catastrophique » et évoquait un déficit budgétaire de 10,4 % du PIB et une dette publique de 76,3 % du PIB.

Instabilité économique

Le rapport fait état de nombreux manquements au mépris des règles budgétaires et procédures existantes, telles que des « fautes de gestion, de gestions de fait ou d’infractions à caractère pénal ». « Plusieurs dépenses ont été engagées en dehors des circuits budgétaires normaux et sans autorisation parlementaire », a expliqué le ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération, Abdourahmane Sarr, lors d’une conférence de presse du gouvernement le 13 février. Aussi en cause des détournements importants, des emprunts au-delà des besoins réels de l’État, des transferts opaques vers des comptes spécifiques, des dettes non comptabilisées, ou encore des écarts dans les chiffres officiels et ceux réels… Autant de manquements rapportés dans ce premier audit qui expliquent ce seuil critique atteint.

La « trajectoire d’endettement doit être rapidement inversée pour préserver la soutenabilité des finances publiques et éviter de compromettre les équilibres économiques de long terme », avertit le rapport dont les conclusions alarment sur la stabilité financière et la soutenabilité du Sénégal sur sa dette. Les partisans de Macky Sall déplorent des annonces qu’ils jugent défavorables à l’attractivité du Sénégal. « Cela pourrait avoir de graves conséquences sur l’image du pays à l’international, notamment en matière de négociation avec les partenaires financiers et les institutions de crédit », décriait Pape Malick Ndour, ancien ministre des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi sous Macky Sall lors d’une conférence le 13 février.

Le 4 octobre dernier, l’agence de notation Moody’s avait en effet abaissé la note du Sénégal à B1 en réaction aux résultats de l’audit du gouvernement. Dans la foulée, le Fonds monétaire international (FMI) avait lui aussi décidé de suspendre son programme de décaissement supérieur en attendant la publication du rapport de la Cour des comptes, révisant en même temps à la baisse la croissance du pays qui passait de 7 % à 6 % en 2024 en prévision de ce déficit plus important. À la publication du rapport jeudi, le FMI a réaffirmé « son engagement à accompagner les autorités dans la suite du processus » et a félicité « l’engagement des autorités en faveur d’une plus grande transparence ».

Malgré les inquiétudes, le ministre de l’Économie a tenté de rassurer lors de la conférence de presse. « Nous ramènerons le déficit budgétaire à 3 % du PIB dans un horizon court et la dette suivra la trajectoire baissière pour arriver à 70 % du PIB d’ici l’horizon 2029-2035 », a-t-il dit, rappelant que la croissance de 6,5 % attendue, grâce à la production de pétrole et de gaz notamment, permettra de supporter la dette et de la stabiliser à moyen terme. « La perspective est bonne, même si la note du Sénégal a été abaissée: si la trajectoire de consolidation est respectée, il n’y aura pas de difficultés pour convaincre les investisseurs que le pays est stable », s’est-il voulu confiant.

Réformes et poursuites judiciaires

Dans un communiqué publié le 12 février, le gouvernement a aussitôt annoncé des réformes structurelles pour corriger les nombreuses failles mises en lumière par l’audit. Le ministre des Finances et du Budget, Cheikh Diba, a annoncé des réformes structurelles ambitieuses de la gestion des finances publiques et des institutions de contrôle pour aboutir à une « ère nouvelle de transparence et de responsabilité ». « Une approche plus transparente » pour une « gouvernance rigoureuse » qui mise sur des contrôles stricts, la digitalisation des services, la centralisation de la dette, mais aussi une série de réformes fiscales comme celle du Code général des impôts. Le président Bassirou Diomaye Faye, et son Premier ministre Ousmane Sonko, ont fait de la transparence et de la redevabilité leurs chevaux de bataille, faisant de la lutte contre la corruption leur thème de campagne électorale.

Le pouvoir est particulièrement scruté par une population en demande de justice et de changement. Au-delà des réformes de l’appareil administratif et étatique, le gouvernement s’est engagé dans la reddition des comptes des anciens cadres du régime de Macky Sall, promettant des poursuites judiciaires aux personnes impliquées dans les malversations et autres détournements de fonds publics. Le ministre de la Justice, Ousmane Diagne, a réitéré jeudi 13 février que des enquêtes pour « retracer les flux financiers illicites » seraient menées et pourraient entraîner des poursuites devant la Haute Cour et le Pool judiciaire financier, institution qui a remplacé en septembre 2024 l’ancienne Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI). Si la majeure partie des qualifications pénales devraient être pour « faux en écriture, détournements de deniers publics, blanchiment d’argent, ou enrichissement illicites », le garde des Sceaux n’a pas exclu la possibilité d’une poursuite de Macky Sall pour haute trahison.

Pour les soutiens et fidèles de ce dernier, cette reddition des comptes n’est ni plus ni moins qu’une « chasse aux sorcières » et une « criminalisation politique de l’ancien régime ». Ils pointent notamment le Pool judiciaire financier comme étant l’un des responsables de ces « procédures politiques » visant les anciens cadres du régime de Macky Sall. Depuis l’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye, les enquêtes et les poursuites judiciaires se multiplient: plusieurs demandes de levées d’immunité ont été déposées, des interdictions de sorties de territoire ont visé des anciens ministres notamment, tandis qu’un proche de Macky Sall, le député Farba Ngom, est visé par plusieurs accusations, dont celle de blanchiment de capitaux. Les membres de l’Alliance pour la République (APR), le parti de Macky Sall, dénoncent une instrumentalisation de la justice et des institutions à des fins politiques.

Au siège du parti à Mermoz ce jeudi 13 février, l’ancien ministre Pape Malick Ndour a attaqué de façon virulente le pouvoir actuel, parlant d’une « nouvelle machination politicienne » ainsi que d’une « nouvelle cabale de Sonko ». « Il veut faire porter la responsabilité de son échec annoncé à d’autres », a-t-il avancé. Ancien cadre du régime de Macky Sall, Youssou Diallo a, lui, critiqué la Cour des comptes et interrogé: « Où était la Cour des comptes de 2019 à 2024 pour ne rien voir, rien constater ? » Critique du rapport, il a requis la démission des magistrats et mis en cause leur impartialité. Très attendue par les uns, décriée par les autres, la reddition des comptes n’a pas fini de faire des vagues au Sénégal.

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