Heetch peut-il s’imposer à Dakar ?

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Heetch peut-il s’imposer à Dakar ?
Heetch peut-il s’imposer à Dakar ?

Africa-Press – Senegal. L’entreprise de transports s’apprête à se lancer dans la capitale sénégalaise. Entre transports en commun, taxis et services VTC déjà existant, la jeune pousse française peut-elle trouver sa place à Dakar ?

Tous avaient les yeux braqués sur lui en cette fin d’année. Tant attendu, tant critiqué, le TER a été inauguré en grande pompe par le président Macky Sall. Et cette fois-ci, c’est la bonne, promettent les autorités, qui vantent un moyen de transport « historique ». Le train express régional, qui relie pour l’instant Dakar à Diamniadio, doit permettre de relier le centre-ville de Dakar à sa proche banlieue en évitant les embouteillages. Une petite révolution, a promis Macky Sall.

Moins scruté, moins attendu, un autre acteur du transport urbain s’apprête lui aussi à se lancer dans la capitale sénégalaise en ce début d’année 2022. L’application française de VTC Heetch devrait être disponible pour les Dakarois dès le 12 janvier. Comme sa grande sœur américaine Uber, la start-up française propose un service de mise en relation entre usagers et chauffeurs, qu’ils soient taximen ou VTC – « avec licence », insiste-t-on chez Heetch.

Pour se prémunir de tout mauvais accueil des professionnels du secteur sur place et « bien s’intégrer », la société entend bien travailler directement – sans exclusivité – avec les chauffeurs sénégalais qui, assure Patrick Pedersen, ont tout à gagner avec ce partenariat.

« Certaines entreprises de VTC qui ont pignon sur rue sont tout de même confrontées à un souci de demande, avec des voitures qui ne tournent pas assez. Nous allons agréger ces offres, mais cela ne représentera pas une concurrence aux véhicules qui pratiquent la maraude », explique le directeur général Afrique de l’entreprise. Les chauffeurs de taxis pourront également utiliser l’application.

Des prix définis par algorithme

Avec quel bénéfice pour l’utilisateur ? Il serait double, à en croire Patrick Pedersen. « L’application garantit un taxi un bon état, un prix déjà fixé, ce qui évite les frictions. Nous garantissons également une prise en charge sécurisée, avec un chauffeur répertorié et immatriculé, qui vient vous chercher directement en bas de chez vous. »

Ce dernier argument n’a rien d’anodin : selon le responsable Afrique de Heetch, les premiers utilisateurs de l’application sur le continent sont des utilisatrices, généralement jeunes (20-35 ans). Reste encore la question du prix. Une course via l’application coûterait-elle plus ou moins cher qu’une course en taxi classique, hélé en une poignée de secondes dans les rues de la capitale ?

Difficile à dire pour l’instant. « L’algorithme qui fixe le prix calcule à la fois le prix de prise en charge, au kilomètre et à la minute », répond le responsable. Comme les chauffeurs de taxi qui font gonfler leurs prix en fonction des embouteillages, de l’horaire et des conditions météorologiques, le prix d’une course peut donc varier d’un jour à l’autre pour un même trajet sur l’application. Mais le tarif restera « raisonnable », selon notre interlocuteur. « Les prix seront différents que ceux pratiqués par un service de car rapide, mais notre objectif est bien de maintenir un service abordable », complète-t-il.

Tirer le parc automobile vers le haut

Heetch est déjà présent au Maroc (Casablanca, Marrakech et Rabat), en Algérie (Alger) et en Angola (Luanda), après une expérience ratée en Côte d’Ivoire et au Cameroun. Heetch Sénégal, appelée Sunu Heetch [Notre Heetch] est une coentreprise entre la société française, majoritaire, et deux partenaires à Dakar. L’un d’entre eux est Abdoulaye Bill Diara, le fondateur de la plateforme mTick, qui facilite les achats de billets de transports en commun (car).

« C’était le moment le plus opportun pour se lancer », observe le manager sénégalais, qui table déjà sur une forte évolution dans les prochaines années et plusieurs milliers de chauffeurs engagés sur l’application.

Bill Diara veut voir dans la mise en service de l’application un moyen de « tirer vers le haut le parc automobile » en accompagnant les acteurs répertoriés par l’État dans le changement de leur véhicule. « C’est aussi une promesse que l’on fait aux professionnels d’avoir plus de rotations et d’éviter le gaspillage d’essence ». « Nous avons travaillé avec certains groupements de taxis assez organisés, et nous sommes soutenus par le régulateur », ajoute le manager. Un investissement de « plusieurs centaines de milliers d’euros », réparti sur plusieurs années. Une équipe de six personnes est déjà constituée sur place.

Si Heetch revendique la « bénédiction » des associations de taxis et des structures VTC, dont dix sont déjà partenaires, un certain nombre d’entre elles contactées par Jeune Afrique assurent ne pas connaître l’application et ne pas avoir été approchées. Mais pourrait bien être intéressées.

Avec le Covid-19, des personnes qui avaient perdu leur travail ont utilisé leur véhicule personnel, sans licence…

Jules Faye, propriétaire d’une petite entreprise de VTC, gère une équipe de huit personnes depuis près de deux ans. Il confie avoir été contraint de réduire la cadence de ses chauffeurs, n’arrivant pas à atteindre « le volume horaire suffisant pour tenir ». D’autant plus que les VTC ont l’habitude de pratiquer des tarifs à l’heure qui peuvent vite se révéler peu intéressants pour l’usager.

À titre d’exemple, un trajet du centre-ville du Plateau (pointe Sud de la presqu’île) aux Almadies (pointe Nord) peut se négocier à 2 500 F CFA (3,8 euros – alors que le VTC tarife une location à 5 000 F CFA de l’heure). Pas forcément intéressant, quand on sait le temps parfois nécessaire pour se déplacer dans la capitale. Alors, une application qui lui permettrait de se développer, pourquoi pas ?

Car la concurrence fait rage au sein des structures VTC. El Hadj Mohamadou Sy, qui a fondé la société Allo taxi en 2014, évoque cette augmentation des acteurs. « Au début, un trajet Dakar-AIBD [le nouvel aéroport international Blaise-Diagne] était facturé 30 000 F CFA. Aujourd’hui, on est passé à 25 000 F CFA. Beaucoup de choses ont changé depuis que je me suis lancé, il y a eu énormément de plateformes VTC qui ont été créées. Avec le Covid-19, des personnes qui avaient perdu leur travail ont utilisé leur véhicule personnel, sans licence, évidemment… », regrette l’entrepreneur.

Heetch pourrait-il participer à la régularisation de ces véhicules ? Et avec quel effet pour les usagers ? En matière de concurrence, la start-up française aura fort à faire. D’autant plus qu’elle a été coiffée sur le poteau à la fin de 2021.

L’application de partage de trajet Yango, fondée par le spécialiste russe de l’internet Yandex et active à Abidjan depuis 2018, vient de se lancer au Sénégal. Mais les responsables de Sunu Heetch disent ne pas s’inquiéter de cette arrivée ni des visées potentielles d’Uber. « Ce qui est important, c’est que le marché existe et fonctionne bien. Notre objectif, c’est de prendre rapidement des parts.»

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